Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 janvier 2020 par laquelle la préfète de la région Grand Est a refusé d'accorder à M. C... B... une autorisation d'exploiter une surface de 41,29 hectares de terres situées sur la parcelle cadastrée section ZL n° 15, sur le territoire de la commune de Leffincourt, ensemble les décisions du 12 mai 2020 rejetant les recours gracieux des 16 et 27 mars 2020.
Par un jugement n° 2001257 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 août 2022, MM. B..., représentés par la SCP Ledoux Ferri Riou-Jacques Touchon Mayolet, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001257 du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler la décision du 27 janvier 2020 de la préfète de la région Grand Est ainsi que les rejets de leurs recours gracieux en date du 12 mai 2020 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la région Grand Est de réexaminer la demande de M. C... B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les décisions en litige sont entachées d'incompétence ;
- elles sont entachées d'un défaut de motivation ;
- elles méconnaissent les dispositions du 2° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'il n'est pas établi que la viabilité de l'exploitation du preneur en place serait compromise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2022, M. A... B..., agissant pour l'EARL A... B..., représenté par Me Crevel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 relatif au schéma régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lusset, rapporteur,
- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 novembre 2019, M. C... B... a déposé une demande d'autorisation d'exploiter une parcelle de 41,29 hectares située sur le territoire de la commune de Leffincourt et exploitée par l'EARL A... B... qui s'est opposée à cette demande. Par une décision du 27 janvier 2020, la préfète de la région Grand Est a refusé de faire droit à la demande de M. C... B.... Les 16 et 27 mars 2020, MM. D... B... et C... B... ont formé des recours gracieux contre cette décision, recours qui ont été rejetés par deux décisions du 12 mai 2020. Par un jugement n° 2001257 du 23 juin 2022, dont MM. D... B... et C... B... relèvent appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il y a lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges au point 2 du jugement contesté pour écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées. Au surplus, et en tout état de cause, le moyen, en tant qu'il est dirigé contre les décisions du 12 mai 2020 portant rejet des recours gracieux des requérants, est inopérant, les vices propres affectant de telles décisions ne pouvant être utilement contestés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " (...) La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1 (...) ".
4. La décision attaquée du 27 janvier 2020 se fonde sur les dispositions du 2° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et précise que l'opération envisagée aurait pour effet de porter la superficie exploitée par l'EARL A... B..., preneur en place, en-deçà de 138 hectares, ce qui correspond au seuil de viabilité prévu par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. Elle comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par ailleurs, si les dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, citées au point suivant, ne font pas obligation au préfet de refuser de délivrer une autorisation d'exploiter lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place mais prévoient une simple possibilité de refus, aucune disposition ni aucun principe n'imposent toutefois au préfet d'indiquer dans sa décision les motifs pour lesquels il a décidé de faire usage de cette possibilité. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : (...)2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " (...) II.- Le schéma directeur régional des exploitations agricoles fixe, compte tenu des orientations mentionnées au I du présent article, le seuil de surface au-delà duquel l'autorisation d'exploiter est requise en application de l'article L. 331-2. Ce seuil est compris entre le tiers et une fois la surface agricole utile régionale moyenne, établie dans des conditions fixées par le décret mentionné au V du présent article. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles détermine des équivalences à la surface agricole utile régionale moyenne, par type de production, en particulier pour les productions mentionnées à l'article L. 641-5 et pour les ateliers de production hors sol. S'il y a lieu, ces équivalences peuvent être fixées par région naturelle ou par territoire présentant une cohérence en matière agricole, en tenant compte de la surface agricole utile moyenne des espaces concernés. " En vertu du 1° du II de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2015 relatif au schéma régional des exploitations agricoles de Champagne-Ardenne alors applicable, le seuil de surface par région naturelle correspondant aux exploitations agricoles, à l'exception de celles mettant en valeur des vignes, est fixé à 138 hectares pour la région naturelle A. Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " (...) III Aux fins du présent arrêté, il est considéré qu'une opération de reprise compromet la viabilité de l'exploitation faisant l'objet de la reprise lorsqu'elle a pour effet de porter la superficie mise en valeur par cette dernière en deçà du seuil de contrôle fixé à l'article 4 du présent arrêté ". Il ressort de ces dispositions que peut être refusée une autorisation d'exploiter qui aurait comme conséquence de porter l'exploitation agricole du preneur en place sous le seuil de viabilité fixé à 138 ha dans la région naturelle A.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'EARL A... B..., preneur en place qui exploite 141,03 ha, ne disposerait plus, après reprise, que d'une surface de 99,74 hectares, inférieure au seuil de viabilité fixé à 138 ha. Si les requérants soutiennent que M. A... B..., gérant de l'EARL A... B..., est également installé à titre individuel sous forme d'entreprise de travaux agricoles (ETA) et qu'il dispose, directement ou indirectement, d'autres intérêts économiques au sein d'un groupement foncier agricole (GFA), ils n'apportent aucun élément permettant d'établir que la surface exploitée par M. A... B... après reprise serait de ce fait viable. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que l'entreprise de travaux agricoles dont il s'agit réalise des travaux agricoles sur les exploitations de tiers moyennant un prix payé par eux, de sorte que cet ETA n'exerce en propre aucune activité agricole mais une activité commerciale. De même, il ressort des pièces du dossier que le GFA de la Retourne, dont M. A... B... est le gérant, a pour unique objet de consentir un bail rural à long terme et ne prévoit nullement l'exploitation ou la mise en valeur " de façon effective et permanente " par le preneur en place de terres agricoles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande d'annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
10. Il y a lieu en revanche de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. D... B... et M. C... B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... B... et M. C... B... est rejetée.
Article 2 : M. D... B... et M. C... B... verseront à M. A... B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et M. C... B..., à M. A... B... et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au préfet de la région Grand Est.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. Lusset
La présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 22NC02266 2