Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Par un jugement n° 2001546 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 6 juin 2023, M. B..., représenté par Me Philippe, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) principalement, de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées, subsidiairement, de prononcer la décharge de celles concernant la seule année 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure est irrégulière en ce que l'administration, dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle, a adressé des demandes de renseignements aux clients des sociétés Louayva et Dscj en leur faisant croire qu'elles portaient sur leurs dossiers fiscaux ce qui les a induits en erreur sur l'étendue de leurs obligations et les a incités à répondre ;
- la procédure relative à l'année 2017 est irrégulière en ce que la proposition de rectification du 6 décembre 2018 ne fait pas mention de la possibilité d'exercer le recours hiérarchique qui venait d'être créé par l'article L. 54 C nouveau du livre des procédures fiscales ;
- il n'y a aucune manœuvre destinée à égarer l'administration dans son pouvoir de contrôle dès lors que les sommes litigieuses figuraient au crédit de ses comptes bancaires et ont été obtenues sans difficulté dans le cadre du droit de communication.
Par des mémoires en défense enregistrés le 25 novembre 2022 et le 18 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est le gérant des sociétés SARL Dscj et SCI Louyva lesquelles ont fait l'objet de vérifications de comptabilité au titre des années 2015, 2016 et 2017. Estimant que M. B... avait été le bénéficiaire des revenus distribués correspondant à des recettes dissimulées par ces sociétés, l'administration a porté à sa connaissance, par des propositions de rectification des 5 décembre 2017 et 6 décembre 2018, qu'il envisageait, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, de réintégrer dans ses revenus de capitaux mobiliers imposables ces distributions, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts. M. B... a également fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2015, 2016 et 2017 à l'issue duquel le service, par propositions de rectification des 1er août 2018 et 14 mars 2019, a tiré les conséquences des rectifications en matière de revenus de capitaux mobiliers et a taxé d'office des revenus d'origine indéterminée en l'absence de réponse à des demandes de justification. La réclamation préalable de M. B..., portant sur les revenus de capitaux mobiliers, a été admise partiellement le 14 février 2020. M. B... relève appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et majorations laissées à sa charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne les renseignements obtenus des tiers :
2. Si l'administration fiscale peut régulièrement, pour les besoins de l'établissement de l'impôt, demander des renseignements à des personnes non soumises au droit de communication prévu au chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales, c'est à la double condition que les intéressés ne soient pas tenus de répondre aux questions posées, et que la demande de renseignements qui leur est adressée par le service ne soit pas susceptible d'induire les destinataires en erreur sur l'étendue de leur obligation à cet égard.
3. Le service a adressé à plusieurs clients des sociétés SARL DSCJ et SCI Louayva, dont M. B... était le gérant, des demandes de renseignements relatives à des chèques tirés par ces particuliers, non soumis au droit de communication. Il ressort de ces demandes que leur caractère non contraignant était nettement précisé tandis qu'aucune référence aux textes applicables en matière de droit de communication n'y figurait. Dans ces conditions, nonobstant la circonstance que certaines tournures des courriers adressés au titre des années 2015 et 2016 pouvaient faire penser aux destinataires que leur propre dossier fiscal était en cause, ces demandes n'ont pas été de nature à les induire en erreur sur l'étendue de leurs obligations.
En ce qui concerne la proposition de rectification modèle 2120 de l'année 2017 :
4. Aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, applicable à compter du 12 août 2018 : " Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai ".
5. D'une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de reproduire les dispositions précitées de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales dans la proposition de rectification ou dans la réponse faite aux observations du contribuable et de rappeler ainsi au contribuable la faculté qui lui est ainsi offerte de présenter un recours hiérarchique. D'autre part, M. B... ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative énoncée sous la référence BOI-CF-PGR-30-10 publiée le 30 octobre 2019, d'ailleurs postérieurement à la proposition de rectification du 6 décembre 2018, qui est relative à la procédure d'imposition et ne comporte, ainsi, aucune interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur les pénalités :
6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, afin de justifier l'application de la pénalité pour manœuvres frauduleuses, de rapporter la preuve de l'existence de procédés ayant pour but d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle destinés à masquer des omissions déclaratives délibérées.
7. Afin de justifier l'application de la pénalité pour manœuvres frauduleuses aux impositions supplémentaires découlant des revenus distribués consécutifs aux recettes dissimulées par les sociétés dont le requérant était le gérant, le service a mis en lumière que les chèques tirés à l'ordre de la SARL Dscj par ses clients, en paiement de travaux du bâtiment, avaient été falsifiés afin que le bénéficiaire en soit M. B... lequel les a encaissés sur ses propres comptes bancaires tandis que les sommes correspondantes n'ont pas été comptabilisées par la société. Ce procédé par lequel les recettes de la société ont été dissimulées afin que M. B... puisse se constituer d'importants revenus en franchise d'impôt est constitutif d'une manœuvre destinée à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. La circonstance que l'administration a pu finalement retrouver la trace de ces recettes dans les comptes bancaires de M. B... est sans incidence sur l'existence de ce procédé frauduleux. Par suite, l'administration rapporte la preuve des manœuvres frauduleuses.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 22NC01983 2