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19/12/2024 | FRANCE | N°22NC02388

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 19 décembre 2024, 22NC02388


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 août 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 mai 2021 et a autorisé son licenciement pour faute.



Par un jugement n° 2106790 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du 5 août 2021 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de

Mme B....



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 sept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 août 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 mai 2021 et a autorisé son licenciement pour faute.

Par un jugement n° 2106790 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision du 5 août 2021 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2022, l'Association régionale aide enfance malheureuse -Village d'enfants SOS d'Alsace, représentée par Me Bertrand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 juillet 2022 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... formée devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que Mme B... a soulevé devant les premiers juges le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision du 5 août 2021 ;

- cette décision n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;

- il lui était possible de poursuivre la procédure sans attendre l'expiration du délai de deux mois dont disposait l'intéressée pour demander sa réintégration, prévu à l'article L. 2422-1 du code du travail ;

- elle a justifié de son impossibilité de réintégrer Mme B... au sein de ses effectifs ;

- les faits reprochés ne sont pas prescrits dès lors que la procédure a été régularisée ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la procédure antérieure à la saisine de l'inspection du travail était irrégulière au motif que suite à l'annulation de la première consultation du comité social et économique du 18 février 2021, la mise à pied à titre conservatoire de Mme B... avait été maintenue et sa rémunération n'avait pas été versée jusqu'au 19 mars 2021, date de la seconde saisine de l'inspection du travail ; le délai de dix jours prévu à l'article R. 2421-6 du code du travail n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure de licenciement ; la circonstance que la mise à pied d'un délégué syndical n'ait pas été notifiée à l'inspection du travail dans les quarante-huit heures suivant sa prise d'effet est sans incidence sur la légalité de la décision autorisant le licenciement du salarié protégé ; en l'espèce, le comité social et économique avait été convoqué une première fois le 18 février 2021, soit neuf jours après la mise à pied et c'est parce que l'intéressée n'avait pas été auditionnée par ce comité qu'elle a été convoquée à une nouvelle réunion fixée le 18 mars 2021 ;

- ce jugement est d'autant moins justifié que Mme B... a été condamnée pénalement compte tenu de la gravité des faits qu'elle a commis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, Mme A... B..., représentée par Me Diebolt, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Association régionale aide enfance malheureuse-Village d'enfants SOS d'Alsace sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2024, la ministre du travail conclut à l'annulation du jugement du 26 juillet 2022 du tribunal administratif de Strasbourg et au rejet de la requête de Mme B... formée devant les premiers juges.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Laurence Stenger, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cyrielle Mosser rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 mars 2021, l'Association régionale aide enfance malheureuse-village d'enfants SOS d'Alsace a sollicité l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire Mme B..., employée en qualité d'éducatrice référente et ayant la qualité de salariée protégée au titre de son mandat de membre suppléante du comité social et économique. Par une décision du 10 mai 2021, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire. Le 21 juin 2021, en application de l'article R. 2422-1 du code du travail, Mme B... a formé un recours hiérarchique contre cette décision, reçu par la ministre du travail le 23 juin suivant. Par une décision du 5 août 2021, la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de Mme B.... L'Association régionale aide enfance malheureuse-village d'enfants SOS d'Alsace relève appel du jugement du 26 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 5 août 2021.

Sur la légalité de la décision du 5 août 2021 :

2. Aux termes des dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. La consultation du comité social et économique a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité social et économique. (...) ".

3. Les délais, fixés par ces dispositions, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter. Par suite, il appartient à l'administration, saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, de s'assurer que ce délai a été, en l'espèce, aussi court que possible pour ne pas entacher d'irrégularité la procédure antérieure à sa saisine.

4. Il est constant que Mme B... a fait l'objet d'une mise à pied, à titre conservatoire, par un courrier du 9 février 2021. Si l'association requérante a effectué, le 20 février 2021, soit neuf jours après la mise à pied précitée, une première demande d'autorisation de licenciement auprès des services de l'inspection du travail, il ressort toutefois des pièces du dossier que cette procédure a été annulée par l'employeur le 10 mars 2021 au motif que la salariée n'avait pas été auditionnée par les membres du comité social et économique lors de sa réunion du 18 février 2021. Or, en dépit de l'annulation de cette procédure, Mme B... a continué à faire l'objet de la mise à pied prononcée à son encontre dès le 9 février 2021. Elle n'a donc perçu aucune rémunération pendant un délai de trente jours, jusqu'à ce que l'association saisisse à nouveau l'inspection du travail d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement le 19 mars 2021. Par conséquent, dans ces circonstances, eu égard à la gravité de cette mesure de mise à pied et compte tenu de l'annulation de la première procédure de demande d'autorisation de licenciement, le délai de trente-neuf jours qui s'est écoulé entre le 9 février 2021 et le 19 mars 2021, doit être regardé comme excessif. Par suite, et comme l'ont estimé les premiers juges, la ministre du travail, en ne relevant pas cette irrégularité, a entaché la décision en litige du 5 août 2021 d'une erreur de droit.

5. Il résulte de tout ce qui précède que l'Association régionale aide enfance malheureuse-village d'enfants SOS d'Alsace n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, pour ce motif, la décision de la ministre du travail, de l'emploi, et de l'insertion du 5 août 2021 qui avait autorisé le licenciement de Mme B... pour faute grave.

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B... qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés par l'Association régionale aide enfance malheureuse- village d'enfants SOS d'Alsace et non compris dans les dépens.

7. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Association régionale aide enfance malheureuse-village d'enfants SOS d'Alsace une somme au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Association régionale aide enfance malheureuse-village d'enfants SOS d'Alsace est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association régionale aide enfance malheureuse-village d'enfants SOS d'Alsace, à Mme A... B... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience publique du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : L. Stenger Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC02388

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02388
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SELARL HESTIA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;22nc02388 ?
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