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12/12/2024 | FRANCE | N°23NC02071

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 12 décembre 2024, 23NC02071


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300486 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la c

our :



Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Yahi, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300486 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Yahi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier dès lors qu'il comporte le nom du médecin ayant établi le rapport médical ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile ; la préfète s'est fondée sur un avis ancien du collège de médecins daté du 30 novembre 2021 ; la décision litigieuse aura pour effet de l'obliger à interrompre ses soins en raison de l'absence de prise en charge effective au Kosovo ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation de la préfète ; elle exerce une activité salariée depuis son entrée en France et depuis le 4 avril 2022 en contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de nettoyage ; elle subvient à ses besoins ; elle réside en France depuis 2016 avec sa fille ; le père de sa fille dont elle est divorcée et qui est remarié avec une ressortissante française réside également en France ; elle parle le français et est parfaitement intégrée sur le territoire ; elle respecte les lois et ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'irrégularité en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.

La préfète du Bas-Rhin n'a pas produit.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante kosovare née le 10 janvier 1975, est entrée en France régulièrement le 10 juin 2016 et y a sollicité l'octroi du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 13 décembre 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 1er juin 2018. Le 2 juillet 2018, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au regard de son état de santé et s'est vu remettre une autorisation provisoire de séjour de 6 mois, renouvelée jusqu'au 17 décembre 2020. Le 6 septembre 2021 puis le 2 juin 2022, l'intéressée a respectivement sollicité le renouvellement de son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code. Par un arrêté du 13 décembre 2022, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 30 mai 2023, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des mentions de l'arrêté en litige que la préfète du Bas-Rhin, après avoir examiné les conditions d'entrée en France de la requérante et rappelé les différentes décisions prises à la suite de sa demande d'asile, a examiné l'ensemble de sa situation personnelle et a notamment pris en compte la circonstance qu'elle avait bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour pour raisons de santé et que l'une de ses filles résidait avec elle sur le territoire français. Alors que l'autorité administrative n'est pas tenue de mentionner tous les éléments relatifs à la situation de l'étranger, la décision portant refus de séjour comporte ainsi les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". L'article R. 425-11 du même code dispose : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le rapport médical a été établi par un médecin qui n'a pas siégé au sein du collège ayant rendu l'avis du 30 novembre 2021. Il s'ensuit que Mme A... n'a pas été privée de la garantie prévue par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circonstance que l'avis mentionne le nom de l'auteur du rapport médical étant sans incidence sur sa régularité. Il s'ensuit que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

6. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

7. Pour refuser à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, la préfète s'est fondée sur l'avis du 30 novembre 2021 émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indiquant que si l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. La requérante, qui n'a pas levé le secret médical et qui ne produit aucun justificatif permettant d'apprécier la gravité d'un défaut de soins, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation ainsi portée, ni à démontrer son caractère obsolète. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces dispositions ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.

9. Si Mme A... se prévaut de sa présence en France depuis 2016 et de son insertion professionnelle, il est constant qu'elle n'a pu occuper des emplois à durée déterminée puis indéterminée à partir d'avril 2022, en qualité d'agent de nettoyage, qu'au bénéfice de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée et qui ne lui ouvrait pas un droit pérenne au séjour sur le territoire. Elle ne saurait se prévaloir de la présence de l'une de ses filles, qui n'a été autorisée à séjourner sur le territoire que pour l'accompagner pendant sa période de soins. Mme A... ne justifie pas de l'intensité de ses liens en France, notamment avec son ancien compagnon et père de sa fille qui a épousé une ressortissante française en 2021, alors qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine et que deux de ses autres enfants ne résident pas en France. Par suite, la décision de refus de séjour n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard du pouvoir de régularisation de la préfète.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité, de sorte que le moyen tiré, par voie d'exception, de son illégalité ne peut qu'être écarté.

11. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 9, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision litigieuse au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Yahi et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC02071 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02071
Date de la décision : 12/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : YAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-12;23nc02071 ?
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