Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire durant un an, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans cette attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire durant un an, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans cette attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2300843, 2300844 du 20 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC02248 le 12 juillet 2023 M. B... représenté par Me Berry demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans cette attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit faute pour le préfet d'avoir tenu compte de sa situation d'apatridie en ne se fondant que sur le rejet de demande d'asile ; le préfet s'est à tort cru en situation de compétence liée par le rejet de sa demande d'asile ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur de droit en l'absence d'examen particulier de sa situation ; elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il n'est pas de nationalité arménienne ; le jugement du tribunal administratif est entaché d'erreur de droit dès lors que sa demande d'apatridie était encore en cours d'instruction à la date du jugement ; la décision fixant le pays de renvoi est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 aout 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 23NC02249 le 12 juillet 2023 Mme C... représentée par Me Berry demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours avec une astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans cette attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit faute pour le préfet d'avoir tenu compte de la situation d'apatridie de son époux en ne se fondant que sur le rejet de demande d'asile ; le préfet s'est à tort cru en situation de compétence liée par le rejet de sa demande d'asile ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur de droit en l'absence d'examen particulier de sa situation ; elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ; elle est entachée d'erreur de fait dès lors que son époux n'est pas de nationalité arménienne ; le jugement du tribunal administratif est entaché d'erreur de droit dès lors que sa demande d'apatridie était encore en cours d'instruction à la date du jugement ; la décision fixant le pays de renvoi est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 aout 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme C... sont entrés en France le 8 novembre 2021 pour présenter une demande d'asile, instruite selon la procédure accélérée et rejetée par l'OFPRA par une décision du 31 mai 2022 notifiée le 18 juillet 2022. Par deux arrêtés du 16 janvier 2023, le préfet du Haut-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... et Mme C... relèvent appel du jugement du 20 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. B... et Mme C..., résidant et de nationalité arménienne, a été instruite selon la procédure prioritaire et a fait l'objet d'un rejet par deux décisions de l'OFPRA du 31 mai 2022. Par suite, le préfet du Haut-Rhin, dont il ressort des termes mêmes des décisions contestées qu'il a procédé à un examen particulier de la situation personnelle des requérants sans se croire à tort en situation de compétence liée, pouvait prendre à leur encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A supposer même que M. B... ne soit pas de nationalité arménienne comme il le soutient, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision interdisant le retour sur le territoire français à M. B... et Mme C... devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
6. M. B... et Mme C... sont entrés en France le 8 novembre 2021 pour présenter une demande d'asile dont ils ont été déboutés par une décision de l'OFPRA du 31 mai 2022. Eu égard à la durée de leur séjour en France, le préfet du Haut-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en leur interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, alors même qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne présentent aucune menace pour l'ordre public. A cet égard, la circonstance que M. B... ne serait pas de nationalité arménienne est sans incidence.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel M. B... et Mme C... sont susceptible d'être éloignés d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté
8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent M. B... et Mme C... les décisions fixant le pays de renvoi mentionnent que leur vie n'est pas menacée en cas de retour dans leur pays d'origine, le préfet du Haut-Rhin ayant procédé à un examen particulier de leur situation personnelle, alors même qu'il ne mentionne pas la nationalité des requérants. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation et de l'erreur de droit dont les décisions seraient entachées doit être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si Mme C... fait valoir que la décision la renvoyant en Arménie porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au motif que son époux ne peut être renvoyé en Arménie, pays dont il est soutenu qu'il n'aurait pas la nationalité, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il s'exprime en langue arménienne, qu'il a un certificat de résidence en Arménie, Etat qui lui a délivré un certificat d'apatridie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
12. M. B... et Mme C... qui, au demeurant, se sont vu refuser une protection internationale par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, n'apportent aucun élément probant de nature à établir qu'ils encourraient des risques personnels en cas de retour en Arménie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4, alinéa 5, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur requête.
14. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. B... et de Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A.... B..., à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
E. Delors
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N°23NC02248-23NC02249