Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 et 2017.
Par un jugement no 2000617 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déchargé Mme B... de la majoration de 10 % et des intérêts de retard correspondant à ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2022, Mme B..., représentée par Me Gourves, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2016 et 2017 ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification méconnaît l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne justifie pas des montants retenus par l'administration pour la valeur locative cadastrale en 2016 et en 2017, ce qui l'a empêchée de faire valoir ses observations ;
- il n'est pas justifié de la valeur locative cadastrale retenue pour sa résidence principale ;
- le véhicule Range Rover ne pouvait pas être retenu pour déterminer la disproportion des éléments de son train de vie avec les revenus déclarés, en application de l'article 1649 quater-0 B ter du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de Mme B..., l'administration fiscale l'a, par une proposition de rectification du 21 mars 2019, assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, au titre des années 2016 et 2017, après avoir procédé à l'évaluation forfaitaire des éléments de son train de vie en application des dispositions de l'article 1649 quater-0 B ter du code général des impôts. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été mises en recouvrement, en droits et majorations, pour un montant total de 13 408 euros au titre de ces deux années. La réclamation préalable formée par Mme B... a été rejetée par une décision du 6 février 2020. Par un jugement du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge de la majoration de 10 % et des intérêts de retard correspondant aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de Mme B... et a rejeté le surplus de sa demande. L'intéressée relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". L'article R. 57-1 de ce livre dispose : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
3. Il résulte de la proposition de rectification du 21 mars 2019 que, pour établir la base d'imposition de Mme B..., l'administration fiscale a mis en œuvre la méthode dite forfaitaire prévue à l'article 1649 quater-0 B ter du code général des impôts et a appliqué, aux éléments du train de vie de la contribuable, à savoir une résidence principale et un véhicule, le barème prévu par cet article. S'agissant de l'évaluation de sa résidence principale, l'administration a retenu une valeur locative cadastrale de 6 228 euros pour l'année 2016 et de 6 252 euros pour l'année 2017. Si la requérante soutient qu'il n'est pas justifié de la valeur locative cadastrale retenue, la proposition de rectification précisait que cette valeur était " déterminée en fonction des bases servant au calcul de la fiscalité directe locale ". Cette indication était suffisante pour lui permettre de formuler utilement ses observations sur les conditions d'application de l'article 1649 quater-0 B ter du code général des impôts. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la garantie prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales aurait été méconnue.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article L. 63 du livre des procédures fiscales : " 1. Lorsque les agents des impôts constatent une disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, ils peuvent modifier la base d'imposition dans les conditions prévues aux articles 168 et 1649 quater-0 B ter du code général des impôts ". Aux termes des dispositions de l'article 1649 quater-0 B ter du code général des impôts : " 1. Lorsque l'administration fiscale est informée, dans le cadre de la lutte contre les activités lucratives non déclarées portant atteinte à l'ordre public et à la sécurité publique et dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales, qu'un contribuable dispose d'éléments mentionnés ci-après, elle peut, en cas de disproportion marquée entre son train de vie et ses revenus, porter la base d'imposition à l'impôt sur le revenu à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à ce ou ces éléments de train de vie le barème ci-après, compte tenu, le cas échéant, de la majoration prévue au 2. / (...) / 3. La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration prévus aux 1 et 2 est, pour l'année d'imposition, au moins égale au double du montant du revenu net global déclaré, y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement. / 4. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie ". En vertu du barème prévu au 1. de cet article, la résidence principale est évaluée forfaitairement à cinq fois la valeur locative cadastrale et les voitures automobiles destinées au transport des personnes sont prises en compte pour leur valeur neuve, avec abattement de 50 % après trois ans d'usage.
5. A la suite de la communication par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Troyes, sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, du procès-verbal de synthèse de la gendarmerie de Rosières-près-Troyes, l'administration fiscale a obtenu la copie du dossier de Mme B... ainsi que le jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal de grande instance de Troyes a condamné l'intéressée pour des faits de recel de bien provenant d'un délit puni et de blanchiment des fonds provenant du travail dissimulé et des ventes de contrefaçons par son compagnon, lesquels avaient permis de financer son train de vie, l'achat de biens d'équipement de sa maison ainsi que son véhicule automobile Range Rover. Pour apprécier l'existence d'une disproportion marquée entre les revenus nets déclarés par Mme B..., à savoir 10 977 euros au titre de l'année 2016 et 16 993 euros au titre de l'année 2017, et son train de vie, l'administration fiscale a procédé à l'évaluation forfaitaire des éléments de ce train de vie, en l'occurrence une résidence principale au titre de ces deux années ainsi qu'un véhicule au titre de l'année 2017, conformément au barème fixé par l'article 1649 quater-0 B ter du code général des impôts, dont il est résulté une base imposable s'élevant à 28 026 euros en 2016 et 65 934 euros en 2017. Ces montants nets s'avérant supérieurs au double des revenus déclarés par Mme B..., l'administration fiscale a porté la base imposable de la contribuable au titre de chacune de ces deux années à la somme résultant de l'application du barème.
6. En premier lieu, le ministre en charge de l'économie a produit, à hauteur d'appel, les fiches de rôle de taxe d'habitation de Mme B..., qui établissent que la base imposable à cette taxe pour l'année 2016 s'établit à 6 228 euros et celle de l'année 2017 à 6 252 euros. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les valeurs locatives cadastrales retenues pour évaluer forfaitairement sa résidence principale ne seraient pas justifiées.
7. En second lieu, s'agissant de la prise en compte au titre des éléments du train de vie de Mme B... du véhicule Range Rover, acquis neuf le 21 juin 2017, l'administration fiscale a retenu une valeur de 42 000 euros correspondant à la valeur du véhicule non couverte par l'emprunt bancaire de 20 000 euros dont sa propriétaire avait justifié. Contrairement à ce que la requérante soutient, la circonstance que la somme de 42 000 euros proviendrait d'une " donation " de son mari ne fait pas obstacle à ce que ce véhicule soit pris en compte dans l'évaluation forfaitaire des éléments de son train de vie personnel. Au surplus, il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 19 janvier 2021 que, s'agissant des infractions de blanchiment, pour lesquelles M. et Mme B... ont tous les deux été condamnés, le juge pénal a retenu que le couple avait acquis en espèces dans le courant de l'année 2017 deux véhicules dont le prix avoisinait les 80 000 euros et qu'il y avait lieu de constater que ni l'un ni l'autre n'était en mesure de justifier de la provenance des fonds utilisés. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le véhicule Range Rover ne devait pas être pris en compte dans l'évaluation forfaitaire des éléments de son train de vie en application de l'article 1649 quater-0 B ter du code général des impôts.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le surplus de sa demande en décharge. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 22NC00425