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05/12/2024 | FRANCE | N°24NC00661

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 24NC00661


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 juin 2023 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2307270 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a provisoirement admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridict

ionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.



Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 juin 2023 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2307270 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a provisoirement admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Mengus, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 23 juin 2023 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'une part, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai maximal d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard et d'autre part, de lui délivrer un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, le temps nécessaire à la délivrance du titre de séjour ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui remettre un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 640 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

- les premiers juges n'ont pas contrôlé le moyen tiré de ce qu'elle faisait valoir des circonstances humanitaires en ne faisant pas référence à sa situation personnelle et aux considérations de fait qu'elle invoque ;

- elle méconnaît les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle repose sur une décision portant refus de titre de séjour illégale ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 15 février 2024.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stenger, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 7 juillet 1985, est entrée en France le 25 octobre 2016, avec son ex-époux et sa fille pour y solliciter l'asile. Elle a fait l'objet d'une décision portant réadmission en Allemagne qu'elle n'a pas exécutée. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par des décisions des 12 mars et 16 novembre 2018. Sa demande de titre de séjour présentée au titre de son état de santé a été rejetée par la préfète du Bas-Rhin par un arrêté du 4 novembre 2020, après que l'Office français de l'immigration et l'intégration (OFII) avait considéré qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine. Par ce même arrêté, dont la légalité a été confirmée par la cour de céans, l'autorité préfectorale obligeait la requérante à quitter le territoire français. Mme B... a formulé une nouvelle demande de titre de séjour le 21 mai 2022 sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 juin 2023 la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 23 juin 2023.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments de la requérante ont répondu de manière suffisamment motivée à l'ensemble des moyens contenus dans les écritures produites par l'intéressée.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 8 de la même convention : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ".

5. Mme B... se prévaut notamment de la durée de son séjour en France, de son état de santé et de la scolarisation de sa fille sur le territoire français. Toutefois, les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de humains et des libertés fondamentales ne lui garantissent pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En l'espèce, Mme B..., qui est entrée en France le 25 novembre 2016 n'a jamais été titulaire d'un titre de séjour. La durée de sa présence sur le territoire français résulte d'abord de son refus d'exécuter la décision de transfert prise à son encontre en 2016 puis de l'instruction de sa demande d'asile devant l'OFPRA et la CNDA. La requérante s'est ensuite maintenue irrégulièrement en France nonobstant le rejet de sa demande d'admission au séjour pour raison de santé, après que le collège de médecins de l'OFII, par un avis du 14 juin 2019, avait considéré qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Cet arrêté était assorti d'une obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécutée. Par ailleurs, la requérante ne fait état d'aucun élément permettant de caractériser une vie privée et familiale en France susceptible d'être protégée au regard des stipulations précitées ni d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que sa vie familiale puisse régulièrement se poursuivre dans son pays d'origine, avec sa fille, qui pourra y poursuivre sa scolarité. Enfin, la requérante ne démontre pas qu'elle est dépourvue d'attaches dans son pays d'origine alors qu'elle a déclaré que ses parents et son frère y résidaient. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressée en France, la préfète du Bas-Rhin, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel ladite décision a été prise. Par suite, la décision attaquée n'a pas méconnu les normes ci-dessus reproduites et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

6. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Si Mme B... fait valoir que sa fille est scolarisée en France et qu'elle est titulaire d'un récépissé de demande de titre de séjour, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder la décision attaquée comme méconnaissant l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination.

9. En deuxième lieu, Mme B... soutient qu'elle encourt des risques pour sa vie en cas de retour en Géorgie en raison des représailles auxquelles elle serait exposée compte tenu de son engagement politique et qu'un tel retour serait de nature à aggraver son état de santé physique et psychologique qui résulte de l'agression qu'elle a subie dans son pays d'origine en 2013. Toutefois, la requérante ne démontre pas, par les pièces médicales qu'elle produit, que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur dans l'appréciation de son état de santé, alors qu'au demeurant, dans son avis du 14 juin 2019, le collège de l'OFII a estimé que l'intéressée peut bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Géorgie. En outre, si la requérante soutient que les décisions litigieuses méconnaissent les stipulations précitées des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle n'apporte aucun élément prouvant qu'elle encourt des risques personnels et actuels en cas de retour en Géorgie, alors que sa demande d'asile a été rejetée par la CNDA le 16 novembre 2018 au motif, notamment, que les craintes alléguées ne sont pas établies et que l'intéressée ne justifie pas du lien entre son état de santé, l'agression qu'elle aurait subie en 2013 et son hospitalisation en Géorgie la même année. Par suite, le moyen invoqué de ce chef ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Mengus et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : L. Stenger Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 24NC00661 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00661
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;24nc00661 ?
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