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26/11/2024 | FRANCE | N°21NC03301

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 26 novembre 2024, 21NC03301


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... épouse C..., M. B... C... et E... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le préfet de la Moselle a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement d'un lotissement communal sur le territoire de la commune de Hangviller et cessibles les immeubles nécessaires à sa réalisation ainsi que la décision du 20 novembre 2018 rejetant leur recours gracieux.





Par un juge

ment n° 1900419 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... épouse C..., M. B... C... et E... A... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le préfet de la Moselle a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement d'un lotissement communal sur le territoire de la commune de Hangviller et cessibles les immeubles nécessaires à sa réalisation ainsi que la décision du 20 novembre 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1900419 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2021, Mme A... épouse C..., M. C... et E... A... C..., représentés par Me Scheuer, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900419 du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le préfet de la Moselle a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement d'un lotissement communal sur le territoire de la commune de Hangviller ainsi que la décision du 20 novembre 2018 rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Hangviller une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité compte tenu de l'irrégularité de la délibération du conseil municipal en date du 17 novembre 2016 à laquelle ont pris part le maire et deux conseillers municipaux intéressés au sens de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- l'opération litigieuse est dépourvue d'utilité publique dès lors qu'elle ne répond pas à une finalité d'intérêt général, qu'elle ne présente aucune nécessité dès lors qu'elle aurait pu être réalisée dans de meilleures conditions à l'ouest du village et, enfin, que son bilan coût / avantage est négatif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2022, la commune de Hangviller, représentée par la SELARL Soler-Couteaux et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge des requérants en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lusset, rapporteur,

- les observations de Me Koromyslov substituant Me Gillig pour la commune de Hangviller.

- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal de la commune de Hangviller a décidé, en 2014, de réaliser un lotissement dans la partie nord de son territoire, au lieu-dit Kleinfeld, sur des parcelles classées zone A constructibles selon la carte communale adoptée le 15 novembre 2020. Afin de surmonter l'opposition de deux propriétaires non désireux de vendre leurs parcelles, le conseil municipal a, par une délibération du 17 novembre 2016, autorisé le maire à engager la procédure préalable à la déclaration d'utilité publique du projet aux fins d'expropriation. A l'issue de l'enquête publique, qui s'est tenue du 8 janvier au 8 février 2017 et a donné lieu à un avis favorable du commissaire-enquêteur, le préfet de la Moselle a, par un arrêté du 26 juin 2018, déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Hangviller, le projet d'aménagement d'un lotissement communal et cessibles les immeubles nécessaires à sa réalisation. Par un jugement n° 1900419 du 15 octobre 2021, dont les requérants relèvent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral ainsi que de la décision du 20 novembre 2018 portant rejet de leur recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération du conseil municipal en date du 17 novembre 2016 :

2. Aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité.

3. Les requérants soutiennent que la délibération du 17 novembre 2016 par laquelle le conseil municipal de Hangviller a autorisé le maire à engager la procédure préalable à la déclaration d'utilité publique du projet de lotissement est illégale, dès lors que le maire et deux conseillers municipaux, intéressés à l'affaire, ont participé au vote. Il n'est pas contesté que deux d'entre eux sont propriétaires d'une parcelle dans le lotissement " Fleur des champs ", construit à l'ouest du village en 2008, et que le troisième exploite, comme agriculteur, les terrains sur lesquels il a été, un temps, envisagé de réaliser une extension de ce lotissement. Il est néanmoins constant que le lotissement en litige doit être construit dans la partie nord du village, seule zone constructible depuis l'adoption de la carte communale de Hangviller en novembre 2010, et que les parcelles sur lesquelles la réalisation de la deuxième tranche du lotissement " Fleur des champs " était envisagée sont quant à elles classées en zone N inconstructible depuis cette date. Ainsi, la seule circonstance, alléguée, que ces trois personnes auraient un intérêt à ce que le lotissement " Fleur des champs " ne s'étende pas, ce qui n'est en tout état de cause plus possible depuis 2010, ne permet nullement de les faire regarder comme ayant un intérêt à ce qu'un autre lotissement soit créé au nord du village. Il n'est par ailleurs ni allégué ni même établi que, à supposer que tel soit le cas, cet intérêt ne se confondrait pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune. Dans ces conditions, la participation du maire et de deux autres conseillers municipaux au vote ayant conduit à l'adoption de la délibération du 17 novembre 2016 n'est pas de nature à entacher cette dernière d'illégalité. Par suite, le moyen soulevé en ce sens doit être écarté.

