Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2021 par lequel le recteur de l'académie de Besançon l'a classé successivement au troisième échelon du grade de professeur de lycée professionnel de classe normale à compter du 1er septembre 2020, avec une ancienneté d'un an, six mois et dix-neuf jours, puis au quatrième échelon de ce grade à compter du 12 février 2021 sans ancienneté, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 22 février 2021.
Par un jugement n° 2100892 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet 2022 et 4 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Tronche, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100892 du tribunal administratif de Besançon du 25 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du recteur de l'académie de Besançon du 7 janvier 2021, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 22 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Besançon de prendre un nouvel arrêté le classant au cinquième échelon du grade de professeur de lycée professionnel de classe normale à la date du 1er septembre 2020, avec une ancienneté de deux ans et vingt-trois jours, et au sixième échelon du même grade à la date du 8 février 2021 ou, à tout moins, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'arrêté en litige du 7 janvier 2021 est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que le recteur de l'académie de Besançon n'a pas pris en compte les services d'enseignement qu'il a accomplis, avant sa réussite au concours externe de professeur de lycée professionnel, au sein du centre de formation des apprentis de l'industrie de Lyon d'octobre 2008 à juillet 2014, du centre interrégional de formation alternée de la plasturgie de Lyon de septembre à décembre 2014 et de janvier à août 2020 et à l'école technique privée Institut technique des carrières Carole de Lyon du 2 septembre 2014 au 26 août 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, la rectrice de l'académie de Besançon conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 51-1423 du 5 décembre 1951 ;
- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été admis au concours externe de professeur de lycée professionnel dans la discipline de mathématiques et sciences physiques au titre de la session 2020. A la suite de sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire, le recteur de l'académie de Besançon, par un arrêté du 16 octobre 2020, l'a classé, à compter du 1er septembre 2020, au premier échelon du grade de professeur de lycée professionnel de classe normale sans ancienneté. Estimant que ce classement ne prenait pas en compte ses services d'enseignement accomplis avant sa réussite au concours, le requérant a formé un recours gracieux le 13 novembre 2020. Par un nouvel arrêté du 7 janvier 2021, qui annule et remplace le précédent, le recteur de l'académie de Besançon, après réexamen du dossier de l'intéressé, a partiellement fait droit à sa demande en le classant successivement au troisième échelon de son grade à compter du 1er septembre 2020, avec une ancienneté d'un an, six mois et dix-neuf jours, puis au quatrième échelon à compter du 12 février 2021, sans ancienneté. Le recours gracieux formé contre ce nouvel arrêté le 22 février 2021 s'étant heurté au silence de l'administration, M. B... a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 janvier 2021 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Il relève appel du jugement n° 2100892 du 25 mai 2022, qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 22 du décret du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel, dans sa rédaction alors applicable : " Les professeurs de lycée professionnel sont reclassés conformément aux dispositions du décret du 5 décembre 1951 susvisé. A cet effet, la classe normale du corps des professeurs de lycée professionnel est affectée du coefficient caractéristique 135. / Les personnels visés à l'article 10 ci-dessus sont classés à la date de leur nomination en qualité de stagiaire. / (...) / Les candidats (...) justifiant d'au moins cinq années d'activité professionnelle en qualité de cadre, sont classés dans le corps des professeurs de lycée professionnel à un échelon déterminé en prenant en compte les années d'activité professionnelle qu'ils ont accomplies en cette qualité avant leur nomination comme stagiaire, dans les conditions prévues par le présent décret, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 7 du décret du 5 décembre 1951 susvisé. / (...) / Le recteur d'académie procède au reclassement des professeurs de lycée professionnel. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 5 décembre 1951 portant règlement d'administration publique pour la fixation des règles suivant lesquelles doit être déterminée l'ancienneté du personnel nommé dans l'un des corps des fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale : " Sont régis quant à leur ancienneté par le présent décret, les agents accédant à l'un des corps de fonctionnaires de l'enseignement relevant du ministère de l'éducation nationale, qu'ils aient ou non antérieurement appartenu comme titulaires à l'un de ces corps. / Toutefois, ce décret ne s'applique ni aux agents nommés dans l'enseignement supérieur ni aux corps d'inspection ; il ne s'applique pas davantage aux instituteurs lors de l'accès dans leur corps, sous réserve des dispositions de l'article 7 bis ci-dessous. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 7 du même décret : " Les années d'activité professionnelle que les fonctionnaires chargés des enseignements techniques théoriques ou pratiques ont accomplies avant leur nomination, conformément aux conditions exigées par leur statut particulier, sont prises en compte dans l'ancienneté pour l'avancement d'échelon, à raison des deux tiers de leur durée à partir de la date à laquelle les intéressés ont atteint l'âge de vingt ans. ". Aux termes de l'article 7 bis du même décret, dans sa rédaction alors applicable : " Les années d'enseignement que les fonctionnaires régis par le présent décret ont accomplies dans les établissements d'enseignement privés avant leur nomination entrent en compte dans l'ancienneté pour l'avancement d'échelon dans les conditions définies ci-après : (...) 2° Les services effectifs d'enseignement accomplis dans une classe hors contrat après le 15 septembre 1960 sont pris en compte forfaitairement pour les deux tiers de leur durée, puis révisés le cas échéant en fonction des coefficients caractéristiques définis au dernier alinéa du présent article ; 3° Les services effectifs d'enseignement et de direction accomplis dans les établissements ou classes sous contrat après le 15 septembre 1960 sont pris en compte pour la totalité de leur durée, puis révisés dans les mêmes conditions qu'au 2° ci-dessus. (...) ".
