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17/12/2024 | FRANCE | N°23NC02467

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 17 décembre 2024, 23NC02467


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



MM. A... et D... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite du 20 juin 2019 par laquelle le préfet de la Moselle a délivré au groupement foncier agricole (GFA) du Chêne une autorisation d'exploiter une superficie de 22 ha 21a 83ca située sur les communes d'Hilbesheim et de Reding.



Par un jugement n° 2103463 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision d'autorisation implicite

du préfet de la Moselle du 20 juin 2019 délivrée au GFA du Chêne et a enjoint au préfet de la Mo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. A... et D... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite du 20 juin 2019 par laquelle le préfet de la Moselle a délivré au groupement foncier agricole (GFA) du Chêne une autorisation d'exploiter une superficie de 22 ha 21a 83ca située sur les communes d'Hilbesheim et de Reding.

Par un jugement n° 2103463 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision d'autorisation implicite du préfet de la Moselle du 20 juin 2019 délivrée au GFA du Chêne et a enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation administrative de MM. E... et du GFA du Chêne, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 juillet 2023 et 14 octobre 2024, le GFA du Chêne, représenté par la SELARL Dôme Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mai 2023 ;

2°) de mettre à la charge des consorts E... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont jugé la demande de première instance de MM. A... et D... E... recevable :

. l'autorisation tacite a fait l'objet d'un affichage en mairie d'Hilbesheim le 26 juin 2020 et en mairie de Reding le 28 mai 2020, conformément à l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime ; par suite, la requête enregistrée devant le tribunal administratif le 17 mai 2021 était tardive au regard de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

. par ailleurs et contrairement à ce qu'indiquent les consorts E..., l'accusé de réception de la demande d'autorisation d'exploiter n'avait en l'espèce pas à être affiché ni même à être publié au recueil des actes administratifs car l'autorisation tacite délivrée fait suite à une confirmation de la demande initiale provoquant un refus et non à une nouvelle demande ;

. les consorts E... ne démontrent pas leur intérêt à agir et en quoi l'autorisation tacite délivrée préjudicie à leurs droits :

. M. A... E..., preneur en place, n'a pas fait acte de candidature lors de la demande d'autorisation d'exploiter, de sorte qu'il ne disposait d'aucun intérêt à agir pour contester l'autorisation tacite délivrée au GFA du Chêne ; s'il a contesté le congé du bail rural, cette procédure est distincte de celle relative à la présente autorisation d'exploiter ;

. comme l'a déjà relevé la cour dans son arrêt n°17NC02274 du 7 juin 2018, M. D... E... n'avait déjà aucun intérêt à agir à l'encontre du jugement prononçant l'annulation du refus d'autorisation délivré au GFA du Chêne ; il n'a pas plus d'intérêt à agir pour contester la décision tacite d'autorisation obtenue par le GFA du Chêne ;

- les premiers juges ont commis une erreur de fait et de droit en considérant que la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière au seul motif que les consorts E... n'ont pas été mis en mesure de présenter leurs observations :

. la légalité d'un acte s'apprécie à la date de sa signature au regard des circonstances de droit et de fait existant à cette date ;

. l'autorisation tacite délivrée au GFA du Chêne l'a été non sur une nouvelle demande, mais sur confirmation d'une demande initiale par suite rejetée par l'administration : ainsi, et dans cette situation spécifique, l'administration n'a pas à reprendre toutes les formalités exigées lors de l'instruction de la demande initiale ;

- les consorts E... ne font état d'aucune nouvelle circonstance de fait et de droit qui aurait eu une incidence sur la nouvelle instruction réalisée par l'administration ;

- la cour ne pourra, par l'effet dévolutif, que rejeter les conclusions de première instance des consorts E....

