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26/11/2024 | FRANCE | N°22NC00823

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 26 novembre 2024, 22NC00823


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 2 avril 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a prononcé la suspension immédiate, à titre conservatoire, de son agrément de contrôleur technique rattaché au centre de contrôle technique d'Ostwald pour une durée maximale de deux mois.

Par un jugement n° 1903424 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.





Procéd

ure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 31 mars 2022, M. A..., représenté par Me Marg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 2 avril 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a prononcé la suspension immédiate, à titre conservatoire, de son agrément de contrôleur technique rattaché au centre de contrôle technique d'Ostwald pour une durée maximale de deux mois.

Par un jugement n° 1903424 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2022, M. A..., représenté par Me Marger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1903424 du 1er février 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision du 2 avril 2019 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a prononcé la suspension immédiate, à titre conservatoire, de son agrément de contrôleur technique rattaché au centre de contrôle technique d'Ostwald pour une durée maximale de deux mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros pour la procédure de première instance et la somme de 3 000 euros pour la procédure d'appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement doit être réformé car le tribunal administratif a mentionné à tort que 50 rapports rédigés par lui, entre mai 2018 et octobre 2018, présentaient des atypies alors qu'en fait ce ne sont que 17 rapports, comme cela ressort d'ailleurs des écritures de l'administration ;

- le préfet a excédé ses pouvoirs en mettant en œuvre la procédure du IV de l'article R. 323-8 du code de la route, qui doit rester exceptionnelle, alors que l'urgence faisait défaut ; il a ainsi été privé d'une procédure contradictoire et la décision litigieuse repose sur un détournement de procédure ;

- les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement du Grand Est (DREAL) ont mené la procédure de façon déloyale ; il n'existe aucun sondage, ni échantillonnage et aucun des rapports de visite n'a été examiné " in situ " ;

- les manquements qui lui sont reprochés ne sont pas établis et/ ou ne lui sont pas imputables :

. ils sont liés au changement de la réglementation applicable à compter du 20 mai 2018 ainsi qu'aux dysfonctionnements informatiques et aux problèmes de mise à jour affectant les logiciels équipant les terminaux de saisie portable ;

. les retards pris dans la mise en œuvre de cette réforme ont interdit aux organismes de formation de jouer leur rôle et les réseaux n'ont pas pu diffuser les informations indispensables ;

. il n'est nullement établi qu'il aurait omis de contrôler les émissions polluantes ;

. l'absence, au demeurant non établie, des mesures relatives à l'orientation des feux de croisement dans les procès-verbaux sur des véhicules déclarés conformes, n'est pas de nature à justifier cette mesure exorbitante de droit commun ;

. si certains véhicules ont été déclarés conformes à l'issue de la contre-visite sans qu'aucun contrôle de la symétrie de la suspension n'ait été effectué, ce manquement trouve sa cause dans la mise en place de la nouvelle réglementation et de la mise à jour tardive des logiciels équipant les terminaux de saisie portable ; de plus, il n'a jamais été démontré que cette absence de mesure avait une incidence sur la sécurité des usagers de la route ;

. à une seule reprise, il n'a pas réalisé le contrôle de la direction (ripage ou dérive d'un véhicule), lequel est au demeurant un défaut mineur ayant aucune incidence sur la sécurité routière ;

. l'absence de transmission des valeurs des feux ne procède pas d'une volonté frauduleuse mais d'un problème de transmission des données sur lequel le contrôleur n'a aucune prise ;

- aucun des manquements invoqués ne présentent un caractère de gravité :

. l'administration ne rapporte pas la preuve que ses seuls 17 manquements, sur les 2 000 rapports, étaient de nature à avoir une incidence grave et immédiate sur la sécurité des usagers sur le domaine public routier ou sur les normes environnementales et justifiaient ainsi la mise en œuvre d'une telle procédure conservatoire ;

. aucune des visites de supervision, ni aucun des renouvellements des contrôles techniques effectués en présence des agents de la DREAL n'a révélé des manquements graves à la règlementation applicable.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens ne sont pas fondés.

