Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A..., alias Mme D... B..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2304641 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg, après l'avoir admis à l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2023, Mme C... A..., alias Mme D... B..., représentée par Me Kling, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2023 du préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros TTC au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle réside habituellement en France depuis plus de 10 ans ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... alias Mme B... n'est fondé.
Mme A... alias Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante arménienne née en 1968, déclare être entrée en France une première fois le 26 octobre 2009 sous l'identité de Mme D... B.... Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu le 19 novembre 2010. Par un arrêté du 7 février 2011, le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français. Mme A..., partie en Russie, est revenue en France le 10 juillet 2012. Sa nouvelle demande d'asile a été rejetée le 10 janvier 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 22 septembre 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 31 janvier 2014, le préfet du Haut-Rhin a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Par un jugement du 17 septembre 2014, confirmé en appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours exercé par l'intéressée contre cet arrêté. Le 21 juillet 2022, Mme A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 juin 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement n° 2304641 du 27 septembre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance, complétées en appel, et notamment des très nombreux documents médicaux produits entre 2012 et 2023 que Mme A... a bénéficié d'un suivi médical très régulier par différents praticiens et a bénéficié de nombreux examens en laboratoire. Plusieurs attestations de différentes associations démontrent qu'elles aident la requérante depuis 2012. Par ailleurs, cette dernière a bénéficié sans discontinuité de l'aide médicale d'Etat du 23 octobre 2012 au 13 janvier 2021 selon l'attestation de la caisse primaire d'assurance maladie du 8 septembre 2020. Ces documents corroborés par les factures et les déclarations d'impôts produites révèlent que la requérante réside habituellement sur le territoire français depuis 2012, soit depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Il s'ensuit que l'intéressée est fondée à soutenir qu'en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Haut-Rhin a entaché la décision de refus de titre de séjour du 13 juin 2023 d'un vice de procédure, qui a été de nature à priver Mme A... d'une garantie.
4. Par suite, la décision portant refus de titre de séjour du 13 juin 2023, ainsi que, par voie de conséquence, celles prises le même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 13 juin 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".
7. Eu égard au motif d'annulation retenu et dès lors qu'aucun autre moyen susceptible d'être accueilli n'est de nature à exercer une influence sur le sens de l'injonction, le présent arrêt implique seulement d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A..., après avoir saisi la commission du titre de séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocate de l'intéressée renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Kling, avocate de Mme A..., de la somme de 1000 euros TTC.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2304641 du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2023 et l'arrêté du 13 juin 2023 du préfet du Haut-Rhin sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de procéder, après saisine de la commission du titre de séjour, au réexamen de la demande de Mme A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Kling, conseil de Mme A... une somme de 1 000 euros TTC en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Kling.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 23NC03667