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2024, M. A... E... et M. D... E..., représentés par la SELAS Devarenne, Associés Grand Est, concluent au rejet de la requête d'appel du GFA du Chêne et à ce que celui-ci soit condamné à verser, à chacun d'entre eux, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande de première instance devant le tribunal administratif était recevable ;

- elle n'était pas tardive :

. la décision litigieuse étant un acte individuel, seule la notification peut faire courir le délai de recours ;

. subsidiairement, l'accusé de réception mentionné à l'article R 331-4 du code rural et de la pêche maritime n'a fait l'objet d'aucun affichage ; ce n'est pas l'accusé de réception mais une lettre du Cabinet Dôme Avocats du 25 mai 2020 qui a été affichée à Reding et Hilbisheim ;

- M. A... E... avait bien intérêt à agir pour contester la décision délivrée au GFA du Chêne en sa qualité de preneur en place :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu l'erreur de droit pour annuler la décision litigieuse au motif que l'administration devait opérer une nouvelle instruction et mettre les consorts E... en mesure de présenter leurs observations ; devant apprécier la situation des parties près de cinq années après la demande initiale du GFA du Chêne du 7 novembre 2014, il appartenait à l'administration de s'enquérir auprès du preneur en place et du candidat concurrent de leurs situations respectives à la date à laquelle il allait être statué sur cette demande ;

- M. B... ne dispose pas de la capacité professionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire s'en remet à la sagesse de la cour administrative d'appel.

Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2024 à 10h33, les consorts E... concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 18 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2024 à midi.

II. Par un mémoire enregistré le 22 mai 2024, le GFA du Chêne a demandé, sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, l'exécution du jugement n° 2103463 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Strasbourg.

Par une lettre du 3 septembre 2024, la présidente de la cour administrative d'appel a informé le GFA du Chêne du classement administratif de sa demande.

Par lettre du 4 septembre 2024, le GFA du chêne a contesté la décision de classement.

Par une ordonnance du 9 septembre 2024, la présidente de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par un mémoire enregistré le 25 septembre 2024, le GFA du Chêne conclut :

1°) à l'exécution du jugement du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) à ce qu'une astreinte de 700 euros par jour de retard soit prononcée à l'encontre de l'Etat et à ce qu'une indemnité soit versée au GFA du Chêne et à M. B... en réparation du préjudice subi.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement est incomplète ; il existe des dysfonctionnements sérieux au sein du service d'économie rurale, agricole et forestière de la direction départementale des territoires de la Moselle qui n'a pas apporté une vigilance particulière à l'analyse du besoin ou non de l'autorisation d'exploiter des parties et à la rédaction du nouvel arrêté préfectoral du 19 juin 2024 autorisant le GAEC du Chêne à mettre en valeur une superficie de 22 hectares 21 ares 83 centiares située sur le territoire des communes de Hildesheim et de Réding ;

- alors que M. B..., associé exploitant gérant du GFA du Chêne, possède la capacité agricole, il est incompréhensible que le préfet, à la suite de l'injonction du tribunal administratif de Strasbourg, renouvelle une autorisation d'exploiter au GFA pour défaut de capacité professionnelle ; ainsi, ce nouvel arrêté fait actuellement l'objet d'un recours en annulation par les consorts E... ;

- la capacité professionnelle détenue par M. B... répond aux conditions de capacité professionnelle demandées par le contrôle des structures et pas seulement, comme l'affirme le préfet, pour le versement des aides à l'installation ;

- en répondant à l'injonction du tribunal par l'arrêté du 19 juin 2024 portant autorisation d'exploiter au GFA du Chêne, le préfet a sans doute commis une erreur en s'obstinant à ne reconnaître aucune capacité professionnelle aux membres du GFA et donc en soumettant le GFA du Chêne à nouveau à une autorisation d'exploiter ;

- le tribunal administratif dans son injonction a demandé le réexamen de la situation administrative et non, comme a procédé le préfet, à une nouvelle instruction de toutes les autorisations d'exploiter sans chercher à savoir au préalable si les parties étaient soumises à autorisation ;

- l'injonction du tribunal administratif n'est pas totalement accomplie : le préfet n'a pas réexaminé la situation administrative de M. E... D... et n'a donc pas vérifié si celui-ci devait être soumis à autorisation.

