Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2022 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination.
Par un jugement n° 2202968 du 9 janvier 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 23 juin 2023 et 19 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Gehin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2202968 du tribunal administratif de Nancy du 9 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 14 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît ses droits d'être entendue et d'être assistée d'un avocat ;
- elle est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- son mari aurait dû se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la remise d'une autorisation provisoire de séjour postérieurement à l'arrêté attaqué a eu pour effet d'abroger l'obligation de quitter le territoire français, laquelle a disparu de l'ordonnancement juridique ; il n'y a dès lors plus lieu pour la cour d'y statuer ;
- la décision méconnaît ses droits d'être entendue et d'être assistée d'un avocat ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante albanaise née le 21 août 1982, serait entrée en France le 21 mai 2013, selon ses déclarations, accompagnée de son époux. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par une décision du 16 février 2018, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Par un jugement nos 1800674 et 1800676 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision. Le 11 octobre 2021, la requérante a présenté une nouvelle demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 14 septembre 2022, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination. Mme B... relève appel du jugement n° 2202968 du 9 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision attaquée contient l'exposé suffisant des moyens de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, la décision contestée portant refus de séjour n'est pas une mesure entrant dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Par suite, la requérante ne saurait utilement se prévaloir du droit d'être entendue tel que garanti par un principe général du droit de l'Union européenne ni, en tout état de cause, invoquer les stipulations de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment son article 41, paragraphe 2, qui ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.
4. Par ailleurs, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, à l'occasion du dépôt de sa demande, est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.
5. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a présenté une demande écrite de titre de séjour, assortie des pièces justificatives. Elle soutient que le préfet aurait dû lui laisser la possibilité de présenter des observations orales, dès lors qu'elle avait par écrit sollicité un entretien, et lui permettre de rencontrer l'instructeur en charge de son dossier, avec l'assistance de son avocat. Or, d'une part, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". La requérante ne saurait se prévaloir de ces dispositions pour soutenir qu'elle était en droit de bénéficier d'un entretien. En effet, ces dernières ne sont pas applicables avant que ne soit édicté le titre de séjour dès lors que la procédure contradictoire qu'elles prévoient ne trouve pas à s'appliquer lorsqu'il est statué sur une demande. D'autre part, si Mme B... entend se prévaloir d'un droit à rencontrer l'instructeur en charge de sa demande de régularisation, aucune stipulation ou disposition ne peut être regardée comme consacrant un tel droit. Le défaut de rendez-vous permettant d'expliquer oralement sa situation ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme méconnaissant le droit de l'étranger à être assisté par un avocat, une telle assistance pouvant prendre la forme de la rédaction d'un document au soutien de la demande de titre de séjour.
6. Il ne ressort enfin pas des pièces des dossiers que la requérante avait d'autres éléments utiles à faire valoir, de nature à influer sur le sens de la décision prise à son encontre, et qu'elle n'aurait pas pu mettre en avant lors du dépôt de sa demande constituée avec l'aide de son conseil. Dans ces conditions, le moyen, pris en ses diverses branches, tiré de la méconnaissance du droit de Mme B... d'être entendue doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
8. Il ressort des pièces des dossiers que Mme B... et son époux, également en situation irrégulière à la date de la décision attaquée, étaient présents en France depuis neuf ans à la date de cette décision et qu'ils ont trois enfants scolarisés. Toutefois, la requérante n'établit ni même n'allègue disposer d'autres attaches privées ou familiales sur le territoire français et elle ne se prévaut d'aucune circonstance qui, à la date d'intervention de la décision contestée, serait de nature à faire sérieusement obstacle à son retour en Albanie en compagnie de son mari et de leurs enfants. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de séjour a, à la date à laquelle elle a été prise, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations et dispositions précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".
10. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée en France au cours de l'année 2013, accompagnée de son mari, et qu'ils ont trois ans enfants, scolarisés sur le territoire. Toutefois, ces circonstances ne constituent, en l'espèce, ni un motif humanitaire ni un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées alors, au demeurant, que Mme B... s'est maintenue en situation irrégulière sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. En cinquième lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir des orientations générales, dépourvues de caractère réglementaire, que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets, par sa circulaire du 28 novembre 2012 pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.
12. En sixième lieu, Mme B... ne peut utilement soulever des moyens relatifs au refus de séjour visant son époux. Dans ces conditions, tel qu'il est articulé, le moyen tiré de ce que les soins nécessités par l'état de santé de dernier ne sont pas disponibles en Albanie doit être écarté comme inopérant.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Vosges du 14 septembre 2022 en tant qu'il lui refuse l'admission au séjour. Le rejet de ces conclusions est prononcé sans préjudice du droit au séjour dont disposerait, à ce jour, Mme B... du fait de la régularisation de la situation de son époux.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des autres décisions :
14. Il ressort des pièces du dossier que le 17 juin 2024, Mme B... a été munie d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 5 décembre 2024. Ainsi qu'elle l'indique elle-même dans son mémoire du 19 septembre 2024, la délivrance de ce document a eu, implicitement mais nécessairement, pour effet d'abroger l'arrêté en litige en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français et en tant qu'il fixe le pays de renvoi, et de rendre par conséquent sans objet les conclusions aux fins d'annulation de ces décisions. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu, pour la cour, de statuer sur ces conclusions.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., au ministre de l'intérieur et à Me Gehin.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC02014