Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C..., Mme AN... C..., M. AD... AB..., Mme Z... AB..., M. F... P..., Mme AJ... P..., la SCI Durango, M. AJ... S...,
Mme AR... S..., M. AK... K..., Mme AF... K..., M. AK... H..., M. A... AM..., Mme B... AM..., M. M... L..., Mme N... L..., Mme AL... AO..., Mme T... U..., M. W... AP...,
Mme AQ... AP..., M. D... AA..., Mme Y... AA..., M. R... O..., M. F... G..., Mme AH... G..., Mme AC... AS..., M. J... V..., Mme AG... V..., la SCI D et J, M. X... I... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel le maire de la commune de Blotzheim a accordé à M. AE... un permis de construire portant sur la démolition d'une maison d'habitation et la construction d'un bâtiment collectif de huit logements pour une surface de plancher de 822,60 mètres carrés, sur un terrain situé 2A rue des Chalets, à Blotzheim, ainsi que la décision du 24 novembre 2021 par laquelle le maire de la commune de Blotzheim a rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2200508 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 janvier 2023, le 27 février 2024 et le 24 avril 2024, M. et Mme C..., M. et Mme AB..., M. et Mme P..., M. et Mme AP..., M. et Mme AA... et M. et Mme G..., représentés par Me Fromageat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2200508 du 10 novembre 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel le maire de la commune de Blotzheim a accordé à M. AE... un permis de construire portant sur la démolition d'une maison d'habitation et la construction d'un bâtiment collectif de huit logements pour une surface de plancher de 822,60 mètres carrés, sur un terrain situé 2A rue des Chalets, à Blotzheim, ainsi que la décision du 24 novembre 2021 par laquelle le maire de la commune de Blotzheim a rejeté leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Blotzheim une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier ; le tribunal a insuffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UB3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ;
- ils disposent tous d'un intérêt à agir ;
- le projet méconnait les dispositions des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UB3 du règlement du PLU s'agissant de la sécurité des accès ;
- le projet méconnait les dispositions des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UB3 du règlement du PLU s'agissant du risque d'instabilité du talus ;
- le projet méconnait l'article UB10 du règlement du PLU qui prévoit que la hauteur maximale des constructions est fixée à 8 mètres au faîtage ou à l'acrotère dans le secteur UBa et que le point de référence pour le calcul de la hauteur est le niveau de l'emprise publique ;
- le projet méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article UB11 du règlement du PLU ; le projet est une architecture cubique sans lien avec le style des bâtiments existants ; cette construction va créer une rupture totale avec le caractère très végétalisé de ce quartier situé en bordure de champs ;
- le projet méconnaît l'article UB12 du règlement du PLU ; si un total de vingt-six places de stationnement est prévu par le pétitionnaire conformément à l'annexe du règlement, deux places de stationnement sont implantées immédiatement en sortie de virage et ne sont pas réalisables pour des raisons de sécurité, du fait de l'absence de visibilité et de la déclivité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2023, la commune de Blotzheim, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et à la condamnation solidaire des requérants à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'irrégularité du jugement n'est pas établie ; le tribunal n'a pas l'obligation de répondre à tous les arguments venant au soutien d'un moyen et a suffisamment motivé sa réponse quant aux risques que l'implantation du projet présenteraient pour la sécurité publique ;
- les caractéristiques de la voirie sont parfaitement adaptées à une opération de construction de huit logements, qui n'aura qu'un impact marginal en termes d'accroissement du trafic automobile dans le secteur, faible pour le moment ;
- les appelants ne produisent aucun élément mettant en évidence un quelconque risque d'affaissement du talus situé au droit de la limite sud du terrain d'assiette du projet ;
- le règlement du PLU dispose que le point de référence du calcul de la règle de hauteur est le niveau de l'emprise publique, privée ou du chemin d'accès privatif desservant la propriété, sans faire de distinction selon que le chemin est ou non en pente ;
- le site sur lequel la construction est projetée ne présente aucune qualité particulière, l'environnement bâti ne présente aucune homogénéité en termes d'implantation, de hauteur, de gabarit, de toiture ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB12 n'est assorti d'aucun élément nouveau.
Par des mémoires, enregistrés le 30 mai 2023 et le 22 mars 2024, M. AE..., représenté par Me Cereja, conclut au rejet de la requête et à la condamnation solidaire des requérants à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'irrégularité du jugement n'est pas établie ; le tribunal n'a pas l'obligation de répondre à tous les arguments venant au soutien d'un moyen ;
- les requérants ne démontrent pas leur intérêt à agir ; certains des appelants sont des voisins non immédiats voire lointains du projet ;
- les dispositions de l'article UB3 du règlement et l'article R. 111-2 ne concernent que les conditions d'accès et de desserte directe de l'immeuble sur la voie publique ;
- les appelants n'apportent aucun élément quant au caractère friable des sols ou à l'instabilité prétendue du talus ;
- le règlement précise que le point de référence est le niveau qui permet l'accès à la propriété et la circonstance que la rue des Chalets soit en pente et que les premiers mètres de l'accès soit situé à un niveau inférieur est sans influence ;
- le quartier n'est doté d'aucune harmonie sur le plan architectural ;
- les places de stationnement réalisées le long de la rue des Chalets seront réalisées sur le terrain d'assiette du projet et n'empièteront pas sur la voie publique.