Par une ordonnance du 27 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à midi.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;

- l'arrêté du préfet de la région Alsace - Champagne-Ardenne - Lorraine du 27 juin 2016 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) de la Lorraine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,

- et les observations de Me Brzenczek, représentant le GFA du Chêne et de Me Jacquemin, substituant Me Devarenne, représentant les consorts E....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E... exploite, en qualité de preneur à bail, des parcelles situées dans les communes d'Hilbesheim et de Reding appartenant au GFA du Chêne. Le GFA du Chêne a délivré un congé à M. E... le 3 mai 2013 en vue de la reprise de l'exploitation. Le GFA du Chêne et M. C... B... ont demandé une autorisation d'exploiter au préfet de la Moselle, de même que M. D... E..., frère du preneur en place. Par décisions des 16 juin et 27 novembre 2014, le préfet de la Moselle a refusé d'accorder au GFA du Chêne et à M. B... une autorisation d'exploiter, et a accordé cette autorisation à M. D... E.... La contestation du congé a été portée devant le tribunal paritaire des baux ruraux qui, par un jugement du 24 mars 2016, l'a déclaré nul. Par un arrêt du 8 décembre 2016, la cour d'appel de Metz a constaté que M. B..., associé du GFA du Chêne devant en assurer l'exploitation, ne remplissait pas la condition de capacité professionnelle pour exercer la reprise et qu'il devait donc obtenir une autorisation préalable d'exploiter, et elle a ordonné un sursis à statuer, renouvelé par arrêt du 23 mai 2019, le temps qu'il soit statué par la juridiction administrative sur l'autorisation d'exploiter. Parallèlement, par jugement n° 1500542, 1500543, 1500545, 1500546, 1500805 du 27 juillet 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'ensemble des décisions du préfet de la Moselle au motif qu'elles étaient insuffisamment motivées, confirmé en appel par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy n° 17NC02275 du 7 juin 2018 contre lequel un pourvoi en cassation a été rejeté par décision du Conseil d'Etat n° 423034 du 10 février 2020.

2. A la suite de l'arrêt de la cour administrative d'appel, le GFA du Chêne a adressé au préfet de la Moselle un courrier reçu le 20 février 2019, portant " confirmation de la demande d'autorisation d'exploiter déposée par le GFA du Chêne le 7 novembre 2014 ". Faute de réponse, une autorisation tacite est née le 20 juin 2019. Le GFA du Chêne relève appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision d'autorisation implicite et a enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation administrative de MM. E... et du GFA du Chêne, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement. Par une requête distincte, qu'il y a lieu de joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt, le GFA du Chêne demande l'exécution de la mesure d'injonction prononcée par ce jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. En premier lieu, d'une part, M. A... E... est titulaire d'un bail sur les surfaces objets de l'autorisation litigieuse, dont le renouvellement dépend de la validité du congé qui lui a été délivré par le GFA du Chêne, propriétaire dont la contestation est pendante devant le juge judiciaire. Le GFA du Chêne n'est par suite pas fondé à soutenir que M. A... E... est dépourvu d'intérêt à agir contre la décision accordant au GFA du Chêne une autorisation d'exploiter.

4. D'autre part, l'annulation par le tribunal administratif de Strasbourg des décisions du préfet de la Moselle des 16 juin et 27 novembre 2014 a eu pour conséquence de ressaisir ce dernier de l'ensemble des demandes dont il était initialement saisi. Or M. D... E... avait présenté une demande concurrente d'exploiter. Ainsi, en qualité de demandeur concurrent, il justifie également d'un intérêt à contester la décision implicite d'autorisation délivrée au GFA du Chêne.

5. Il y a donc lieu d'écarter la première fin de non-recevoir opposée par le GFA du Chêne tirée de l'absence d'intérêt à agir des consorts E....

