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26/11/2024 | FRANCE | N°23NC02942

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 26 novembre 2024, 23NC02942


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2300927 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 septembre 2023 et le 23...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2300927 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 septembre 2023 et le 23 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Lebon-Mamoudy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et subsidiairement de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour a été rendue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège de médecins de l'OFII ne comporte pas une signature lisible, que l'avis ne mentionne pas la durée des soins et qu'il n'est pas établi que le médecin qui a établi le rapport confidentiel n'a pas siégé au sein de ce collège ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant géorgien, né en 1961, est entré en France irrégulièrement, selon ses déclarations, en 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 novembre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 juillet 2019. Le 4 février 2022, l'intéressé a sollicité un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 3 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement n° 2300927 du 15 juin 2023, dont M. A... fait appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".

3. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". L'article 6 de cet arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. Tout d'abord, il résulte des mentions de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 11 janvier 2023 qu'il a été signé par les docteurs Mbomeyo, Laouabdia-Sellami et Mauze. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature par les trois membres de ce collège manque en fait et doit être écarté.

5. Il ressort ensuite des pièces du dossier, notamment de l'avis du 11 janvier 2023 précité, que le médecin, rédacteur du rapport médical confidentiel, n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'OFII.

6. Enfin, si le collège de médecins de l'OFII a omis de renseigner la rubrique relative à la durée des soins que nécessite l'état de santé du requérant, cette circonstance n'a pas été, en l'espèce, de nature à priver celui-ci d'une garantie dès lors que le collège a retenu que M. A... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Elle n'a pas été davantage, pour ce même motif, de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet de Meurthe-et-Moselle.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

8. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

9. M. A... fait valoir qu'il souffre d'une insuffisance rénale chronique terminale, qui nécessite un suivi régulier, un traitement médicamenteux et trois séances d'hémodialyse par semaine. Il ajoute qu'il doit subir une greffe rénale qui ne peut être pratiquée en Géorgie. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 11 janvier 2023, le collège de médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'en outre, il peut voyager sans risque. Les pièces produites par M. A..., notamment les certificats médicaux des 2 et 23 août 2019 et du 24 août 2022, ne sont pas de nature à remettre en cause la possibilité pour lui de poursuivre son traitement et ses dialyses en Géorgie. Au contraire, il ressort même des documents médicaux, et notamment de la fiche du centre de dialyses de Vandoeuvre, que l'intéressé a bénéficié, dans ce pays, d'hémodialyses à compter de l'année 2017. Si le requérant fait valoir qu'il doit bénéficier d'une greffe rénale, qui ne pourrait pas être réalisée en raison, selon une attestation du ministère de la santé et de la protection sociale de la République autonome d'Adjarie, qui fait partie de la République de Géorgie, de l'interdiction de la transplantation rénale cadavérique, il ressort seulement des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux du 22 novembre 2022 et du 2 août 2023, que l'intéressé est inscrit sur une liste d'attente pour une greffe. Il n'est aucunement établi qu'une telle greffe serait indispensable, même si elle améliorerait son confort de vie, ni même urgente. Le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) du 30 juin 2020 qui se borne à mentionner le caractère incomplet de la couverture des soins en Géorgie ne permet pas davantage de remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII sur l'accès effectif par l'intéressé à un traitement dans ce pays alors que, comme il vient d'être indiqué, il y a déjà bénéficié d'hémodialyses avant son entrée en France et que, de surcroît, il ne fournit aucune indication sur sa situation financière. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour pour raison de santé.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Si M. A... fait valoir qu'il est présent sur le territoire français depuis près de cinq ans, il ne démontre pas y avoir tissé des liens intenses et stables. Par ailleurs, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-sept ans et où résident encore des membres de sa famille, dont ses deux enfants. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au regard des buts qu'elle poursuit une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie de l'arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Barteaux

La présidente,

Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

N° 23NC02942 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02942
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : LEBON-MAMOUDY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;23nc02942 ?
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