Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 mai 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement no 2302186 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 19 janvier et 9 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Lebon-Mamoudy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation, et de lui remettre dans les deux cas et sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour au titre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, la préfète de Meurthe-et-Moselle a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la préfète n'a pas renversé la présomption de validité qui s'attache aux actes d'état civil qu'il a présentés ;
- il justifie du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation ;
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré, enregistrée le 19 novembre 2024, a été présentée pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien déclarant être né le 15 janvier 2003, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 6 mai 2019 selon ses déclarations et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Le 22 janvier 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 22 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il ressort de la décision en litige qu'elle porte refus de délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors que M. A... ne justifie pas avoir sollicité la délivrance du titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 435-1 du même code, il ne saurait utilement soutenir que la décision en litige méconnaît ces dernières dispositions.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
5. L'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article L. 811-2 du même code dispose que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. D'une part, les dispositions de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
7. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.
8. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a produit un extrait de jugement supplétif d'acte de naissance rendu par le tribunal civil de Bamako à l'issue de l'audience publique du 2 avril 2019, certifié conforme par le greffier en chef de cette juridiction le 3 avril 2019, un acte de naissance et un extrait d'acte de naissance établis le 4 avril 2019 sur la base de ce jugement, ainsi qu'une carte d'identité consulaire délivrée le 24 juillet 2020. Se fondant sur les conclusions d'un rapport d'examen technique documentaire, réalisé le 20 avril 2021, par le service territorial de Nancy de la police aux frontières, le préfet de Meurthe-et-Moselle a estimé que l'extrait de jugement supplétif était irrégulier au regard de l'article 47 du code civil français. Ainsi que M. A... le soutient, le préfet ne saurait utilement se prévaloir de ce que les informations relatives à l'enfant et aux parents seraient incomplètes au regard de l'article 125 du code des personnes et de la famille malien et que la date de naissance de l'enfant ne respecterait pas les conditions de l'article 126 de ce même code, ces dispositions s'appliquant aux actes d'état civil mais pas aux actes juridictionnels. De même, la circonstance que cet extrait ait été imprimé sur un support ordinaire ne suffit pas à démontrer son absence d'authenticité. Toutefois, s'agissant des deux autres actes d'état civil produits, le rapport d'examen technique documentaire du 20 avril 2021 conclut à leur caractère de contrefaçons, au motif, entre autres, pour l'acte de naissance, que les pré-découpes en créneaux le long du bord gauche sont irrégulières, que le numéro de série est imité au tampon encreur, que le texte pré-imprimé comporte des défauts d'impression, que la qualité artisanale des mentions pré-imprimées est nettement visible et, pour l'extrait d'acte de naissance, que l'intégralité des pré-impressions est imitée, qu'une faute d'impression fait état " de l'Officicer de " en rubrique n° 14, tandis que les deux actes font état d'un numéro d'acte (n° 2244/Rg29) qui s'avère fantaisiste par rapport au numéro de registre, que la qualité de l'officier d'état civil n'est pas précisée et le numéro NINA pas renseigné et que le jugement supplétif est cité dans une mauvaise rubrique de l'acte de naissance. Si le rapport d'expertise relève à tort une discordance dans la date du jugement supplétif, les autres anomalies constatées sur l'acte de naissance et l'extrait d'acte de naissance sont de nature à renverser la présomption d'authenticité s'attachant aux actes d'état civil établis par des autorités étrangères. Le jugement supplétif sur la base desquels ces documents ont été établis n'a au demeurant jamais été produit par M. A.... Quant à la carte d'identité consulaire, ce document ne constitue pas un acte d'état civil et il n'est pas allégué qu'elle aurait été établie sur la base d'autres documents d'état civil que ceux évoqués précédemment et exempts des vices mettant en cause leur authenticité. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait, en lui opposant l'absence d'établissement de son état civil, entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
9. En deuxième lieu, le motif tiré de l'absence d'établissement de l'état civil de M. A..., lequel permet de considérer qu'il ne remplit pas la condition fixée à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tenant à son placement à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, suffit à justifier le refus de titre de séjour en litige. Par suite, et alors même qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a obtenu un CAP " assistant technique en milieu familial et collectif " en juillet 2022, qu'il poursuivait sa scolarité, à la date du refus de séjour, en première année de CAP " production service rapide " et que les avis de la structure d'accueil étaient positifs, le préfet de Meurthe-et-Moselle pouvait, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de lui délivrer le titre de séjour prévu par les dispositions susvisées.
10. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. A... résidait sur le territoire français depuis quatre ans à la date de la décision en litige. Il justifie avoir suivi une scolarité, avoir obtenu un diplôme de CAP " assistant technique en milieu familial et collectif " et avoir bénéficié de plusieurs contrats à durée déterminée comme " aide cuisinier " au sein d'un EHPAD sur la période du 22 mai au 18 août 2022. Il établit également être éducateur dans un club de football et avoir noué des relations dans la société française. S'il justifie ainsi de sa capacité à s'intégrer dans la société française, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il avait, à la date de la décision en litige, désormais ancré en France l'essentiel de sa vie privée et familiale. La circonstance que son père est décédé et qu'il serait isolé dans son pays d'origine, ce qui n'est au demeurant pas établi par les pièces du dossier, ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour en France. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés plus haut, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle de ne pas faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Lebon-Mamoudy et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. BrodierLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 24NC00166