Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 22 juin 2021 par laquelle le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a rejeté sa candidature en première année de master mention " management sectoriel " parcours " management des organisations du secteur sanitaire et social ", ainsi que la décision du 1er juillet suivant de cette même autorité rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2101519 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions des 22 juin et 1er juillet 2021 du président de l'université de Reims Champagne-Ardenne et a enjoint à l'université de permettre à Mme B... de présenter un nouveau dossier de candidature et de réexaminer sa candidature.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 novembre 2021, l'université de Reims Champagne-Ardenne, représentée par la SELARL D4 Avocats Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 novembre 2021 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le refus de procéder à une substitution de motifs ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le président se serait estimé lié par l'avis de la commission ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en refusant de faire droit à la demande de substitution de motifs de l'université ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que l'université devait préalablement définir des critères de sélection des candidats ;
- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il n'est pas établi que Mme B... ne peut être admise dans le master 1 ;
- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs dès lors que l'injonction prononcée n'est pas la conséquence de l'annulation prononcée.
La requête a été communiquée à Mme B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le règlement des études pour l'année 2021/2022 de l'université de Reims Champagne-Ardenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bajn, pour l'université de Reims Champagne-Ardenne.
Considérant ce qui suit :
1. Au titre de l'année universitaire 2020/2021, Mme B... a obtenu, au sein de l'université de Reims Champagne-Ardenne (URCA), une licence en sciences sanitaires et sociales mention " sociologie ". Pour l'année universitaire suivante, elle a demandé son inscription en première année de master mention " management sectoriel " parcours " management des organisations du secteur sanitaire et social ". Par une décision du 22 juin 2021, le président de l'université a refusé de faire droit à sa demande et a rejeté le recours gracieux formée par Mme B... par une décision du 1er juillet 2021.
2. Par un jugement du 4 novembre 2021, dont l'université de Reims Champagne-Ardenne relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le recours de Mme B..., a annulé les décisions des 22 juin et 1er juillet 2021 du président de l'université et a enjoint à l'université de permettre à Mme B... de présenter un nouveau dossier de candidature et de réexaminer sa candidature dans un délai d'un mois.
Sur les moyens d'annulation retenu par le tribunal :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'éducation, dans sa version applicable au litige : " Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle ainsi qu'à ceux qui peuvent bénéficier de l'article L. 613-5 ou des dérogations prévues par les textes réglementaires. / Les établissements peuvent fixer des capacités d'accueil pour l'accès à la première année du deuxième cycle. L'admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat ". Aux termes du IV de l'article L. 712-3 du même code : " Le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement. A ce titre : / (...) 8° Il délibère sur toutes les questions que lui soumet le président, au vu notamment des avis et vœux émis par le conseil académique, et approuve les décisions de ce dernier en application du V de l'article L. 712-6-1 (...) ". Selon l'article D. 612-36-2 de ce code : " Les établissements autorisés par l'Etat à délivrer le diplôme national de master peuvent organiser un processus de recrutement conformément aux dispositions de l'article L. 612-6. Les refus d'admission sont notifiés. Les motifs pour lesquels l'admission est refusée sont communiqués aux candidats qui en font la demande dans le mois qui suit la notification de ce refus ".
4. D'une part, aux termes de l'article L. 712-1 du code de l'éducation : " Le président de l'université par ses décisions, le conseil d'administration par ses délibérations et le conseil académique, par ses délibérations et avis, assurent l'administration de l'université ". Aux termes de l'article L. 712-2 du même code : " Le président assure la direction de l'université. A ce titre : (...) / 5° Il nomme les différents jurys, sauf si une délibération du conseil d'administration prévoit que les compétences relatives aux jurys d'examen sont exercées par les directeurs des composantes de l'université (...) / 8° Il exerce, au nom de l'université, les compétences de gestion et d'administration qui ne sont pas attribuées à une autre autorité par la loi ou le règlement (...) ".
5. Aux termes du point 1.1.3 du règlement des études de l'université de Reims Champagne-Ardenne pour l'année universitaire 2021/2022 : " (...) Afin de pouvoir entrer en Master 1, les étudiants doivent justifier de l'obtention d'un diplôme de niveau bac + 3 ou équivalent. A l'URCA, l'admission en M1 est conditionnée à l'examen du dossier du candidat. L'examen et le classement des dossiers est réalisé par une commission de la mention de Master concernée, arrêtée par le président de l'université. / L'inscription administrative et l'inscription pédagogique ne seront réalisables qu'après avoir obtenu une autorisation d'inscription signée du président de l'université, et sous réserve d'avoir respecté la totalité de la procédure d'admission ".
6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que la décision d'admission en première année de master relève de la compétence du président de l'université, que celui-ci exerce après examen et classement des candidatures par une commission.
7. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser l'inscription de Mme B... en première année de master mention " management sectoriel " parcours " management des organisations du secteur sanitaire et social ", le président de l'université s'est référé à l'avis défavorable émis par la commission de ce master qui a estimé que le dossier de Mme B... était d'une qualité insuffisante pour entrer dans la formation. Il ne saurait être déduit de la référence à l'avis de la commission que le président de l'université n'a pas exercé sa compétence et qu'il s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour refuser l'inscription de Mme B... dans ce master.
