Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 février 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée.
Par un jugement n° 2301253 du 4 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juillet 2023 et le 7 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Chebbale demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 4 avril 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 février 2023 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 400 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité guinéenne, née le 3 février 2000, est entrée en France le 29 juillet 2021 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été en dernier lieu rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 4 mars 2022. Par un arrêté du 7 février 2023, la préfète du Bas-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée. Mme B... relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 7 février 2023.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision en litige après avoir notamment visé les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte les éléments de fait au fondement de la mesure d'éloignement et est, ainsi, suffisamment motivée. Si la requérante soutient que la décision fait état par erreur de l'enfant Mamadou alors qu'il s'agit de l'enfant D..., cette erreur n'entache pas la décision d'un défaut de motivation et, en tout état de cause, n'a pas eu d'incidence quant à sa légalité.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... réside en France avec son fils D..., né le 25 novembre 2021 sur le territoire français, depuis moins de deux ans à la date de la décision contestée. Par ailleurs, la demande d'asile présentée pour cet enfant a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 5 juillet 2024. Dans ces conditions, à la date de la décision contestée, et alors que Mme B... n'est pas dépourvue de toute attache dans pays d'origine, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. La décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de son enfant D.... Par ailleurs, si la requérante fait état d'un risque d'enlèvement de cet enfant en cas de retour en Guinée, elle ne l'établit par aucun élément suffisamment précis et circonstancié. Par suite, à la date de la décision en litige, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
7. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 et 6 ci-dessus, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de Mme B... doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. Mme B... soutient qu'elle sera exposée à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Guinée et que son enfant D... encourt le risque d'être enlevé par sa famille. Cependant, la requérante ne justifie pas du caractère personnel, réel et actuel des risques allégués. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Toutefois, à la date du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a eu un second enfant, C... E..., née le 15 décembre 2023, de nationalité guinéenne, qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 mai 2024. Cette circonstance est de nature à faire obstacle à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français de Mme B... à destination du pays dont elle a la nationalité.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I DE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Chebbale et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Peton, première conseillère,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
E. Delors
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N° 23NC02196