L'instruction a été close au 10 mai 2024 par une ordonnance du 25 avril 2024.
Un mémoire a été enregistré le 13 novembre 2024 pour M. et Mme C..., M. et Mme AB..., M. et Mme P..., M. et Mme AP..., M. et Mme AA... et M. et Mme G... et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Fromageat pour les requérants, de Me Vilchez pour la commune de Blotzheim et de Me Cereja pour M. AE....
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 mars 2021, M. AE... a déposé une demande de permis de construire portant sur la démolition d'une maison d'habitation et la construction d'un immeuble de huit logements, pour une surface plancher de 822,60 mètres carrés, sur un terrain situé 2A, rue des Chalets à Blotzheim. Par un arrêté du 6 septembre 2021, le maire de Blotzheim a accordé le permis sollicité. M. et Mme C..., ainsi que d'autres riverains, ont formé contre cet arrêté un recours gracieux le 8 novembre 2021, rejeté par une décision du maire de Blotzheim du 24 novembre 2021, puis un recours contentieux devant le tribunal administratif de Strasbourg. Par un jugement du 10 novembre 2022, dont les intéressés relèvent appel, le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la fin de non-recevoir soulevée :
2. En vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice rendues en premier ressort est ouvert aux parties présentes à l'instance sur laquelle le jugement qu'elles critiquent a statué. En l'espèce, il est constant que M. et Mme C..., M. et Mme AB..., M. et Mme P..., M. et Mme AP..., M. et Mme AA... et M. et Mme G... avaient tous la qualité de partie à l'instance devant le tribunal administratif de Strasbourg. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. AE... et tirée du défaut de qualité de certains requérants pour faire appel du jugement attaqué doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Aux termes de l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Blotzheim : " Desserte des terrains par les voies publiques ou privées et accès aux voies ouvertes au public / 3.1 Desserte par les voies publiques ou privées / Les voies publiques ou privées doivent avoir des caractéristiques adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie, aux usages qu'elles supportent et aux opérations qu'elles doivent desservir. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la rue du Couvent constitue l'unique voie de desserte de la rue des Chalets qui se finit en impasse et ne compte, pour l'heure, que dix-neuf habitations, de sorte que le projet, qui prévoit vingt-six places de stationnement et autant de véhicules, génèrera une forte augmentation du trafic. Or, la déclivité et la faible largeur de la rue des Couvents, dont les mesures à plusieurs endroits, établies par constat d'huissier, sont inférieures à 3,50 mètres, rendent impossible le croisement de deux véhicules, les propriétés de certains des requérants servant d'ailleurs, en pareil cas, de voies de dégagement sur laquelle un véhicule se range afin d'en laisser passer un autre. Cette voie ne comporte par ailleurs pas de trottoir ni de cheminement sécurisé pour les piétons et cyclistes qui l'empruntent quotidiennement, étant bordée, à droite, par un important talus, terrain d'assiette de la construction projetée, et, à gauche, par une glissière de sécurité. En outre, l'intersection vers la rue des Chalets forme un virage à angle droit, de sorte que la visibilité des véhicules engagés dans la voie est très faible. Si la sécurité de cette desserte était déjà problématique, il est constant que le projet de construction, compte tenu de l'augmentation du trafic généré au regard du faible nombre de maisons existantes de la rue des Chalets, est de nature à aggraver fortement ces difficultés de circulation pour les riverains des voies en cause. Si le pétitionnaire indique que des travaux seront réalisés au droit du projet pour l'élargissement de la voie publique, il est constant qu'ils seront sans effet sur la portion de la rue du Couvent en contrebas, à l'origine des difficultés rencontrées du fait de son étroitesse. Enfin, la circonstance qu'aucun accident n'ait été à déplorer jusqu'à présent ne remet pas en cause le caractère accidentogène des lieux. Par suite, en délivrant le permis de construire en litige, le maire de la commune de Blotzheim a méconnu les dispositions précitées du code de l'urbanisme et du plan local d'urbanisme.
5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît, en l'état de l'instruction, également susceptible de fonder l'annulation du permis contesté.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis et du rejet du recours gracieux litigieux.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Blotzheim une somme de 2 000 euros à verser à l'ensemble des requérants.
8. Les conclusions présentées au même titre par la commune de Blotzheim et par M. AE... à l'encontre des requérants, qui ne sont pas les parties perdantes, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200508 du 10 novembre 2022 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : L'arrêté du maire de la commune de Blotzheim du 6 septembre 2021 accordant un permis de construire à M. AE... et la décision du 24 novembre 2021 par laquelle il a rejeté leur recours gracieux sont annulés.
Article 3 : La commune de Blotzheim versera aux requérants une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Blotzheim relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions de M. AE... relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M et Mme E... et AN... C..., représentants uniques en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à M. Q... AE... et à la commune de Blotzheim.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 23NC00095 2