En ce qui concerne l'utilité publique de l'opération :

4. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

S'agissant de la finalité d'intérêt général du projet :

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet de création d'un lotissement par la commune de Hangviller est motivé par l'objectif d'assurer la pérennité du village confronté à une baisse relative de sa population, en faisant notamment en sorte d'y retenir les jeunes et d'en inciter d'autres à le rejoindre. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la diminution de la population communale est, bien que limitée, réelle puisque d'après les recensements effectués par l'Institut national de la statistique et des études, elle est passée de 283 habitants en 2011 à 263 habitants en 2017. Par ailleurs, comme indiqué au point 3, la circonstance que le maire de Hangviller et une conseillère municipale résident dans le lotissement " Fleur des champs " situé à l'ouest du village et qu'un autre conseiller municipal exploite des parcelles agricoles situées à l'ouest de ce même lotissement ne sont pas de nature à établir que le projet en litige ne serait motivé que par le seul intérêt personnel de ces élus de ne pas voir le lotissement " Fleur des champs " s'agrandir. Dans ces conditions, au regard de l'objectif visant à assurer la pérennité du village confronté à une baisse de sa population tout en assurant une extension urbaine maîtrisée, la réalisation d'un nouveau lotissement au lieu-dit Kleinfeld répond à une finalité d'intérêt général.

S'agissant du caractère nécessaire de la procédure d'expropriation :

6. Si les requérants soutiennent qu'il était possible de réaliser un projet de lotissement à l'ouest de la commune, dans le prolongement du lotissement déjà créé " Fleur des champs ", et dans des conditions selon eux plus favorables, il n'est cependant pas contesté que la commune ne disposait d'aucune réserve foncière dans cette zone alors qu'elle était d'ores et déjà propriétaire d'une grande partie du foncier dans la zone d'implantation du projet litigieux, située au nord du village. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue des réunions du groupe de travail portant sur l'élaboration de la carte communale, il a été décidé, en raison notamment des contraintes liées au relief et à la présence de zones humides et de cours d'eau, de privilégier l'extension du village dans sa partie nord plutôt que dans sa partie ouest, ce qui a conduit, ainsi qu'il a été dit, au classement des terrains, présentés par les requérants comme mieux adaptés, en zone N non constructible. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard notamment de l'alternative au projet litigieux invoquée par les requérants, que la commune aurait été en mesure de réaliser son projet dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation.

S'agissant du bilan coût / avantage :

7. Les requérants, qui se prévalent pour l'essentiel des avantages qui auraient été induits, selon eux, par la réalisation d'un lotissement à l'ouest du village, n'apportent aucune précision, notamment chiffrée, quant aux coûts comparés entre le projet alternatif qu'ils défendent et le projet retenu par la commune, notamment en ce qui concerne le raccordement au réseau unique d'assainissement ou le bouclage viaire à créer. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux, qui ne procède pas d'un étalement urbain, générerait des risques particuliers en termes de sécurité des déplacements au sein du village. En outre, s'il est constant que la menuiserie située à proximité du terrain d'assiette est à l'origine de nuisances sonores, il ressort des pièces du dossier que la commune a prévu d'aménager une zone tampon d'une profondeur de trente mètres entre l'entreprise et le lotissement, et qu'elle a accepté, en réponse à une recommandation du commissaire-enquêteur, de créer un merlon de terre planté de végétation à titre de protection phonique. Dans ces conditions, les nuisances sonores en provenance de la menuiserie, qui se trouve au demeurant déjà à proximité d'habitations, ne peuvent être regardées comme caractérisant un inconvénient significatif du projet. Enfin, il est constant que le projet soumis par la commune de Hangviller comporte une atteinte réduite à la propriété privée, limitée à 71,80 ares sur les 2,2 hectares d'emprise totale, tandis que son coût financier, ainsi qu'il a été dit, n'est pas sérieusement critiqué. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération projetée seraient excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 7 que le moyen, pris en ses divers branches, tiré de ce que le projet en cause serait dépourvu d'utilité publique doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... et E... A... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 26 juin 2018, ensemble le rejet de leur recours gracieux.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Hangviller, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Hangviller et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. et Mme C... et E... A... C... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme C... et E... A... C... verseront à la commune de Hangviller la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse C..., à

M. B... C..., à E... A... C..., à la commune de Hangviller et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. Lusset

La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

N° 21NC03301 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03301
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arnaud LUSSET
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;21nc03301 ?
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