Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EURL MDB a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2020 par lequel le maire de Haguenau a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'un magasin à l'enseigne " Aldi " d'une surface de vente de 958,50 mètres carrés et d'une cellule commerciale locative de 23,32 mètres carrés sur un terrain situé 14 route de Bitche sur le territoire de cette commune.
Par un jugement n° 2001308 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 16 janvier 2020, a enjoint à la commune de Haguenau de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification de ce jugement et a mis à la charge de la collectivité le versement à la société requérante d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 janvier et 29 juillet 2022, la commune de Haguenau, représentée par Me Gillig, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001308 du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par l'EURL MDB ;
3°) de mettre à la charge de l'EURL MDB le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté est entaché d'irrégularité dès lors que la minute de ce jugement ne comporte pas la signature manuscrite des membres de la formation de jugement qui ont siégé lors de l'audience publique du 14 octobre 2021 ;
- elle était fondée à rejeter la demande de permis de construire présentée par l'EURL MDB dès lors que les constructions projetées méconnaissent les dispositions de l'article 6 UR du règlement de son plan local d'urbanisme ;
- il résulte des dispositions en cause, interprétées à la lumière du rapport de présentation du plan local d'urbanisme, que l'implantation à l'alignement des voies publiques s'impose pour toutes les constructions en zone UR ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les dispositions en cause n'interdisaient pas la réalisation de constructions en second rang ;
- la possibilité d'implanter une construction en retrait de la voirie est uniquement possible en zones UA et UB du règlement du plan local d'urbanisme ;
- la configuration du terrain d'assiette du projet litigieux ne faisait nullement obstacle à ce que le magasin à l'enseigne " Aldi " soit implanté à l'alignement de la voie publique ;
- pour donner une " impression " de conformité du projet à cette règle d'implantation, la pétitionnaire a, de manière tout à fait artificielle, implanté une cellule commerciale de 23,32 mètres carrés à l'alignement de la voie publique et implanté la construction principale de 958 mètres carrés en retrait de la voirie ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le moyen tiré du détournement de pouvoir n'était pas de nature à justifier l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2020, dès lors qu'aucun élément du dossier ne permet de caractériser l'existence d'un tel détournement.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mai 2022 et 9 novembre 2023, l'EURL MDB, représentée par Me Landbeck, conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement de première instance, à titre subsidiaire, à son annulation en tant qu'il n'a pas retenu le moyen tiré du détournement de pouvoir et, dans tous les cas, à la mise à la charge de la commune de Haguenau d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués par la commune de Haguenau ne sont pas fondés ;
- en implantant la cellule commerciale locative de 23,32 mètres carrés à l'alignement de la voie publique, elle ne s'est livrée à aucune manœuvre frauduleuse destinée à fausser l'appréciation de l'administration ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le moyen tiré du détournement de pouvoir n'était pas de nature à justifier l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Vilchez pour la commune de Haguenau.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Haguenau par Me Gillig, a été enregistrée le 28 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande déposée le 24 juin 2019 et complétée le 20 août 2019, l'EURL MDB a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de la réalisation d'un magasin à l'enseigne " Aldi " d'une surface de vente de 958,50 mètres carrés et d'une cellule commerciale locative de 23,32 mètres carrés sur un terrain situé 14 route de Bitche à Haguenau. Par un arrêté du 16 janvier 2020, le maire de cette commune a refusé de faire droit à cette demande. Le 20 février 2020, la pétitionnaire a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2020. La commune de Haguenau relève appel du jugement n° 2001308 du 9 novembre 2021, qui annule l'arrêté contesté et lui enjoint de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois suivant sa notification.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement de première instance contesté comporte les signatures manuscrites du président de la formation de jugement, du rapporteur et de la greffière de l'audience. La circonstance que l'expédition de ce jugement, qui a été notifiée à la partie appelante, n'a pas été signée par les personnes concernées est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature dont serait entaché la minute du jugement de première instance contesté manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. ". Aux termes de L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Aux termes de l'article L. 152-1 de ce code : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. ".