3. Les dispositions de l'article 7 bis du décret du 5 décembre 1951 ne retiennent, pour le reclassement dans un corps de fonctionnaire de l'éducation nationale, que le nombre d'années de services effectifs en qualité d'enseignant de l'enseignement privé et à l'échelle indiciaire de référence pour leur rémunération. Si ces dispositions, relatives aux services d'enseignement effectués dans les établissements privés, introduites par le décret du 17 mars 1978, pris en application de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'Etat et les établissements privés, ne concernent que les établissements privés d'enseignement du premier degré et du second degré et d'enseignement technique, les services d'enseignement accomplis dans un centre de formation d'apprentis sont pris en compte pour le calcul de l'ancienneté lors du reclassement dans le corps des professeurs de lycée professionnel, alors même qu'il n'est pas fait mention de ces centres dans les " formations technologiques " du titre IV du livre VI du code de l'éducation, lequel ne définit d'ailleurs que des formations d'enseignement supérieur.
4. Il ressort de l'attestation du directeur du centre de formation des apprentis de l'industrie de Lyon du 12 juillet 2021, du certificat de travail établi le 14 décembre 2020 par le gérant de la société " BG Conseil et formation ", prestataire de service en matière d'enseignement et de formation, et des bulletins de paie produits par l'intéressé que M. B..., alors salarié de cette société, a accompli, en qualité de formateur, des services d'enseignement en mathématiques et en sciences physiques au sein dudit centre pour la période allant du 8 octobre 2008 au 12 juillet 2014. Il résulte d'autre part de l'attestation du 12 décembre 2020 de la directrice adjointe du centre interrégional de formation alternée de la plasturgie de Lyon que le requérant est intervenu au sein de cette structure en qualité de formateur-prestataire du 1er septembre 2014 au 31 août 2020. Enfin, il ressort d'un certificat de travail de la présidente de l'Institut technique des carrières Carole de Lyon du 26 août 2020, ainsi que des fiches de paie produites, que l'intéressé a exercé dans cet institut les fonctions de professeur de physique-chimie du 2 septembre 2014 au 26 août 2020.
5. Par son arrêté du 7 janvier 2021, le recteur de l'académie de Besançon n'a cependant pris en compte, pour le reclassement du requérant dans le corps des professeurs de lycée professionnel, que les services d'enseignement qu'il a accomplis au centre interrégional de formation alternée de la plasturgie de Lyon pour la période comprise du 2 janvier 2015 au 31 décembre 2019. Le recteur ne saurait utilement soutenir que M. B... a accompli certains des services d'enseignement mentionnés au point 4 en qualité de travailleur salarié ou indépendant sur la base de contrats de droit privé, cette condition n'étant pas prévue à l'article 7 bis du décret du 5 décembre 1951, ni qu'il ne justifie pas de sa qualité de cadre, une telle exigence étant uniquement requise pour les reprises d'ancienneté correspondant aux années d'activité professionnelle autre que l'enseignement accomplies avant la nomination, en application des dispositions combinées du quatrième alinéa de l'article 22 du décret du 6 novembre 1992 et du premier alinéa de l'article 7 du décret du 5 décembre 1951. Dans ces conditions, le recteur de l'académie de Besançon a, par son arrêté du 7 janvier 2021 et sa décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 22 février 2021, méconnu l'article 7 bis du décret du 5 décembre 1951.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint à la rectrice de l'académie de Besançon de réexaminer la situation de M. B... et de procéder à son reclassement en prenant en considération l'ensemble des années d'enseignement mentionnées au point 4 du présent arrêt dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais de justice :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100892 du tribunal administratif de Besançon du 25 mai 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du recteur de l'académie de Besançon du 7 janvier 2021 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 22 février 2021 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Besançon de réexaminer la situation de M. B... et de procéder à son reclassement en prenant en considération l'ensemble des années d'enseignement mentionnées au point 4 du présent arrêt dans un délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6: Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Besançon.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC02007 2