- contrairement aux affirmations du requérant, une sanction a été prise à son encontre le 13 juin 2019 et son agrément a été suspendu pour une période complémentaire allant du 17 juin au 18 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la route ;

- l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est titulaire d'un agrément n° 067D1019 de contrôleur technique délivré le 19 octobre 2006. Il exerce ses fonctions au sein du centre de contrôle technique d'Ostwald. Lors d'une visite des installations de ce centre, le 15 mars 2019, les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) du Grand Est ont relevé plusieurs manquements imputables à M. A.... Par un arrêté du 2 avril 2019, le préfet du Bas-Rhin a prononcé la suspension immédiate, à titre conservatoire, de l'agrément de M. A... pour une durée maximale de deux mois. M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cet arrêté du 2 avril 2019. Il relève appel du jugement n° 1903424 du 1er février 2022 du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 323-18 du code de la route : " (...) IV.- L'agrément d'un contrôleur peut être suspendu ou retiré pour tout ou partie des catégories de contrôles techniques qu'il concerne si les conditions posées lors de sa délivrance ne sont plus respectées ou s'il est constaté un manquement aux règles fixant l'exercice de l'activité du contrôleur. La décision de suspension ou de retrait n'intervient qu'après que la personne intéressée a été entendue et mise à même de présenter des observations écrites ou orales. En cas d'urgence, l'agrément d'un contrôleur peut être suspendu immédiatement pour une durée maximale de deux mois. Un contrôleur ayant fait l'objet d'un retrait d'agrément ne peut demander un nouvel agrément pendant une durée de cinq ans à compter du retrait. (...) ". L'article 13-1 de l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes prévoit que : " Avant toute décision, le préfet de département informe par écrit le contrôleur, le centre de contrôle où les faits ont été constatés ainsi que le centre de contrôle auquel le contrôleur est rattaché et les réseaux éventuellement concernés, de son intention de suspendre ou de retirer l'agrément du contrôleur en indiquant les faits qui lui sont reprochés et en lui communiquant ou en lui permettant d'accéder au dossier sur la base duquel la procédure est initiée. Le contrôleur, le centre de contrôle où les faits ont été constatés ainsi que le centre de contrôle de rattachement du contrôleur et les réseaux éventuellement concernés disposent d'un délai d'un mois, à compter de la présentation du courrier, pour faire part de leurs observations par écrit. Si le préfet de département envisage de suspendre ou retirer l'agrément, il organise une réunion contradictoire à laquelle sont invités le contrôleur, le centre de contrôle où les faits ont été constatés ainsi que le centre de contrôle de rattachement du contrôleur et les réseaux éventuellement concernés, avant que la sanction ne soit prononcée. Cette réunion est tenue postérieurement au délai d'un mois accordé pour faire part des observations. Toute décision de suspension ou de retrait d'agrément est notifiée au contrôleur, au centre de contrôle où les faits ont été constatés, au centre de contrôle de véhicules légers auquel le contrôleur est rattaché, aux réseaux éventuellement concernés et à l'organisme technique central. ". L'article 13-2 du même arrêté dispose que : " En cas d'urgence le préfet peut suspendre à titre conservatoire et avec effet immédiat, l'agrément du contrôleur pour une durée maximum de deux mois dans l'attente de la décision prise en application des dispositions de l'article 13-1 ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique des véhicules dont le poids n'excède pas 3,5 tonnes : " Au cours du contrôle technique périodique, un même contrôleur effectue l'ensemble des contrôles décrits à l'annexe I. La réalisation simultanée de plusieurs contrôles (contrôle technique périodique, contrôle complémentaire, contre-visite ou contre-visite complémentaire) par un même contrôleur est interdite. Au cours du contrôle technique d'un véhicule soumis à réglementation spécifique au sens du présent arrêté, le même contrôleur effectue en outre l'ensemble des contrôles supplémentaires applicables à la catégorie du véhicule contrôlé décrits à l'annexe I ". L'article 6 du même arrêté du 18 juin 1991 prévoit que : " Il est dressé un procès-verbal de chaque contrôle technique. Ce document, qui est conforme aux dispositions de l'annexe II du présent arrêté, décrit les défaillances constatées et indique les résultats des mesures relevées au cours des essais et les commentaires prévus aux annexes I et II du présent arrêté. Ce procès-verbal est établi immédiatement à l'issue du contrôle technique, signé par le contrôleur qui a réalisé le contrôle technique, puis validé informatiquement par le contrôleur conformément aux dispositions de l'annexe III du présent arrêté. Il est ensuite remis à la personne qui présente le véhicule. Une copie ou un duplicata de ce procès-verbal est archivé par le titulaire de l'agrément de l'installation de contrôle. Dans les deux cas, le document porte la signature du contrôleur. (...) ".

