Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2023 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2300674 du 22 mars 2023, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Dollé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 22 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2023 du préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un récépissé de titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros TTC en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le refus de titre est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du refus de titre ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthou a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 1e janvier 1996, de nationalité nigériane, est entré en France, selon ses déclarations, le 20 mars 2019 et y a sollicité l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par décision du 25 mars 2021, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par décision devenue définitive du 25 octobre 2021. Il a sollicité, le 15 février 2022, un titre de séjour en raison de son état de santé sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 janvier 2023, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 22 mars 2023 par lequel la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. B... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté. Par ailleurs, le requérant n'établit pas qu'il n'aurait pas pu faire valoir les éléments qu'il estimait utiles à l'examen de sa demande.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
4. En vertu des dispositions précitées, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'OFII. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. Pour refuser à M. B... le titre de séjour sollicité, le préfet de la Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 17 novembre 2022, aux termes duquel si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'avis précise que l'état de santé du requérant lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, M. B... se borne à produire deux certificats médicaux émanant d'un médecin généraliste qui ne suffisent pas à remettre en cause l'analyse du préfet et du collège de médecins de l'OFII. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est illégale par exception d'illégalité du refus de titre de séjour.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
7. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. M. B..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, se borne à produire des éléments montrant les traitements subis par les personnes homosexuelles au Nigeria sans établir qu'il serait susceptible, en raison de son orientation sexuelle, d'en être lui-même victime. Par suite, il n'établit pas être personnellement exposé à un risque de traitements prohibés par les stipulations citées ci-dessus de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Nigeria. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation de cet article ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
11. Il résulte des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, tenir compte des critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Ainsi, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Par ailleurs, si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
12. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit sur lesquels elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée.
13. En second lieu, eu égard à l'absence de liens personnels de l'intéressé sur le territoire français et à la durée de son séjour, et alors que les risques qu'il encourrait au Nigéria ne sont pas établis, le préfet de la Moselle n'a pas commis d'erreur d'appréciation en faisant application de ces dispositions et en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 17 janvier 2023 ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC02883 2