8. En second lieu, par les dispositions précitées deux premiers alinéas de l'article L. 612-6 du code de l'éducation, le législateur a entendu, lorsque les établissements fixent une capacité d'accueil pour l'accès à la première année de master et décident que l'admission des candidats en première année est subordonnée soit au succès à un concours, soit à l'examen de leur dossier, que les seuls critères applicables soient ceux tenant aux mérites des candidats. Par suite, ces dispositions font obstacle à ce que les établissements d'enseignement supérieur arrêtent d'autres critères pour l'admission dans leurs formations du deuxième cycle. En outre, elles ne leur imposent pas de préciser les éléments d'appréciation selon lesquels les mérites des candidats sont examinés en vue de leur admission dans une formation du deuxième cycle dont la capacité d'accueil est limitée. Il leur est toutefois loisible d'y procéder.
9. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération n° 56-2020 du 1er décembre 2020 portant approbation des capacités d'accueil en master au titre de l'année universitaire 2021-2022, le conseil d'administration de l'université de Reims Champagne-Ardenne a limité les capacités d'accueil du master mention " management sectoriel " parcours " management des organisations du secteur sanitaire et social " à quinze places et que le point 1.1.3 du règlement des études de l'université de Reims Champagne-Ardenne pour l'année 2021/2022 a subordonné l'admission en première année de ce master à l'examen du dossier des candidats. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'éducation n'imposent pas au conseil d'administration de préciser les éléments d'appréciation selon lesquels les mérites des candidats sont examinées. Par suite, l'université n'a pas méconnu ces dispositions du code de l'éducation.
10. Il résulte de ce qui précède que l'université de Reims Champagne-Ardenne est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les décisions des 22 juin et 1er juillet 2021 du président de l'université de Reims Champagne-Ardenne, le tribunal a retenu les moyens d'erreur de droit tirés de ce que le président de l'université s'est estimé à tort lié par l'avis émis par la commission du master 1 mention " management sectoriel " parcours " management des organisations du secteur sanitaire et social " et de l'absence de définition préalable des critères de sélection.
11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... à l'appui de sa demande d'annulation.
Sur les autres moyens :
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. / Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de ses dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ". En l'absence de dispositions prescrivant une formalité de publicité déterminée, les délibérations ayant un caractère réglementaire d'un établissement public sont opposables aux tiers à compter de la date de leur publication au bulletin officiel de cet établissement ou de celle de leur mise en ligne, dans des conditions garantissant sa fiabilité, sur le site internet de cette personne publique. Toutefois, compte tenu de l'objet des délibérations et des personnes qu'elles peuvent concerner, d'autres modalités sont susceptibles d'assurer une publicité suffisante.
13. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que la délibération n° 56-2020 du conseil d'administration de l'université Reims Champagne-Ardenne du 1er décembre 2020, portant approbation des capacités d'accueil en master au titre de l'année universitaire 2021-2022, a été publiée le 7 décembre 2020 au recueil des actes administratifs de l'année 2020, et était directement accessible à partir de la page " Présentation " du site internet de l'université. Dans ces conditions, alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les conditions de leur mise en ligne sur le site internet de l'université n'étaient pas de nature à garantir la fiabilité de la publication, la délibération, eu égard à l'ampleur et aux modalités de sa diffusion, doit être regardée comme aisément consultable par les personnes intéressées. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les capacités d'accueil en master ne lui étaient pas opposables en l'absence de publicité de la délibération du 1er décembre 2020.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'éducation : " (...) / Les capacités d'accueil fixées par les établissements font l'objet d'un dialogue avec l'Etat ".
15. Mme B... soutient que la délibération du 1er décembre 2020 a été prise alors que le dialogue avec l'Etat se poursuivait. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue de ce dialogue, les capacités d'accueil fixé par la délibération n'ont pas été modifiées, notamment pour la spécialité de la première année de master à laquelle Mme B... a candidaté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'éducation doit être écarté.
16. En troisième lieu, si Mme B... soutient que les capacités d'accueil n'ont pas été fixées sur la base de critères objectifs et rationels, elle n'assortit pas son moyen de précision suffisante pour permettre à la juridiction de se prononcer sur son bien-fondé.
17. En quatrième lieu, Mme B... soutient que le refus d'admission au master qui lui a été opposé, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la qualité de ses résultats, de son assiduité, des stages qu'elle a effectués dans le domaine médico-social et de son expérience professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a obtenu une licence science sanitaires et sociales, a suivi un cursus principalement axé sur la sociologie alors que le master 1 auquel elle a sollicité son inscription se caractérise par un programme principalement axé et spécialisé en management et gestion des organisations. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que deux cent soixante-treize candidatures pour ce master 1 ont été déposées alors que la capacité d'accueil était limitée à quinze. Par suite, eu égard en particulier à l'adéquation du profil de l'intéressée et à la sélectivité à l'entrée dans la formation, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le président de l'université a refusé d'inscrire Mme B... en première année de master mention " management sectoriel " parcours " management des organisations du secteur sanitaire et social ".
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que l'université de Reims Champagne-Ardenne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions des 22 juin et 1er juillet 2021 du président de l'université de Reims Champagne-Ardenne et a enjoint à l'université de permettre à Mme B... de présenter un nouveau dossier de candidature et de réexaminer sa candidature.
Sur les frais liés à l'instance :
19. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'université de Reims Champagne-Ardenne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2101519 du 4 novembre 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'université de Reims Champagne-Ardenne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'université de Reims Champagne-Ardenne et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
E. Delors
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N° 21NC02978