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17/12/2024 | FRANCE | N°23NC03227

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 17 décembre 2024, 23NC03227


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 juin 2023 par lequel la préfète de l'Aube lui a refusé l'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné en cas d'exécution forcée.



Par un jugement n° 2301447 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-C

hampagne, après l'avoir admis à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le surplus de sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 juin 2023 par lequel la préfète de l'Aube lui a refusé l'admission exceptionnelle au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné en cas d'exécution forcée.

Par un jugement n° 2301447 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après l'avoir admis à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Koraitem, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301447 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 septembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2023 de la préfète de l'Aube portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte

de 150 euros par jour de retard, et à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation au regard de l'article 9 du code de justice administrative ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait ;

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen personnalisé et complet de sa situation personnelle ;

- la préfète a commis une erreur de droit dans l'application des dispositions

de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

. la préfète ne pouvait pas rejeter sa demande du fait de sa situation irrégulière et de l'inexistence de démarches antérieures visant à régulariser sa situation administrative ;

. la préfète a uniquement étudié sa demande sur la base des simples éléments familiaux produits mais elle ne mentionne pas son expérience et son projet professionnel ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne

de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce que sa sœur séjourne en situation régulière sur le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale

des droits de l'enfant ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle comporte des vices de légalité externe et des vices de légalité interne ;

- il y a lieu de se référer aux moyens soulevés à l'appui de la contestation de la décision pourtant refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Ancelet, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. A... à lui verser la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 janvier 2024 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais né le 5 octobre 1983, est entré en France

le 20 avril 2018. Le 27 avril 2023, il a sollicité des autorités françaises son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 19 juin 2023, la préfète de l'Aube a refusé

de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai

de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement n° 2301447 du 29 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous ses arguments, a suffisamment motivé son jugement quant aux différents moyens soulevés par M. A.... Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif.

4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur de fait qu'aurait commis les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 19 juin 2023 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. Il résulte des termes-mêmes de l'arrêté attaqué que celui-ci vise notamment les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondements du refus de titre en litige, indique la date d'entrée du requérant sur le territoire, la présence de sa fille en France, celle de sa mère et de sa sœur, en situation irrégulière en France, l'absence de ressources, l'absence d'insertion professionnelle et de liens intenses sur le territoire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que, pour refuser à M. A... la délivrance du titre de séjour demandé, la préfète de l'Aube a procédé à un examen particulier de la situation du requérant, dont sa situation familiale, au regard de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation et portés à sa connaissance. La circonstance, au demeurant non établie, que le requérant aurait une sœur en situation régulière et non irrégulière sur le territoire français ne peut démontrer à elle-seule le défaut d'examen de la situation du requérant.

7. En troisième lieu, si le requérant fait valoir que la préfète de l'Aube aurait commis une erreur de fait en ce qu'elle aurait indiqué à tort qu'il aurait une sœur en situation irrégulière en France alors que sa sœur est de nationalité française, cette inexactitude matérielle ainsi commise, n'est pas établie de manière certaine par les pièces du dossier. En tout état de cause, cette inexactitude ne saurait, dans les circonstances particulières de l'espèce, avoir une incidence sur le sens de la décision litigieuse, le préfet faisant valoir qu'il n'établit pas avoir des liens réguliers et intenses avec sa sœur.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission

au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

9. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... réside en France avec sa fille mineure depuis le 20 avril 2018 et que celle-ci est scolarisée depuis 2019. Le requérant se prévaut de la présence en France de sa sœur de nationalité française et de ses perspectives d'intégration professionnelle. Toutefois, il ne se prévaut d'aucun motif exceptionnel d'insertion professionnelle justifiant la délivrance d'un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Par ailleurs, il ne justifie d'aucune intégration particulière en France et n'établit pas que la scolarité de sa fille mineure ne pourra pas être poursuivie au Cameroun, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où se trouvent ses deux frères. Dans tous les cas, sa situation familiale ne révèle en tout état de cause pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens et pour l'application des dispositions précitées. Enfin, à supposer que ce soit par erreur que la décision attaquée indique que l'intéressé n'a entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation administrative, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que la préfète, qui a examiné l'ensemble de sa situation, se serait fondée sur cet élément pour lui refuser son admission au séjour. Dès lors, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que la préfète a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle doit être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

12. Si le requérant se prévaut de la présence sur le territoire de sa fille et de sa soeur en situation régulière, ces circonstances ne permettent pas, au regard de la durée et des conditions de son séjour en France, de regarder le refus de titre en litige comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. D'une part, le refus de séjour n'a pas pour effet de séparer le requérant de sa fille. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la fille de M. A... ne pourrait pas poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En renvoyant aux moyens soulevés à l'appui de la contestation de la décision portant refus de titre de séjour, le requérant n'assortit pas ses moyens de légalité externe et interne dirigés contre l'obligation de quitter le territoire des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Aube du 19 juin 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

17. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A..., la somme demandée par la préfète de l'Aube, au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la préfète de l'Aube présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 23NC03227


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03227
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : KORAITEM

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23nc03227 ?
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