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26/11/2024 | FRANCE | N°24NC00293

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 26 novembre 2024, 24NC00293


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2309006 du 16 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif

de Strasbourg, après l'avoir admis à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté sa demande.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2309006 du 16 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après l'avoir admis à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2024, M. B..., représenté par Me Da Costa-Daul, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 2309006 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 16 janvier 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 16 décembre 2023 de la préfète du Bas-Rhin portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 3° et du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que son comportement ne constituait pas une menace à l'ordre public lorsque la préfète a pris sa décision litigieuse ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- la décision attaquée est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'au moment où a été rendue la décision litigieuse son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne s'est soustrait à aucune mesure d'éloignement antérieure et justifie d'une domiciliation stable ainsi que des garanties de représentation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision attaquée est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision attaquée est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né en 1985, est entré en France sous couvert d'un visa de long séjour et a bénéficié le 13 octobre 2010 d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français jusqu'au 13 décembre 2013. Le 16 avril 2015, l'intéressé a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français au motif que la communauté de vie avait cessé dès 2012 et qu'un divorce avait été prononcé le 15 octobre 2013. Par un arrêté du 16 décembre 2016, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour et a décidé sa remise aux autorités espagnoles. Par un arrêté du 21 mai 2019, la préfète du Bas-Rhin a de nouveau refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Il a sollicité de nouveau un titre de séjour le 11 octobre 2021 et par une décision du 7 juillet 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un arrêté du 16 décembre 2023, elle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement n° 2309006 du 16 janvier 2024 du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 16 décembre 2023.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...); (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ".

3. D'une part, M. B..., qui s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour le 7 juillet 2023, se trouvait dans le champ d'application du 3° de l'article L. 611-1 précité autorisant l'autorité préfectorale à édicter à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet, entre avril 2015 et janvier 2022, de six condamnations, notamment pour des faits de violences conjugales, de menaces de mort ainsi que de mise en danger de la vie d'autrui par la conduite d'un véhicule en état alcoolique ou sous l'emprise de stupéfiants, lui ayant valu plusieurs peines d'emprisonnement, dont la dernière a été exécutée à domicile sous surveillance électronique du 16 juin au 17 décembre 2023. Eu égard à la nature et à la gravité des faits qui ont justifié ces condamnations, ainsi qu'à leur caractère répété, et quand bien même le requérant n'aurait plus commis d'infraction depuis deux ans, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° et du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...).2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si M. B... se prévaut de la présence de sa fille, âgée de huit ans, sur le territoire français, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que son comportement constitue une menace à l'ordre public. Par suite, la préfète, en prononçant une mesure d'éloignement, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

8. Si M. B... fait valoir qu'il entretient des liens étroits avec sa fille résidant en France, née le 30 juillet 2015 et issue de sa relation avec une ressortissante Tchèque, il est constant que celui-ci a fait l'objet de plusieurs peines d'emprisonnement, lesquelles ne l'ont donc pas empêché d'entretenir des liens avec sa fille. Dans ces conditions et alors qu'il dispose d'un droit de séjour sur le territoire espagnol jusqu'en 2027, la décision litigieuse, dans les circonstances de l'espèce, n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

12. La décision portant refus de départ volontaire a été prise sur le fondement des dispositions précitées. Ainsi qu'il a été dit au point 4, le comportement de M. B..., condamné à six reprises entre avril 2015 et janvier 2022, pour avoir commis des faits d'une gravité certaine lui ayant valu plusieurs incarcérations, est de nature à constituer une menace pour l'ordre public. Aussi, quand bien même le requérant a justifié disposer d'une résidence effective sur le territoire français, le seul motif de la menace à l'ordre public suffisait à fonder le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées doit être écarté.

13. En troisième lieu, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision contestée, qui n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

15. Comme cela a déjà été précisé ci-dessus, le requérant est père d'une fille née en France le 30 juillet 2015. Il ressort des pièces du dossier dont les justificatifs de prise en charge des frais de cantine et du centre socio-culturel ainsi que de nombreuses attestations et photographies que le requérant participe à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Au surplus, il produit la copie de la requête portée devant le juge aux affaires familiales en vue de contraindre la mère de sa fille à lui délivrer son relevé d'identité bancaire afin qu'il puisse participer, autrement qu'en espèces, à l'éducation de sa fille. Dans ces conditions, au regard des effets de l'interdiction de retour sur sa relation avec sa fille, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an a été prise, dans les circonstances particulières de l'espèce, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant citées au point 7 du présent arrêt et doit, par conséquence, être annulée.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Le motif d'annulation n'implique aucune mesure d'injonction. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent également être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2309006 du 16 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision pourtant interdiction de retour sur le territoire français d'un an prise à l'encontre de M. B....

Article 2 : La décision du16 décembre 2023 portant interdiction de retour sur le territoire français d'un an prise par la préfète du Bas-Rhin à l'encontre de M. B... est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 24NC00293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00293
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : DA COSTA-DAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;24nc00293 ?
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