Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2017 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2017.
Par un jugement no 2001155 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande à concurrence du dégrèvement prononcé par l'administration à hauteur de 5 362 euros, d'autre part, a réduit la base imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 à hauteur de 113 euros et déchargé la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu correspondante, par ailleurs, a déchargé les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 39 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 et, enfin, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2022, M. A..., représenté par Me Gourves, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 à 2014 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la même période ;
3°) de prononcer la décharge de la pénalité de 80 %.
Il soutient que :
- la proposition de rectification méconnaît l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'agissant des années 2009 à 2014 ;
- aucun redressement ne peut être fondé sur l'article L. 169 du code général des impôts pour les années 2009 à 2014, dès lors qu'il n'était pas tenu au dépôt d'une déclaration spécifique " BIC " ou " BNC " ;
- la pénalité de 80 % mise à sa charge contribue à l'imposer deux fois à raison du même fondement juridique, en méconnaissance de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son protocole n° 7 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de l'activité non déclarée exercée par M. A... et dont elle avait été informée par l'autorité judiciaire en vertu de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 8 mars 2019, assujetti le contribuable à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 à 2017 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondante. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement le 16 août 2019 pour un montant total de 106 177 euros et, les 30 septembre et 31 octobre 2019, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu pour un montant total de 28 911 euros, en droits et pénalités, au titre des années 2009 à 2014 et, respectivement, de l'année 2017. La réclamation préalable formée par M. A... a fait l'objet d'une admission partielle par une décision du 30 avril 2020. Par un jugement du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande à concurrence d'un dégrèvement supplémentaire prononcé par l'administration, d'autre part, prononcé la réduction de la base imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 et déchargé la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu correspondante, par ailleurs prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 39 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 et, enfin, rejeté le surplus de sa demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicable lorsque l'administration suit la procédure contradictoire de redressement : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 76 du même code : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. / (...) ". A cet égard, les dispositions de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, prévoient que : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". L'article L. 73 du même code disposent que : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que les impositions en litige ont été mises à la charge de M. A... selon les procédures de taxation et d'évaluation d'office prévues aux articles L. 66 et L. 73 du livre des procédures fiscales. Par suite, les dispositions de l'article L. 57 du même livre, qui ne s'appliquent que dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, ne peuvent être utilement invoquées par M. A....
4. D'autre part, il ressort de la proposition de rectification du 8 mars 2019 que, pour considérer que M. A... s'était livré à une activité occulte de vente de produits contrefaits depuis 2002 et de qamis importés de Chine depuis 2016, l'administration fiscale s'est fondée sur les éléments communiqués par l'autorité judiciaire dans le cadre de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales puis dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, à savoir la condamnation pénale du 2 octobre 2018 pour des faits d'exécution de travail dissimulé et de blanchiment du produit d'un délit mais aussi celle du 29 mai 2013 pour des faits de détention et vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante et vente à la sauvette ou sans autorisation. L'administration a alors procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par l'intéressé à raison de l'activité occulte dont il était établi qu'il l'avait exercée entre 2009 et 2017, non pas en adoptant la motivation du jugement correctionnel du 2 octobre 2018, qui ne porte que sur des faits commis entre le 1er janvier 2015 et le 28 mai 2018, mais en se fondant d'une part sur les sommes portées au crédit de ses comptes bancaires et d'autre part sur les dépenses familiales de train de vie considérées comme prélevées sur ses recettes professionnelles en dehors de toute comptabilisation. La proposition de rectification détaille précisément les motifs sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier tant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée que les redressements opérés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la proposition de rectification, qui contenait ainsi les indications suffisantes relatives aux bases d'imposition, ne comporterait qu'une motivation par référence à l'instruction pénale ayant conduit à sa dernière condamnation.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable à la date de la proposition de rectification : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte ou lorsqu'il est bénéficiaire de revenus distribués par une personne morale exerçant une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. / Le droit de reprise mentionné au deuxième alinéa ne s'applique qu'aux seules catégories de revenus que le contribuable n'a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu'il a déposées dans le délai légal. Il ne s'applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés. / (...) ".
6. M. A... ne conteste pas avoir exercé une activité de vente de marchandises présentées sous une marque contrefaite, de produits contrefaits et de vêtements acquis en Chine. Il ne conteste pas non plus ne jamais avoir déclaré, au cours des années 2009 à 2014, le chiffre d'affaires issu de cette activité, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sur les déclarations de revenus qu'il a souscrites. En l'absence de déclaration des revenus catégoriels en litige, le requérant ne peut pas prétendre au régime des micro-entreprises, tel que prévu à l'article 50-0 du code général des impôts, qui exclut de son bénéfice les contribuables exerçant une activité occulte au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Au demeurant, les dispositions du 3. de l'article 50-0 du code général des impôts imposent aux contribuables relevant de ce régime de " porte[r] directement le montant du chiffre d'affaires annuel (...) sur la déclaration prévue à l'article 170 ". Par suite, et alors que M. A... n'avait, en outre, pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a exercé son droit de reprise, conformément au deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, sur les revenus générés par son activité occulte.
Sur la pénalité de 80 % :
7. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ".
8. M. A... se prévaut du principe " non bis in idem " pour soutenir qu'en l'absence de certitude sur le fondement juridique de l'amende pénale de 20 000 euros mise à sa charge, les pénalités de 80 % dont ont été assortis les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée doivent être regardées comme ayant le même fondement et être déchargées.
9. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ".
10. Cette règle ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif. Ainsi, contrairement à ce que M. A... soutient, le prononcé d'une amende pénale de 20 000 euros à son encontre par l'arrêt de la cour d'appel de Reims du 19 janvier 2021 ne fait pas obstacle à ce que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les droits de taxe sur la valeur mis à sa charge soient assortis de la pénalité de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts et le moyen tel qu'articulé par le requérant tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté comme inopérant.
11. D'autre part, le moyen tiré de ce que la pénalité mise à la charge de M. A... en application du c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts méconnaîtrait l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le surplus de sa demande en décharge. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 22NC00318