Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les associations " Vélo Besançon " et " Trottoirs Libres ! " ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Besançon a refusé de mettre en œuvre ses pouvoirs de police en vue de faire respecter les règles de stationnement et d'arrêt dans les rues Mégevand, Battant, Madeleine, des Granges, Fontaine Argent, de Belfort, Grande rue, Quai Bugnet, Vieil Picard et à la Bouloie, et plus globalement sur l'ensemble du territoire bisontin, d'enjoindre au maire de la commune de prendre toutes mesures, réglementaires ou d'exécution, pour mettre fin aux arrêts et stationnements très gênants des véhicules sur les trottoirs, les bandes et pistes cyclables, dans les rues précitées et de condamner la commune à leur verser, à chacune, la somme d'un euro en réparation du préjudice résultant de la carence fautive de la maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police.
Par un jugement n° 2001689 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2022 et le 18 juin 2024, les associations " Vélo Besançon " et " Trottoirs Libres ! ", représentées par Me Cholet, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001689 du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Besançon a refusé de mettre en œuvre ses pouvoirs de police en vue de faire respecter les règles de stationnement et d'arrêt dans les rues Mégevand, Battant, Madeleine, des Granges, Fontaine Argent, de Belfort, Grande rue, Quai Bugnet, Vieil Picard et à la Bouloie, et plus globalement sur l'ensemble du territoire bisontin ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Besançon de prendre toutes mesures, réglementaires ou d'exécution, pour mettre fin aux arrêts et stationnements très gênants des véhicules sur les trottoirs, les bandes et pistes cyclables, dans les rues précitées ;
4°) de condamner la commune de Besançon à leur verser, à chacune, la somme d'un euro en réparation du préjudice résultant de la carence fautive de la maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police.
Elles soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et n'ont pas répondu précisément aux conclusions liées à l'existence d'une carence particulière dans l'exercice des pouvoirs de police du maire de la commune de Besançon dans certaines rues qu'elles avaient particulièrement ciblées ;
- si le maire de la commune de Besançon a pris des mesures pour lutter contre les stationnements gênants et très gênants, ces mesures sont toutefois largement insuffisantes, au regard de l'ampleur et de la persistance des problèmes ;
- il en résulte une carence fautive du maire de la commune, et le refus implicite de prendre toute mesure de police pour lutter contre ces stationnements infractionnels est par suite illégal ;
- le préjudice subi est évalué à un euro symbolique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2023, la commune de Besançon, représentée par la SELARL Centaure Avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des associations requérantes le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas irrégulier, la décision implicite en litige n'a pas eu d'autre objet que d'assurer la liaison du contentieux indemnitaire et que ses vices propres ne peuvent utilement être contestés ;
- au regard de l'ensemble des mesures adoptées pour lutter contre le stationnement sauvage, il ne peut être reproché au maire de la commune de Besançon aucune carence fautive de nature à engager sa responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lusset, premier conseiller,
- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,
- et les observations de M. Ketterer, Président des associations " Vélo Besançon " et " Trottoirs libres ! " et Me Safatian pour la commune de Besançon.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier daté du 13 mars 2020, les associations " Vélo Besançon " et " Trottoirs libres ! " ont reproché au maire de Besançon sa carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police concernant le respect des règles de stationnement et d'arrêt des véhicules sur le territoire de la commune et, en particulier, dans le secteur des rues Mégevand, Battant, Madeleine, des Granges, Fontaine Argent, de Belfort, Grande rue, Quai Bugnet, Veil Picard et à la Bouloie et lui ont demandé de leur verser, à chacune, un euro symbolique en réparation de cette carence fautive et de faire usage des pouvoirs qu'il détient à ce titre. Le maire de Besançon a implicitement rejeté cette demande. Par un jugement n° 2001689 du 17 mars 2022, dont les requérantes relèvent appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les associations requérantes soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier, en ce que le tribunal n'a pas répondu avec suffisamment de précision aux conclusions relatives à l'existence d'une carence particulière dans l'exercice des pouvoirs de police du maire de la commune de Besançon dans les rues qu'elles citaient dans leur demande. Toutefois, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, et qui ont relevé que " dans la commune de Besançon, et en particulier dans les rues du centre-ville, les pratiques, régulièrement constatées, liées au " stationnement sauvage " des véhicules sont susceptibles de perturber la circulation des usagers de la voie publique ", ont suffisamment précisé au point 5 de leur jugement les motifs pour lesquels ils ont estimé que le maire de la commune n'avait pas fait preuve d'une carence fautive dans l'exercice de ses pouvoirs de police. Les associations requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé sur ce point.
3. En second lieu, les associations " Vélo Besançon " et " Trottoirs libres ! " avaient sollicité, dans leur requête de première instance, l'annulation de la décision implicite par laquelle la maire de Besançon a refusé de faire usage de ses pouvoirs de police pour lutter contre les stationnements gênants et très gênants. Or, le tribunal n'a pas statué sur ces conclusions. Ainsi, son jugement doit être annulé en tant qu'il a omis de statuer sur ces conclusions à fin d'annulation. Il y a lieu de se prononcer par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par les associations requérantes.
Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la maire de Besançon :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements (...) ". L'article L. 2213-1 de ce même code dispose que : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et l'ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations (...) ". Enfin, en vertu de l'article L. 2213-2 de ce code : " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : (...) / 2° Réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 417-10 du code de la route : " I. - Tout véhicule à l'arrêt ou en stationnement doit être placé de manière à gêner le moins possible la circulation. / II. - Est considéré comme gênant la circulation publique l'arrêt ou le stationnement d'un véhicule : 1° Sur les trottoirs lorsqu'il s'agit d'une motocyclette, d'un tricycle à moteur ou d'un cyclomoteur (...). / III.- Est également considéré comme gênant la circulation publique le stationnement d'un véhicule : (...) / 5° Dans les zones de rencontre, en dehors des emplacements aménagés à cet effet ;(...) / IV.- Tout arrêt ou stationnement gênant prévu par le présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe (...) ". L'article R. 417-11 de ce code considère comme " très gênant pour la circulation publique l'arrêt ou le stationnement : (...) 5° D'un véhicule sur les passages réservés à la circulation des piétons en traversée de chaussée ; (...) / 8° D'un véhicule motorisé à l'exception des engins de déplacement personnel motorisés et des cycles à pédalage assisté : / a) Sur les trottoirs, à l'exception des motocyclettes, tricycles à moteur et cyclomoteurs ; / b) Sur les voies vertes, les bandes et pistes cyclables ; / c) Sur une distance de cinq mètres en amont des passages piétons dans le sens de la circulation, en dehors des emplacements matérialisés à cet effet ; (...) / II. - Tout arrêt ou stationnement très gênant pour la circulation publique prévu par le présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. (...) ".
6. Le maire a l'obligation de prendre des mesures appropriées, réglementaires ou matérielles, pour que, sur le territoire de la commune, les usagers de la voie publique bénéficient d'un niveau raisonnable de sécurité et de commodité de passage dans les rues et sa carence dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il détient à ce titre constitue une faute qui engage la responsabilité de la commune.
7. Il est constant que, dans la commune de Besançon, et en particulier dans les rues du centre-ville, notamment celles invoquées par les requérantes, les pratiques liées au " stationnement sauvage " des véhicules sont régulièrement constatées et susceptibles de perturber la circulation des usagers de la voie publique, notamment les piétons et les cyclistes. Les associations " Vélo Besançon " et " Trottoirs libres ! " ont ainsi sollicité à plusieurs reprises le maire de la commune afin que des mesures efficaces pour lutter contre ces incivilités de automobilistes soient adoptées.
8. Il résulte toutefois de l'instruction que, depuis plusieurs années, l'autorité municipale de la commune de Besançon a mis en œuvre une politique active afin de lutter contre de telles pratiques infractionnelles. La maire, élue en juillet 2020, a ainsi, conformément aux attentes exprimées par les associations, lancé dès le mois de septembre 2020 une campagne de lutte contre le stationnement " sauvage ", avec des articles de presse, des actions de communication notamment par voie d'affichage sur la voie publique ou sur les réseaux sociaux, mais aussi des opérations de sensibilisation plus ciblées, notamment à l'endroit des agents municipaux, des riverains et commerçants des secteurs du centre-ville les plus touchés par ces phénomènes, ou encore des professionnels appelés à réaliser des livraisons en centre-ville. Il résulte également de l'instruction que depuis 2018 le nombre de verbalisations pour stationnements gênants a significativement augmenté et qu'en parallèle, et conformément là-encore à une demande des associations, le montant des contraventions pour stationnement très gênants, c'est-à-dire en dehors des emplacements marqués, a été porté à 135 euros. En outre, par un arrêté du 3 mars 2020, l'accès de tous les véhicules à moteur dans cinq secteurs identifiés du centre-ville a été interdit, avec l'installation de plots automatiques, afin de préserver au maximum ces secteurs des incivilités des automobilistes. Enfin, par voie d'arrêté, le nombre de places dédiées aux livraisons a été augmenté afin de limiter au maximum les stationnements sauvages dans l'hypercentre de Besançon où se concentre l'essentiel des activités commerciales de la ville.
9. Si les associations requérantes démontrent par les photographies et les constats d'huissier qu'elles produisent que les incivilités perdurent, l'autorité de police est tenue de faire preuve de diligence en prenant les mesures appropriées, réglementaires et matérielles, eu égard aux troubles et nuisances constatés, ce qui est le cas en l'espèce, mais n'est pas soumise en la matière à une obligation de résultat. Enfin, de façon plus générale, les associations requérantes ne démontrent pas l'existence de circonstances dont la gravité requérait de façon suffisamment impérieuse du maire de Besançon qu'il fît usage des pouvoirs de police que lui confèrent les dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales. Dans ces conditions, la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Besançon a refusé de prendre plus de mesures de police en vue de faire respecter les règles de stationnement et d'arrêt dans les rues Mégevand, Battant, Madeleine, des Granges, Fontaine Argent, de Belfort, Grande rue, Quai Bugnet, Vieil Picard et à la Bouloie, et plus globalement sur l'ensemble du territoire bisontin, n'est pas entachée d'illégalité. Il en résulte que la demande des associations requérantes devant le tribunal administratif de Besançon tendant à l'annulation de cette décision implicite doit être rejetée.
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation et d'injonction :
10. En l'absence de carence fautive du maire de la commune de Besançon, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions indemnitaires et, en tout état de cause, à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Besançon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001689 du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions des associations " Vélo Besançon " et " Trottoirs Libres ! " tendant à l'annulation du refus implicite du maire de Besançon de faire usage de ses pouvoirs de police.
Article 2 : La demande présentée par les associations " Vélo Besançon " et " Trottoirs Libres ! " devant le tribunal administratif de Besançon mentionnée à l'article 1er du présent arrêt et le surplus des conclusions de leur requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Besançon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié l'association " Vélo Besançon ", l'association " Trottoirs Libres ! " et à la commune de Besançon.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. Lusset
La présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au préfet du Doubs, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 22NC01278 2