Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 13 juillet 2023 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a, d'une part, ordonné leur transfert aux autorités allemandes et, d'autre part, les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2305338, 2305339 du 7 août 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, admis les demandeurs au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'autre part, annulé les arrêtés du 13 juillet 2023 portant assignation à résidence en tant seulement qu'ils imposent à M. D... et à Mme A... de se présenter ensemble et accompagnés de leurs enfants mineurs à l'unité territoriale de la police aux frontières de Mulhouse et, enfin, rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2023 sous le n° 23NC02872, M. D..., représenté par Me Hebrard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 août 2023 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 13 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile " procédure normale " ainsi qu'un formulaire OFPRA, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la légalité de la décision de transfert :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation, au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
S'agissant de la légalité de l'assignation à résidence :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de transfert ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt supérieur de l'un de ses enfants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, en l'absence de moyen d'appel ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 septembre 2023.
Par une lettre du 11 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert compte tenu de la caducité de cette décision à l'issue d'un délai de six mois suivant la notification d jugement du tribunal administratif à la préfète du Bas-Rhin.
Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2024, la préfète du Bas-Rhin soutient qu'il y a lieu de statuer sur la demande d'annulation de l'arrêté de transfert, dès lors que M. D... a été déclaré en fuite et que l'Allemagne est toujours responsable de sa demande d'asile.
Par une lettre du 8 novembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité partielle des conclusions tendant à l'annulation du jugement du 7 août 2023 en tant qu'il statue sur l'arrêté portant assignation à résidence, dès lors qu'il a partiellement fait droit à la demande d'annulation de cette décision.
II.) Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2023 sous le n° 23NC02873, Mme A..., représentée par Me Hebrard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 août 2023 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 13 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile " procédure normale " ainsi qu'un formulaire OFPRA, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros hors taxes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle développe les mêmes moyens et fait valoir les mêmes arguments que M. D... dans la requête n 23NC02872.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, en l'absence de moyen d'appel ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 septembre 2023.
Par une lettre du 11 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert compte tenu de la caducité de cette décision à l'issue d'un délai de six mois suivant la notification du jugement du tribunal administratif à la préfète du Bas-Rhin.
Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2024, la préfète du Bas-Rhin soutient qu'il y a lieu de statuer sur la demande d'annulation de l'arrêté de transfert, dès lors que Mme A... a été déclarée en fuite et que l'Allemagne est toujours responsable de sa demande d'asile.
Par une lettre du 8 novembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité partielle des conclusions tendant à l'annulation du jugement du 7 août 2023 en tant qu'il statue sur l'arrêté portant assignation à résidence, dès lors qu'il a partiellement fait droit à la demande d'annulation de cette décision.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme A..., ressortissants kosovars nés respectivement en 1988 et en 1989, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français le 26 mai 2023 en compagnie de leurs deux enfants mineurs. Ils ont sollicité l'asile et se sont vu remettre une attestation de demande d'asile " procédure Dublin ". Par des arrêtés du 13 juillet 2023, la préfète du Bas-Rhin a ordonné leur transfert aux autorités allemandes et les a assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 7 août 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a, après avoir admis M. D... et Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, annulé les arrêtés les assignant à résidence en tant qu'ils obligent les intéressés à se présenter ensemble et accompagnés de leurs enfants mineurs à l'unité territoriale de la police aux frontières de Mulhouse et rejeté le surplus de leurs demandes. Par leurs requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. D... et Mme A... doivent être regardés comme relevant appel des articles 2 et 3 du jugement du 7 août 2023 dont ils estiment qu'il a rejeté l'intégralité de leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation du jugement en tant qu'il a statué sur les arrêtés portant assignation à résidence :
2. Ainsi qu'il a été dit, le jugement attaqué du 7 août 2023 a partiellement fait droit aux demandes de M. D... et de Mme A... en annulant, parmi les modalités de contrôle des mesures d'assignation à résidence, l'obligation de pointage hebdomadaire en tant qu'elle leur imposait de se présenter ensemble et accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Par suite, les requérants ne sont pas recevables, dans cette mesure, à demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur la légalité des arrêtés de transfert :
3. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
4. Il ressort des pièces du dossier que les autorités allemandes, qui avaient délivré des visas à M. D... et à Mme A..., sont compétentes pour examiner leurs demandes d'asile en vertu des critères fixés par le règlement (UE) n° 604/2013. Si les requérants soutiennent redouter de se rendre en Allemagne, compte tenu de la forte communauté albanaise qui y vit, ils ne font état d'aucun élément permettant de considérer que les autorités allemandes ne pourraient pas les protéger, le cas échéant, contre les opposants au père de M. D..., dont ils craignent qu'ils ne les retrouvent dans cet Etat membre de l'Union européenne. Par ailleurs, les requérants n'allèguent pas que leur demande d'asile ne serait pas examinée par les autorités allemandes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Enfin, la seule circonstance que leur enfant aîné présente une régression du développement psychomoteur et que son état de santé rend ses déplacements compliqués ne suffit pas à justifier que les autorités françaises se déclarent responsables de l'examen de la demande d'asile de ses parents à la place des autorités allemandes. Par suite, M. D... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir qu'en décidant de ne pas faire usage de la faculté dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la préfète du Bas-Rhin aurait entaché les décisions en litige d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité des arrêtés portant assignation à résidence :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés ordonnant leur assignation à résidence seraient illégaux compte tenu de l'illégalité des arrêtés de transfert aux autorités allemandes.
6. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. D'une part, la circonstance que le fils aîné de M. D... et de Mme A... rencontre de grandes difficultés pour se déplacer ne fait pas obstacle à l'adoption d'arrêtés assignant ses parents à résidence. D'autre part, les requérants n'établissent pas que l'état de santé de leur fils entacherait d'autres modalités de leur assignation à résidence que celle qui a déjà été annulée d'erreur d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de leur enfant doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a, après avoir partiellement fait droit à leur demande d'annulation des modalités d'application de leur assignation à résidence, rejeté le surplus de leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 13 juillet 2023. Par suite, leurs requêtes tendant à l'annulation des arrêtés portant assignation à résidence doivent être rejetées en toutes leurs conclusions, y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme A... et de M. D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à M. B... D..., à Me Hebrard et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC02872, 23NC02873