Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.
Par un jugement n° 2001635 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2022 et le 6 mars 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Lamarre, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 juin 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 ;
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le service a considéré que les dépenses de travaux réalisée par la société Cethir constituaient un revenu foncier supplémentaire dès lors que l'exécution de ces travaux par le locataire n'était pas prévue dans le bail ; la clause de ce bail qui prévoit que tous travaux, embellissements et améliorations qui seraient effectués par le locataire ne donneront pas lieu en fin de bail à indemnité au profit du locataire est une clause usuelle qui permet au bailleur d'éviter de rembourser à son locataire des travaux que ce dernier aurait pu réaliser librement dans le bien loué ; par conséquent, cette clause, qui n'entraîne aucune obligation pour le locataire de réaliser des travaux d'amélioration, ne peut être considéré comme mettant à la charge de ce dernier des dépenses incombant normalement au propriétaire au sens de l'article 29 du code général des impôts ;
- sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ils se prévalent des dispositions du paragraphe 50 de la doctrine BOI-RFPI-BASE-10-20 reprenant la décision du conseil d'Etat n° 98227 du 23 novembre 1977, qui prévoient que le montant des travaux effectués par le locataire, en l'absence de toute obligation contractuelle, ne peut être retenu pour la détermination du revenu brut foncier du propriétaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 janvier et 18 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stenger,
- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
1. M. et Mme A... sont associés de la société civile immobilière (SCI) Almapi, société qui n'a pas opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés et dont les revenus locatifs sont par suite imposables entre les mains des associés, dans la catégorie des revenus fonciers. La SCI Almapi a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant notamment sur l'année 2015. A l'issue des opérations de contrôle, une proposition de rectification du 6 décembre 2018, établie selon la procédure de rectification contradictoire, a été adressée à la société Almapi. Afin de tirer les conséquences de ce contrôle sur les revenus déclarés par M. et Mme A... au titre de l'année 2015, le service les a informés, par une proposition de rectification du 6 décembre 2018, établie selon la procédure de rectification contradictoire, qu'il envisageait de mettre à leur charge des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la réintégration, dans le revenu imposable de la société Almapi, des dépenses relatives aux travaux de rénovation et d'aménagement réalisés par le locataire, la société Cethir. Ces rectifications, maintenues dans la réponse aux observations du contribuable du 25 mars 2019, ont été mises en recouvrement le 30 juin 2019 pour un montant, en droits et pénalités, de 29 025 euros. La réclamation préalable des requérants, présentée le 30 juillet 2019, a été rejetée par le service par une décision du 16 juillet 2020. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont (...) personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) / Il en est de même, (...) Des membres des sociétés civiles (...). ". Aux termes de l'article 29 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires (...) ". Lorsqu'un contrat de bail prévoit la remise gratuite au bailleur, en fin de bail, des aménagements ou constructions réalisés par le preneur, la valeur de cet avantage constitue, pour le bailleur, un complément de loyer imposable au titre de l'année au cours de laquelle le bail arrive à expiration ou fait l'objet, avant l'arrivée du terme, d'une résiliation.
3. La SCI Almapi, dont M. et Mme A... sont les associés, a consenti à la SARL Cethir, dont M. A... est le gérant, un bail commercial d'une durée de neuf ans portant sur un bien immobilier situé 2 rue Gambetta à Revin dans le département des Ardennes. Ce contrat de bail stipulait notamment que " Tous embellissements, améliorations et installations faits par le preneur dans les lieux loués resteront, à la fin du présent bail, la propriété du bailleur sans indemnité de sa part. ". La SARL Cethir a réalisé dans ces locaux des travaux d'aménagement pour un montant de 122 894,58 euros hors taxe consistant notamment en des études de faisabilité, la démolition de plafonds et la dépose de plancher bois, la vérification des installations électriques, la réhabilitation de la maçonnerie, l'alimentation électrique de l'étage, la dépose des menuiseries extérieures et l'éclairage du sous-sol. L'administration fiscale a considéré, en application de l'article 29 du code général des impôts, que l'augmentation de la valeur de l'immeuble consécutive à la réalisation de ces travaux a constitué un complément de loyer qu'elle a imposé entre les mains de M. et Mme A....
4. Il résulte de l'instruction que le bail commercial consenti le 14 juin 2010 par la SCI Almapi à la société Cethir, pour une durée initiale de neuf ans, prévoyait expressément, dans le 4° du paragraphe consacré aux conditions à la charge du locataire que ce dernier avait à sa charge exclusive les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité. Ce contrat stipulait également au 6° du même paragraphe que le bailleur, en fin de bail, conserverait sans indemnité " tous travaux, embellissements et améliorations " réalisés par la partie preneuse. Il est constant que ce bail a été résilié de façon anticipée le 15 février 2015. Dès lors, en application des stipulations précitées du bail commercial, les agencements, aménagements et transformations réalisés par la locataire, la société Cethir, au cours de l'exécution du bail, ont été transférés à la SCI Almapi qui les conserve, sans que les appelants puissent utilement soutenir que la clause précitée est une clause usuelle qui permet seulement au bailleur d'éviter de rembourser à son locataire des travaux que ce dernier aurait pu réaliser librement dans le bien loué. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la valeur comptable de ces travaux immobilisés dans la comptabilité de la société Cethir, pour un montant de 51 250 euros, était constitutif d'un avantage qui devait être regardé comme un complément de loyer imposable au titre de l'année 2015, entre les mains de M. et Mme A..., en leur qualité d'associés de la SCI Almapi, dans la catégorie des revenus fonciers.
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
5. Les requérants entendent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 50 de l'instruction administrative du 13 janvier 2014, référencée BOI-RFPI-BASE-10-20 aux termes duquel : " Pour que les dépenses payées par le locataire soient ajoutées aux recettes brutes, il convient que celui-ci soit tenu à leur paiement par une clause expresse du bail. / Le montant des travaux effectués par le locataire, en l'absence de toute obligation contractuelle, ne peut donc être retenu pour la détermination du revenu brut foncier du propriétaire (CE, arrêt du 23 novembre 1977, n° 98227) ". Toutefois, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de cette doctrine qui n'est pas applicable à leur situation particulière dès lors que, pour les raisons indiquées au point 4 du présent arrêt, leur situation est régie par le bail commercial conclu le 14 juin 2010 entre la SCI Amalpi, dont ils sont les associés et la société Cethir, et dont le dispositif conventionnel prévoit expressément la remise gratuite au bailleur des travaux et agencements réalisés par le locataire au terme de ce bail. Par suite, le moyen invoqué de ce chef ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande de décharge.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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22NC02052