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19/12/2024 | FRANCE | N°22NC01575

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 19 décembre 2024, 22NC01575


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2000639 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une

requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 juin 2022 et le 17 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Grimpret...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2000639 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 juin 2022 et le 17 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Grimpret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2022 ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge totale, en droits et pénalités, des impositions contestées ;

3°) de prononcer, subsidiairement, la décharge partielle, en droits et pénalités, des impositions contestées compte tenu de la dissociabilité des travaux, et de lui accorder la restitution partielle des impositions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ne sont pas déductibles les dépenses de travaux réalisés entre 2012 et 2016 dans les appartements et les communs situés au premier étage de la résidence qu'il a acquise en 1984, dix ans après les travaux de gros-œuvre, alors que ces appartements étaient mis en location et qu'il s'agissait de travaux de modernisation et d'isolation, dits d'entretien et d'amélioration, qui ne portaient pas sur le gros œuvre et qui n'ont pas augmenté la surface habitable ; seul le sixième appartement est utilisé comme résidence secondaire ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les travaux en litige étaient indissociables des travaux de gros œuvre réalisés entre 2000 et 2003 pour diviser l'immeuble en six appartements ; l'administration fiscale ne s'est jamais prononcée sur la qualification de ces travaux alors qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, elle a considéré que les travaux réalisés sur les appartements du premier étage étaient des travaux d'amélioration et non pas des travaux de reconstruction ; contrairement à ce que retient le service, les surfaces en cause étaient déjà des surfaces habitables, avant même les années 2000, puisqu'il s'agissait d'une maison de vacance familiale ;

- les travaux en litige ne sont pas des travaux de construction affectant le gros-œuvre et ils n'ont pas contribué à augmenter la surface habitable dès lors qu'ils ont consisté en des travaux de plomberie et sanitaires, électricité, chauffage et réseaux, sols et carrelages, menuiserie, isolation, plâtrerie et peinture, stores et communs ; ces travaux sont d'une nature différente de ceux réalisés en 2001/2003 ;

- la nature des travaux réalisés de 2001 à 2003 ne présume pas le caractère non habitable des surfaces étant donné que plus de quinze ans séparent la date d'acquisition de l'immeuble et les premiers travaux ;

- c'est de manière involontaire qu'il a omis de déclarer les surfaces habitables avant les travaux réalisés en 2001 ; en tout état de cause, la déclaration d'achèvement prévue aux articles L. 462-1 et R. 462-2 du code de l'urbanisme ne présume pas le caractère habitable ou non des surfaces ; l'absence de déclaration d'achèvement des travaux, qui ne signifie pas leur inachèvement dès lors qu'il ne ressort d'aucune disposition du code général des impôts ni d'aucune doctrine qu'il s'agisse d'une condition formelle, est sans incidence sur l'analyse du litige et ne lie pas les travaux de gros œuvre achevés en 2003 avec ceux engagés de 2012 à 2015 ;

- la qualification de résidence secondaire suffit à elle-seule à justifier le caractère habitable des surfaces en litige, ceci d'autant plus qu'avant son acquisition, l'immeuble était une auberge qui par définition est une surface habitable, comme l'indique l'article L. 312-1 du code du tourisme ;

- les dépenses en litige correspondent donc à des travaux d'amélioration et d'entretien des locaux en vue de leur location au sens de l'article 31 du code général des impôts, de la réponse Poujade publiée au JOAN du 19 août 1967 p.3007 n° 1191, de la réponse de Préaumont publiée au JOAN du 14 mars 1970 p. 589 n°8776, de la doctrine BOI-RFPI-BASE-20-30-10 n°100 du 3 février 2014.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 décembre 2022 et le 17 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., expert-comptable, aujourd'hui retraité, a acquis avec son épouse, le 13 mars 1984, un immeuble situé 818 route des Moises à Draillant, en Haute-Savoie. Il a déclaré, au titre des années 2012 à 2016, des dépenses déductibles de ses revenus fonciers correspondant à des travaux réalisés dans cet immeuble, pour un montant total de 232 528 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces portant sur les années 2015 et 2016, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 6 juillet 2018, établie selon la procédure de rectification contradictoire, remis en cause la déductibilité de ces charges au titre de ces deux années, au motif qu'elles correspondaient à des travaux de construction et de reconstruction indissociables des travaux réalisés entre 2001 et 2003, ayant permis la création de six appartements et des locaux communs. A la suite des observations du contribuable, l'administration a admis en déduction certaines dépenses concernant des travaux d'entretien et de réparation pour un montant de 60 907 euros mais a maintenu les rectifications proposées pour le surplus des travaux déclarés en déduction par M. B... qu'elle a regardés comme correspondant à des travaux de reconstruction et d'agrandissement pour un montant de 171 621 euros. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que les pénalités afférentes, ont été mises en recouvrement, le 31 octobre 2019, pour des montants, en droits et pénalités de 19 930 euros au titre de 2015 et 26 459 euros au titre de l'année 2016. La réclamation préalable formée le 12 décembre 2019 par le contribuable a été rejetée par une décision de l'administration du 18 février 2020. M. B... relève appel du jugement du 3 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des pénalités correspondantes pour un montant global de 46 389 euros.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. ". Aux termes de l'article 31 du même code : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien (...) ; (...) ; b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ".

3. Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros œuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable. Lorsque des travaux n'ayant pas ce caractère sont effectués dans la même opération, les dépenses exposées à ce titre ne sont déductibles que si les différents travaux sont dissociables.

4. Par ailleurs, il appartient au contribuable qui entend déduire de son revenu foncier brut les dépenses constituant, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges, en produisant des pièces justificatives permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée.

5. Il résulte de l'instruction que consécutivement à l'obtention, le 10 mai 2000, d'un permis de construire, M. et Mme B... ont fait réaliser entre 2001 et 2003, dans le bâtiment qu'il avait acquis en 1984, d'importants travaux qui ont permis sa division en six appartements et la création de locaux communs. Il est constant que ces travaux de démolition, de terrassement, de maçonnerie, de charpente, de couverture zinguerie et de menuiseries extérieures ont constitué des travaux de construction, de reconstruction et d'agrandissement au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts. Il résulte également de l'instruction, particulièrement des plans annexés à l'autorisation de construire précitée, que ces appartements, dont il n'est pas contesté par le requérant que seuls les communs et les appartements C et D situés au premier étage sont en litige, ont été réalisés en duplex sur des surfaces antérieurement non habitables, à savoir les dépendances du premier étage (greniers et granges) ainsi que les combles, elles-mêmes divisées en deux étages pour permettre, en sus, la création des appartements E et F. Ces travaux ont permis une augmentation de la surface habitable du bâtiment de 631 m², puisqu'elle était initialement de 261 m² et qu'à l'issue des travaux, elle atteignait 892 m². Ces appartements ont fait l'objet entre 2009 et 2011 de nouveaux travaux d'aménagement. Il est également constant que les travaux réalisés en 2001/2003 puis en 2009/2011 n'ont jamais fait l'objet d'une déclaration d'achèvement auprès de la mairie par M. et Mme B... prévue aux articles L. 462-1 et R. 462-2 du code de l'urbanisme,

6. Il résulte de l'instruction que postérieurement au décès de son épouse, survenu au mois de janvier 2012, M. B... a décidé de mettre en location cinq des six appartements ainsi créés dans l'immeuble litigieux, se réservant le sixième comme résidence secondaire. M. B... a alors fait réaliser de nouveaux travaux entre 2012 et 2015 dans les communs et les appartement C et D, pour un montant de 171 620 euros. Si M. B... soutient que ces travaux correspondent à de simples travaux d'amélioration et de mise en conformité de ces appartements en vue de leur location, il n'en justifie pas alors que, comme le fait valoir l'administration en défense, ils ont consisté en des travaux de plomberie et sanitaires pour un montant de 25 233 euros, d'électricité et de chauffage pour un montant de 75 445 euros, de doublage isolation sur une surface de 266 m², de pose de chapes mortier sur une surface de 253 m², de carrelages au sol sur une surface de 133 m² sols et de carrelages, de menuiserie (neuf blocs portes et deux escaliers), de plâtrerie et de peinture (dont 127 m² de cloisons et 275 m² de plaques de plâtre pour plafonds), d'électricité, de réseaux et de pose de stores. Aussi, en l'absence d'élément apporté par le requérant prouvant que ces appartements étaient effectivement achevés, notamment après les travaux réalisés en 2009/2011, lesquels n'ont jamais fait l'objet, comme il a été dit plus haut, de la déclaration d'achèvement en mairie prévue aux articles L. 462-1 et R. 462-2 du code de l'urbanisme, ces travaux, compte tenu de leur nature et de leur importance, doivent être regardés comme correspondant à des travaux de reconstruction des communs et des appartements C et D, créés en duplex sur des surfaces habitables ( 20% du premier étage) et non habitables et qui ont eu pour effet une augmentation de la surface habitable de l'immeuble. A cet égard, le requérant ne justifie pas que les travaux en litige sont dissociables de l'opération indivisible de reconstruction des appartements C et D et des communs à laquelle ils doivent être assimilés. En outre, les circonstances alléguées par M. B... que l'immeuble en litige était la résidence secondaire familiale jusqu'en 2012 et que les travaux litigieux sont intervenus plus de quinze ans après ceux réalisés en 2001/2003 puis en 2009/2011 sont sans influence sur la qualification de ces travaux.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :/ 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. ".

8. En premier lieu, M. B... ne saurait se prévaloir des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-BASE-20-30-10 n°100, qui ne contiennent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est ici fait application. Par ailleurs, il ne saurait se prévaloir des réponses ministérielles à MM. Poujade et de Préaumont, qui se bornent à fournir des exemples de dépenses d'amélioration, déductibles des revenus fonciers, dès lors que pour les raisons précédemment évoquées, ils n'établissent pas que les dépenses de travaux en litige correspondent à des dépenses de réparation et d'entretien ou des dépenses d'amélioration au sens de l'article 31 susvisé.

9. En second lieu, M. B... ne saurait utilement se prévaloir, sur le terrain de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la position adoptée par l'administration fiscale en matière de taxe sur la valeur ajoutée à la suite de la vérification de comptabilité de la société Dell'Agnola pour les travaux réalisés en 2002 et 2003, à l'occasion de laquelle le vérificateur a estimé, au demeurant, qu'ils correspondaient à des travaux de construction et d'agrandissement. Par suite, ce moyen doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droit et pénalité, des impositions en litige. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre du budget et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : L. Stenger Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°22NC01575 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01575
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE DIJON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;22nc01575 ?
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