6. En second lieu, la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a modifié l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime en substituant au schéma directeur départemental des structures agricoles prévu par la loi du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture, un schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA). Le IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 a prévu, au titre des dispositions transitoires, que : " Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département ". Si, en vertu du décret du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles, les dispositions de l'article 1er de ce décret relatives aux modalités d'élaboration des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles entrent en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 25 juin 2015, ses articles 2 et 3, relatifs au contrôle des structures des exploitations agricoles, entrent en vigueur, en vertu du I de l'article 4 de ce décret, à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles. Enfin, en vertu du II de cet article 4, les demandes d'autorisation et les déclarations préalables déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 du code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014, avant la date d'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions déposés après cette date, demeurent soumis aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 relatives au contrôle des structures agricoles dans leur rédaction antérieure au décret du 22 juin 2015.

7. Il résulte de ce qui précède que, saisi d'une demande d'autorisation d'exploitation agricole enregistrée avant la date d'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), le préfet du département procède à son contrôle et prend sa décision selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles du département applicable à la demande dont il est saisi alors même que sa décision intervient postérieurement à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles. Les demandes concurrentes à cette demande d'autorisation suivent le même régime, alors même qu'elles seraient déposées après l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles.

8. Il résulte de ces dispositions que les demandes d'autorisation d'exploitation déposées avant l'entrée en vigueur du SDREA de la Lorraine le 27 juin 2016 sont soumises aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 du code rural dans leur version antérieure au décret du 22 juin2015. En l'espèce, la demande d'autorisation du GFA du Chêne date du 7 novembre 2014, elle relève par conséquent des dispositions réglementaires applicables dans leur version antérieure au décret précité, et ce, quand bien même le courrier de confirmation de la demande d'autorisation du GFA du Chêne a été enregistré en préfecture le 20 février 2019, soit après l'entrée en vigueur du SDREA de la Lorraine le 27 juin 2016.

9. Aux termes de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version alors applicable : " La demande de l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 est établie selon le modèle défini par le ministre de l'agriculture et accompagnée des éléments justificatifs dont la liste est annexée à ce modèle. (...) Après avoir vérifié que le dossier comporte les pièces requises en application du premier alinéa, le service chargé de l'instruction l'enregistre et délivre au demandeur un accusé de réception. Si la demande d'autorisation est relative à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitations et porte sur une surface supérieure à la moitié de l'unité de référence, le service chargé de l'instruction fait procéder à une publicité par affichage à la mairie des communes où sont situés les biens qui font l'objet de la demande ou, par voie télématique, sur le site de la préfecture chargée de l'instruction. Cette publicité porte sur la localisation des biens et leur superficie, ainsi que sur l'identité des propriétaires ou de leurs mandataires. Elle précise la date de l'enregistrement de la demande (...) ". Aux termes de l'article R. 331-6 du même code : " (...) III. Le préfet notifie sa décision aux demandeurs, aux propriétaires et aux preneurs en place par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Cette décision fait l'objet d'un affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle sont situés les biens. Elle est publiée au recueil des actes administratifs. / A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée. En cas d'autorisation tacite, une copie de l'accusé de réception mentionné à l'article R. 331-4 est affichée et publiée dans les mêmes conditions que l'autorisation expresse. ".

10. Enfin, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par les textes, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

11. Les règles énoncées au point 10, relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par les textes , dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision.

12. S'il ressort des attestations des communes de Reding et de Hilbesheim respectivement du 2 juin 2020 et du 26 mai 2020, qu'un affichage de l'accusé réception de la demande d'autorisation en mairie a été effectué, mais pour lequel au demeurant il n'est pas établi qu'il contenait les documents prévus par les dispositions précitées de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que l'autorisation tacite a fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs. Enfin, et alors qu'il ressort des pièces du dossier que les consorts E... ont eu connaissance au plus tôt de la décision litigieuse lors du dépôt des conclusions récapitulatives d'instance du 22 mars 2021 par le GFA du Chêne devant la cour d'appel de Metz, ils ont introduit un recours devant le tribunal administratif le 17 mai 2021, soit dans le délai raisonnable d'un an. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance opposée par le GFA du Chêne doit être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

