La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2024 | FRANCE | N°23NC03000

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 23NC03000


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... et Mme C... E... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 17 février 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2301577, 2301578 du 19 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
<

br>

Procédure devant la cour :



I.) Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2023 sous...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme C... E... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 17 février 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301577, 2301578 du 19 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2023 sous le n° 23NC03000, Mme B..., représentée par Me Bénichou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement, dès lors qu'elle remplit les conditions pour se voir régulariser à titre exceptionnel ;

- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II.) Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2023 sous le n° 23NC03001, M. A..., représenté par Me Bénichou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2023 en tant qu'il le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il développe les mêmes moyens et fait valoir les mêmes arguments que son épouse dans la requête n° 23NC03000.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme B..., ressortissants russes nés respectivement en 1983 et 1985, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français le 13 novembre 2017. Leur demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFPRA) du 31 mars 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 13 juin 2022. Par des arrêtés du 17 février 2023, la préfète du Bas-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par leurs requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. A... et Mme B... relèvent appel du jugement du 19 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. M. et Mme A... ne sauraient toutefois utilement se prévaloir des dispositions de l'article 2.1. de la circulaire du 28 novembre 2012, lesquelles ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit mais comportent des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière.

3. En deuxième lieu, M. et Mme A... résidaient sur le territoire français depuis cinq ans et demi à la date des arrêtés en litige. Ils tiennent la durée de leur séjour à l'examen de leur demande d'asile, rejetée par une décision de la CNDA en juin 2022. La circonstance que leurs huit enfants sont scolarisés en France ne suffit pas à leur ouvrir un droit au séjour tandis que si les requérants allèguent que la scolarité de leurs enfants ne pourrait pas se poursuivre dans leur pays d'origine, ils n'établissent pas que leurs enfants ne parleraient pas la langue russe. Si M. A... justifie d'efforts d'insertion par l'apprentissage de la langue français ainsi que par son activité de bénévolat auprès du Secours populaire depuis février 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants auraient désormais ancré en France l'essentiel de leur vie privée et familiale. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle.

4. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour poursuivre sa vie familiale, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige méconnaissent ces stipulations.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Les décisions en litige, qui ont pour objet d'éloigner M. et Mme A... du territoire français, n'ont pas pour effet de les séparer de leurs huit enfants. Par ailleurs, il n'est pas justifié que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Russie, qui est leur pays de nationalité. Il n'est pas non plus établi que la scolarité des enfants ne pourrait pas se poursuivre dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination seraient illégales compte tenu de l'illégalité des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 17 février 2023. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions, y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme B... et de M. A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. D... A..., à Me Bénichou et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC03000, 23NC03001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03000
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : BENICHOU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;23nc03000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award