4. En premier lieu, en se bornant à soutenir qu'il n'existe aucun sondage ou échantillonnage ou rapport de visite et qu'un faible nombre de rapports sur la totalité de ceux analysés présentaient des atypies, le requérant n'établit pas que la procédure aurait été irrégulière ou déloyale.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les agents de la DREAL ont examiné les données informatiques issues des contrôles techniques sur une période limitée et que cette analyse a mis en évidence un très grand nombre d'anomalies. Lors des visites de surveillance réalisées le 15 mars 2019, les agents de la DREAL ont examiné sur site par sondage environ 50 procès-verbaux, comme l'a par ailleurs relevé sans erreur le jugement litigieux, émis au sein de l'établissement qui présentaient des anomalies mises en évidence lors de la préparation de l'action de surveillance. Il ressort expressément des termes de la décision litigieuse que les constats effectués ont permis de relever que sur un échantillon des procès-verbaux de contrôles techniques effectués par M. A... entre les mois de mai et décembre 2018, l'intéressé avait commis 17 manquements, à savoir 2 véhicules déclarés conformes sans qu'un contrôle du logiciel réalisant le diagnostic des émissions polluantes n'ait été effectué, 6 véhicules déclarés conformes à l'issue du contrôle technique alors que les mesures relatives au contrôle des émissions polluantes ne figuraient pas dans le procès-verbal, 1 véhicule déclaré conforme à l'issue de sa contre-visite alors que les mesures relatives au contrôle de la direction ne figuraient pas dans le procès-verbal, 5 véhicules déclarés conformes à l'issue de la contre-visite alors que les mesures relatives à l'orientation des feux de croisement manquaient dans le procès-verbal ainsi que 3 véhicules déclarés conformes à l'issue de la contre-visite alors que les mesures relatives au contrôle de la symétrie de la suspension ne figuraient pas dans le procès-verbal.

Par ailleurs, la décision litigieuse précise que les données transmises par l'organisme technique central mentionnaient que plus de 100 procès-verbaux de visites techniques et de contre-visites avaient été délivrés au cours de l'année 2018 sans réalisation de la totalité des mesures devant être effectuées dans le cadre de ces contrôles.

6. Si le requérant fait valoir que ces manquements résulteraient du changement de la réglementation applicable à compter du 20 mai 2018 et de la " mise en œuvre bâclée " de cette réforme ainsi qu'aux dysfonctionnements informatiques et aux problèmes de mise à jour affectant les logiciels équipant les terminaux de saisie portable, il n'apporte pas suffisamment d'éléments probants de nature à démontrer une telle imputabilité.

7. Par ailleurs, les constats tels que mentionnés dans la décision litigieuse et repris au point 5 du présent arrêt sont de nature à démontrer que l'intéressé n'effectuait pas les contrôles dont il avait la charge de façon complète, dans le respect des règles applicables et des moyens de contrôles définis par le code de la route et ses textes d'application. Ces manquements ont eu pour effet de maintenir en circulation des véhicules ne présentant pas les garanties de conformité imposées par le code de la route et susceptibles de compromettre immédiatement la sécurité de leurs utilisateurs et celles des autres usagers de la route.

8. Dans ces conditions, et à supposer même que certains manquements auraient pu trouver une explication autre que celle d'un manquement du requérant, ils étaient en tout état de cause suffisamment nombreux et graves pour justifier l'urgence à prendre, à titre conservatoire, sans procédure contradictoire, la mesure de suspension. Ainsi le préfet du Bas-Rhin n'a pas excédé ses pouvoirs en mettant en œuvre la procédure du IV de l'article R. 323-8 du code de la route cité au point 2 du présent arrêt en estimant que la poursuite de ses activités par le requérant était susceptible de porter une atteinte grave et immédiate aux exigences de la sécurité routière.

9. Enfin, pour les mêmes motifs, le moyen tiré du détournement de procédure n'est pas établi.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

11. Les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant pour la procédure de première instance que pour la procédure d'appel, doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 22NC00823


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00823
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE D'AVOCAT MARGER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;22nc00823 ?
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