Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin a renouvelé son assignation à résidence dans le département de la Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, lui a fait interdiction de sortir de ce département sans autorisation et l'a astreinte à se présenter les mardis et jeudis, hors jours fériés à 9 heures au commissariat de police de Mont-Saint-Martin et, d'autre part, d'ordonner la communication du dossier sur la base duquel cet arrêté a été pris.
Par un jugement n° 2300762-2300763 du 23 mars 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy, après l'avoir admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 août 2023, Mme B..., représentée par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 23 mars 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy en ce qui la concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin a renouvelé son assignation à résidence dans le département de la Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours, lui a fait interdiction de sortir de ce département sans autorisation et l'a astreinte à se présenter les mardis et jeudis, hors jours fériés à 9 heures au commissariat de police de Mont-Saint-Martin ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas répondu aux moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation soulevés en première instance.
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle est fondée sur le fait qu'elle n'aurait pas les moyens de se rendre en Espagne et non sur une volonté de protéger l'ordre public.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête de Mme B....
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors que la requérante s'est bornée à reproduire la demande qu'elle avait introduite en première instance, sans critiquer le jugement litigieux ;
- en tout état de cause, les moyens ne sont pas fondés et elle s'en remet à ses écritures de première instance.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 5 mai 1996 à Panjshir, de nationalité afghane, est entrée sur le territoire français avec son époux et leurs enfants, en octobre 2022, selon ses déclarations. La préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin a décidé de leur transfert aux autorités espagnoles par deux arrêtés du 30 novembre 2022. Par deux arrêtés du 24 janvier 2023, la préfète les a assignés à résidence dans le département de la Meurthe-et-Moselle pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable trois fois, leur a fait interdiction de sortir de ce département sans autorisation et les a contraints à se présenter les mardis et jeudis, hors jours fériés à 9 heures au commissariat de Mont-Saint-Martin. Par deux arrêtés du 3 mars 2023, la préfète a renouvelé les assignations à résidence prises à leur encontre, pour une durée supplémentaire de quarante-cinq jours. Mme B... relève appel du jugement n° 2300762-2300763 du 23 mars 2023 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 3 mars 2023 pris à son encontre.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la préfète du Bas-Rhin :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
3. La requête de Mme B... contient une argumentation qui ne constitue pas la seule reproduction littérale du mémoire de première instance et soulève notamment un moyen tiré de l'irrégularité du jugement. Dès lors que la requête satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative précité, la fin de non-recevoir opposée par la préfète du Bas-Rhin ne peut qu'être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. A l'appui de sa demande de première instance, la requérante soutenait que la décision portant assignation à résidence était entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation et se prévalait à l'appui de ces moyens de plusieurs arguments dont celui de l'absence de risque de fuite de sa part et de l'absence de justification de cette mesure qui porte atteinte à sa liberté d'aller et de venir.
5. Le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ces moyens, qu'il n'a pas visé, qui n'étaient pas inopérants et a seulement répondu au moyen selon lequel la décision ne portait pas une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et de venir.
6. Par suite, l'article 2 de ce jugement doit être annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 mars 2023 portant assignation à résidence de Mme B....
7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nancy.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral portant assignation à résidence du 3 mars 2023 :
8. En premier lieu, aux termes de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. ".
9. L'édiction et la notification d'une décision portant assignation à résidence n'entre pas dans le cadre d'une procédure juridictionnelle au sens des dispositions précitées. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est par suite inopérant.
10. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée. (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 du même code, dans sa version applicable au litige : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours. Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. "
11. Il ne résulte pas des dispositions précitées, lesquelles sont visées dans la décision litigieuse, que l'assignation à résidence d'un étranger est subordonnée à l'existence d'un risque non négligeable de fuite. Par suite, et alors que compte tenu de l'accord des autorités espagnoles du 7 novembre 2022 en vue de la reprise en charge de Mme B..., son transfert demeurait, à la date de l'arrêté en litige du 3 mars 2023, une perspective raisonnable, le moyen tiré de ce qu'aucune mesure d'assignation à résidence ne pouvait être prise en l'absence de risque non négligeable de fuite ne peut être qu'écarté.
12. En troisième lieu, en renouvelant l'assignation à résidence de Mme B... dans le département de la Meurthe-et-Moselle pour une nouvelle durée de quarante-cinq jours, en lui faisant interdiction de sortir de ce département sans autorisation et en la contraignant à se présenter les mardis et jeudis, hors jours fériés à 9 heures au commissariat de Mont-Saint-Martin, la préfète n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir de Mme B..., laquelle ne fait valoir aucun élément de nature à établir qu'elle ne serait pas en mesure de s'astreindre à ces obligations. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision porterait une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir ne peut qu'être écarté.
13. Enfin, si la requérante soutient que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'absence de moyens financiers ne peut constituer le fondement légal d'une mesure de police, il ne ressort pas des termes mêmes de l'arrêté qu'un tel motif ait fondé la décision en litige. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision portant assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
14. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à solliciter l'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 mars 2023 portant assignation à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 23 mars 2023 est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 mars 2023 portant assignation à résidence de Mme B....
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 3 mars 2023 portant assignation à résidence est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Kipffer.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. Roussaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC02682