5. Il résulte de ces dispositions que, si les indications contenues dans le rapport de présentation d'un plan local d'urbanisme ne sont pas, par elles-mêmes, opposables pour la délivrance d'une autorisation d'urbanisme, elles peuvent être prises en considération par le juge pour interpréter les dispositions d'un règlement du plan local d'urbanisme, lorsque cette interprétation ne ressort pas clairement de la seule lecture du texte de ces dispositions.
6. D'autre part, aux termes de l'article 6 UR du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Haguenau concernant l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " 1. Dans l'ensemble de la zone UR, à l'exception du secteur URc, les constructions ou installations de premier rang doivent être édifiées à l'alignement des voies publiques ou emprises publiques existantes, à modifier ou à créer. / 2. Dans le secteur URc, les constructions et installations de premier plan peuvent être édifiées à l'alignement des voies publiques ou emprises publiques existantes, à modifier ou à créer. Lorsqu'elles ne sont pas implantées à l'alignement, les constructions et installations nouvelles doivent être édifiées à 1,20 mètres au moins de l'alignement de toute voie publique ou emprise publique limitrophe existante, à modifier ou à créer. / (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier, spécialement du plan de masse joint à la demande de permis de construire, que le projet de l'EURL MDB consiste à réaliser, sur un même terrain d'assiette, un magasin à l'enseigne " Aldi " d'une surface de vente de 958,50 mètres carrés et une cellule commerciale destinée à la location de 23,32 mètres carrés. S'il est prévu de construire ce dernier bâtiment à l'alignement de la voie publique, l'autre, en revanche, doit être implanté en second rang, à l'arrière de constructions existantes situées le long de la route de Bitche.
8. Il ressort des termes mêmes du premier paragraphe de l'article 6 UR du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Haguenau que celui-ci impose aux seules " constructions et installations de premier rang " d'être édifiées à l'alignement des voies ou emprises publiques dans l'ensemble de la zone UR, à l'exception du secteur URc. Ni ces dispositions, ni d'ailleurs les dispositions des articles 7 UR et 8 UR concernant respectivement l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et l'implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété, n'interdisent la réalisation de constructions en deuxième rang ou au-delà, la circonstance qu'une telle possibilité soit expressément admise en zones UA et UB, ainsi que le prévoient les dispositions du cinquième paragraphe des articles 6 UA et 6 UB, étant sans incidence à cet égard.
9. Eu égard à la clarté des dispositions du premier paragraphe de l'article 6 UR du règlement du plan local d'urbanisme, la commune de Haguenau ne saurait utilement se prévaloir des indications contenues dans le rapport de présentation, lesquelles, au demeurant, se bornent à préciser que l'obligation pour les " constructions et installations de premier rang " d'être édifiées à l'alignement des voies ou emprises publiques traduit la volonté des auteurs de ce plan de doter les entrées d'agglomération d' " un paysage de ville " en encadrant les axes de circulation à cet endroit par des constructions pour les faire évoluer " d'une ambiance de faubourg à celle d'un boulevard ".
10. Si la requérante fait encore valoir que la configuration du terrain d'assiette permettait d'implanter le magasin à l'enseigne " Aldi " en premier rang le long de la route de Bitche, une telle circonstance, à la supposer même établie, n'est pas de nature à justifier le refus de délivrance du permis de construire. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pétitionnaire, en prévoyant que la cellule commerciale destinée à la location de 23,32 mètres carrés sera édifiée à l'alignement de la voie publique, aurait cherché à fausser l'appréciation de l'administration quant à la conformité de son projet à la règlementation d'urbanisme applicable.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Haguenau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté attaqué du 16 janvier 2020.
Sur les frais de justice :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'EURL MDB, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la commune de Haguenau au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à la défenderesse d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Haguenau est rejetée.
Article 2 : La commune de Haguenau versera à l'EURL MDB la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Haguenau et à l'EURL MDB.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC00022 2