13. Lorsque d'une part, des dispositions législatives ou réglementaires ont prévu que le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande d'autorisation fait naitre, à l'expiration du délai imparti à l'administration pour statuer, une décision implicite d'acceptation de la demande et que, d'autre part, la décision prise dans ce délai, qu'elle accorde ou qu'elle refuse expressément l'autorisation sollicitée est, soit légalement rapportée par l'autorité compétente, soit annulée pour excès de pouvoir par le juge, la décision express d'octroi ou de refus disparait rétroactivement. Cette disparition ne rend pas le demandeur titulaire d'une autorisation tacite. En revanche, elle oblige, en principe, l'autorité administrative à procéder à une nouvelle instruction de la demande dont cette autorité demeure saisie de nature à faire naitre une décision implicite d'acceptation, laquelle ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de la demande par l'intéressé.

14. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le GFA du Chêne a confirmé sa demande d'autorisation d'exploiter par un courrier reçu en préfecture le 20 février 2019. Il appartenait donc à l'administration, qui était ressaisie de la demande initiale et disposait d'un délai de 6 mois, conformément à l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime précité avant qu'une décision implicite d'acceptation ne naisse, de procéder à une nouvelle instruction de la demande initiale, sans nécessairement reprendre toutes les formalités accomplies antérieurement, mais en prenant en compte tous les éléments de fait et de droit existant à la date de la nouvelle décision à prendre.

15. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui n'a pas mis les consorts E... en mesure de présenter leurs observations sur l'autorisation d'exploitation susceptible d'être délivrée, ait procédé à cette nouvelle instruction en tenant compte des circonstances de fait et de droit existant à la date de la nouvelle décision à prendre. La décision implicite d'autorisation est en conséquence entachée, non d'un vice de procédure, mais d'une erreur de droit.

16. Il résulte de ce qui précède, que le GFA du Chêne, n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision implicite d'autorisation d'exploitation qui lui a été délivrée le 20 juin 2019 ni par voie de conséquence, au regard du motif d'annulation a enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer la situation administrative de MM. E... et du GFA du Chêne, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement.

Sur l'exécution du jugement n° 2103463 du 30 mai 2023 :

17. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".

18. Il est constant qu'à la suite du jugement n° 2103463 du 30 mai 2023, dont l'appel est rejeté par le présent arrêt, que le préfet de la Moselle, se conformant à l'injonction qui lui a été faite, a réexaminé la situation de MM. E... et du GFA du Chêne et pris à son issue un arrêté du 19 juin 2024 publié au recueil des actes administratifs autorisant le GFA du Chêne à mettre en valeur une superficie de 22 hectares 21 ares 83 centiares située sur le territoire des communes de Hilbesheim (cadastrées section 30 parcelles n°43,64 et section 31 parcelle n°34) et de Reding (cadastrée section 18 parcelle n°5). En prenant cet arrêté, le préfet a procédé au réexamen de la situation administrative des parties. La circonstance que ce nouvel arrêté serait illégal relève d'un litige distinct et est donc sans incidence sur le fait que le préfet a exécuté l'injonction qui lui a été faite résultant de l'article 5 du jugement du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Strasbourg.

19. Dans ces conditions, le jugement n° 2103463 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ayant été entièrement exécuté par le préfet de la Moselle, il n'y a donc plus lieu de statuer sur la demande d'exécution du GFA du Chêne.

Sur les frais liés à l'instance n°23NC02467 :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts E..., qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme demandée par le GFA du Chêne, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GFA du Chêne la somme demandée par les consorts E..., au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du GFA du Chêne n° 24NC02329.

Article 2 : La requête n° 23NC02467 du GFA du Chêne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des consorts E... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au GFA du Chêne, à M. A... E... et à M. D... E....

Copie en sera délivrée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt en qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy.

2

Nos 23NC02467 - 24NC02329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02467
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : SELARL DÔME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23nc02467 ?
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