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05/12/2024 | FRANCE | N°22NC01323

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 05 décembre 2024, 22NC01323


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Arcanes Minotaure Roland Spitz (AMRS) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2017, des droits de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2017 et des cotisations supplémentaires d

'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) Arcanes Minotaure Roland Spitz (AMRS) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2017, des droits de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2017 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 2005918 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, la SARL AMRS, représentée par Me Arséguet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2022 en tant qu'il a rejeté la demande de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée concernant l'acquisition de deux véhicules Renault Mégane ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a considéré que n'était pas déductible la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'acquisition de deux véhicules Renault Mégane au motif qu'il s'agissait de véhicules de tourisme dès lors qu'elle justifie que les travaux pour les transformer en véhicules utilitaires ont été réalisés par le garage Bader ;

- les certificats d'immatriculation modifiés, sollicités auprès de la préfecture du Haut-Rhin, lui ont été communiqués tardivement le 24 juin 2020, elle n'a par conséquent pas pu les présenter lors du contrôle mais les a produits lors de la phase contentieuse ;

- c'est à tort que les premiers juges, pour remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, ont considéré que les modifications intervenues sur les deux véhicules ne sont pas irréversibles dès lors que le caractère de la réversibilité n'est pas à prendre en compte pour apprécier la déductibilité de cette taxe ; si les aménagements nécessaires à la qualification de véhicule utilitaire étaient supprimés, la taxe sur la valeur ajoutée serait alors à régulariser en vertu des dispositions de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts ;

- elle se prévaut de la réponse ministérielle n° 58198 à M. A... du 6 avril 2010, publiée au journal officiel le 6 avril 2010, dans laquelle a été reconnue la déductibilité de taxe sur la valeur ajoutée portant sur les véhicules dits " dérivés VP " qui ne comportent que deux places.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et économique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL AMRS ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stenger,

- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. La SARL AMRS, dont le gérant est M. C... B..., exerce une activité d'architecte, d'urbaniste et de maître d'œuvre. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, étendue au 30 septembre 2017 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par deux propositions de rectification du 20 décembre 2017, établies selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration a informé la société requérante qu'elle envisageait, notamment, de remettre en cause la déduction de la taxe ayant grevé le prix d'achat, en 2014 et 2015, de deux véhicules Renault Mégane. Ces impositions ont été maintenues par deux réponses aux observations du contribuable des 9 avril et 24 septembre 2018. La réclamation préalable présentée par la société requérante a été rejetée par une décision du 22 juillet 2020. La SARL AMRS relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant seulement qu'il a rejeté la demande de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à l'acquisition des deux véhicules précités.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". L'article 206 de l'annexe II du même code prévoit : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) IV.-1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : a. Destinés à être revendus à l'état neuf ; / b. Donnés en location ; / c. Comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et utilisés par des entreprises pour amener leur personnel sur les lieux du travail ; / d. Affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite ; / e. De type tout terrain affectés exclusivement à l'exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables, dès lors qu'ils ont été certifiés par le service technique des remontées mécaniques et des transports guidés, dans des conditions fixées par décret ; / f. Acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports (...) ".

3. Pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte au sens de ces dispositions, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné.

4. Il est constant que le véhicule Renault Mégane coupé immatriculé DM-793-MB acquis par la SARL AMRS, le 3 décembre 2014, et le véhicule Renault Mégane coupé immatriculé DM-247- MB, acquis par la société le 31 décembre 2015, étaient lors de leur acquisition des véhicules de tourisme. A cet égard, il résulte de l'instruction que lors du contrôle fiscal, ces deux véhicules Renault Mégane étaient encore immatriculés dans la catégorie véhicules particuliers (VP). Ces véhicules ont donc été conçus pour le transport des personnes au sens des dispositions précitées du 6° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. Dans ces conditions, compte tenu des caractéristiques des deux véhicules en litige lors de leur acquisition, et alors qu'en tout état de cause, la SARL AMRS ne démontre pas que les travaux de transformation qu'elle a fait réaliser sur les véhicules en litige ne sont pas irréversibles, c'est à bon droit que l'administration lui a refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé leur achat au cours des années 2014 et 2015. Les circonstances d'une part, que ces véhicules aient été transformés en véhicules utilitaires postérieurement à leur acquisition et d'autre part, que les certificats d'immatriculation obtenus des services de la préfecture du Haut-Rhin, le 24 juin 2020, pour tenir compte de ce nouvel usage, les désignent dans la catégorie des " Dériv VP " (dérivé véhicule particulier), et non pas, comme le soutient la société requérante dans la catégorie " VU " (véhicule utilitaire), sont sans incidence dans le présent litige.

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi :

5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

6. La SARL AMRS demande, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la réponse ministérielle n° 58198 adressée à M. A..., député, publiée au journal officiel de l'Assemblée nationale le 6 avril 2010 (p. 3957), prévoyant que les véhicules dits " dérivés VP " (véhicule particulier), qui ne comportent que deux places, ne sont pas concernés par les dispositions précitées de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts excluant le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée relative à certains véhicules. Cette réponse a été reprise notamment au paragraphe 20 de la doctrine référencée BOI-TVA-DED-30-30-20, dans sa version publiée le 18 novembre 2013 applicable au litige, qui indique que " le dispositif d'exclusion du droit à déduction ne s'applique pas non plus aux véhicules dits " dérivés VP " qui ne comportent que deux places, également commercialisés sous les appellations " société ", " affaire " ou " entreprise ".

7. Il résulte de l'instruction que les deux véhicules Renault Megane n'étaient pas configurés, lors de leur acquisition, comme des véhicules de deux places, destinés à un usage professionnel, et n'avaient pas été commercialisés sous les appellations précédemment énoncées. Dès lors, la SARL AMRS, qui, en tout état de cause, ne démontre pas que les transformations effectuées postérieurement à leur achat ne sont pas irréversibles, ne saurait se prévaloir de la doctrine invoquée dans les prévisions desquelles sa situation n'entre pas, compte tenu des caractéristiques des véhicules en litige. Le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL AMRS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Arcanes Minotaure Roland Spitz est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Arcanes Minotaure Roland Spitz et au ministre du budget et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : L. StengerLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

22NC01323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01323
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : ARSÉGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;22nc01323 ?
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