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26/11/2024 | FRANCE | N°20NC03818

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 26 novembre 2024, 20NC03818


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 11 janvier 2019 portant institution d'une servitude d'aménagement du domaine skiable du Larcenaire situé sur le territoire de la commune de Bussang.





Par un jugement n° 1900841 du 30 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.





Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2020, le préfet des Vosges demande à la cour :



1°) d'annuler le jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 11 janvier 2019 portant institution d'une servitude d'aménagement du domaine skiable du Larcenaire situé sur le territoire de la commune de Bussang.

Par un jugement n° 1900841 du 30 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2020, le préfet des Vosges demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 octobre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 11 janvier 2019 au motif que des zones forestières ne pouvaient être légalement intégrées dans le périmètre de la servitude instituée sur le domaine skiable du Larcenaire dès lors que ces zones forestières, qui appartiennent à la commune, n'ont pas été incluses dans le périmètre de la servitude ;

- aucun des autres moyens présentés en première instance par M. et Mme C... n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Babel, concluent au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du préfet des Vosges du 11 janvier 2019, et demandent de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- aucun plan parcellaire n'était annexé à l'arrêté qui leur a été notifié ;

- l'arrêté attaqué ne donne aucune indication précise du tracé des pistes et autres installations ;

- le plan annexé à l'arrêté est imprécis et contradictoire avec l'état parcellaire ;

- il n'indique pas le périmètre de la servitude mais l'emprise des pistes de ski et des installations ;

- les bois communaux sont bien inclus dans le périmètre de la servitude ;

- la parcelle 124 est occupée par une ferme qui n'apparaît pas dans le plan de l'enquête parcellaire ; cette dernière est totalement enclavée par la servitude ; le chemin communal, qui est le seul accès à la ferme est également inclus dans la servitude ; il existe à terme un risque d'impossibilité d'accès à leur propriété ;

- l'emprise de la servitude, qui empiète sur le chemin d'accès de la ferme " chez Gaby ", située sur la parcelle 126, est susceptible de rendre ce bâtiment inaccessible ;

- le projet de plan parcellaire qualifie à tort certaines emprises de pistes de ski existantes et de bâtiments techniques alors que cela n'est pas le cas ;

- le dossier d'enquête parcellaire indique à tort qu'il n'existe aucune zone humide, alors que plus de 50% des parcelles concernées sont situées en zone humide, ainsi que le prévoit le plan local d'urbanisme de la commune ;

- il n'est pas indiqué dans le plan parcellaire que les parcelles 787 et 790 sont pour partie des parkings, ni que les parcelles 792, 794 et 795 sont quant à elles totalement aménagées en parkings ;

- la servitude ne devrait pas affecter les parcelles 791, 793 et 796 mais uniquement la parcelle 119 qui correspond à l'emprise de la piste la " Dosse ", dès lors que la parcelle 796 n'est pas exploitée par la société titulaire de la délégation de service public et que les parcelles 796 et 119 sont bordées par une haie d'arbres de toutes essences et de hautes tiges qui constituent le refuge de nombreuses espèces d'oiseaux ;

- le positionnement de l'étang sur le plan parcellaire ne correspond pas à la réalité, ce qui confirme que le plan parcellaire est erroné et que l'emprise exacte de la servitude n'est pas déterminable ;

- la servitude fait mention du téléski " bibi " alors que ce dernier a été démonté depuis des années ;

- des zones forestières sont qualifiées à tort en pistes de ski existantes, ce qui confirme le caractère aléatoire et incompréhensible de la servitude retenue ;

- la durée d'application de la servitude, du 1er décembre au 1er mai, est disproportionnée dès lors que la station ferme en général à la mi-mars ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors qu'il a pour seul objet de régulariser le tremplin implanté par la commune sans autorisation ;

- des travaux ont été approuvés voire mis en place par des arrêtés municipaux, alors même que l'enquête n'avait pas encore commencé ; ces éléments auraient dû être exclus de la servitude ;

- aucune possibilité d'indemnisation n'est mentionnée dans l'arrêté attaqué ;

- il ne ressort ni du rapport d'enquête ni de l'arrêté litigieux que la direction régionale des affaires culturelles aurait été consultée sur le tumulus présent sur la parcelle cadastrée section B n°0125 ;

Par un courrier du 12 septembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la cour est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'absence de qualité du préfet des Vosges pour faire appel contre le jugement du 30 octobre 2020 du tribunal administratif de Nancy, seul le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires étant compétent en application des dispositions de l'article R. 811-10 du code de justice administrative.

Par un courrier, enregistré le 8 octobre 2024, le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques informe la cour qu'il s'approprie les conclusions et les moyens produits par le préfet des Vosges.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du tourisme ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lusset, premier conseiller,

- les observations de Me Babel, pour M. et Mme C...,

- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est propriétaire des parcelles cadastrées section B n° 119, n° 120, n° 121, n° 122, n° 124, n° 125, n° 126, n° 127, n° 788, n° 789, n° 791, n° 793, n° 796, dans le domaine skiable du Larcenaire, situé sur le territoire de la commune de Bussang. M. et Mme C... sont en outre propriétaires d'une parcelle cadastrée section B n°0130 dans cette même commune. Par un arrêté du 11 janvier 2019, le préfet des Vosges a décidé d'instituer une servitude d'aménagement sur ce domaine skiable, grevant notamment les parcelles dont ils sont propriétaires. Le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques relève appel du jugement n° 1900841 du 30 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 342-20 du code du tourisme : " Les propriétés privées ou faisant partie du domaine privé d'une collectivité publique peuvent être grevées, au profit de la commune, du groupement de communes, du département ou du syndicat mixte concerné, d'une servitude destinée à assurer le passage, l'aménagement et l'équipement des pistes de ski alpin et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige non motorisés organisés, le survol des terrains où doivent être implantées des remontées mécaniques, l'implantation des supports de lignes dont l'emprise au sol est inférieure à quatre mètres carrés, le passage des pistes de montée, les accès nécessaires à l'implantation, l'entretien et la protection des pistes et des installations de remontée mécanique. (...) ". Aux termes de l'article L. 342-21 de ce code : " La servitude est créée par décision motivée de l'autorité administrative compétente sur proposition de l'organe délibérant de la commune, du groupement de communes, du département ou du syndicat mixte intéressé, après enquête parcellaire effectuée comme en matière d'expropriation. (...) ". Aux termes de l'article L. 342-22 du même code : " Cette décision définit le tracé, la largeur et les caractéristiques de la servitude, ainsi que les conditions auxquelles la réalisation des travaux est subordonnée. Elle définit, le cas échéant, les conditions et, éventuellement, les aménagements de protection auxquels la création de la servitude est subordonnée et les obligations auxquelles le bénéficiaire est tenu du fait de l'établissement de la servitude. Elle définit également les périodes de l'année pendant lesquelles, compte tenu de l'enneigement et du cours des travaux agricoles, la servitude s'applique partiellement ou totalement ".

3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du préfet des Vosges du 11 janvier 2019, les premiers juges se sont fondés sur le motif selon lequel plusieurs zones forestières, situées en dehors des tracés des pistes de ski existantes et ne recevant aucun équipement destiné à l'aménagement du domaine skiable, ne pouvaient être intégrées dans le périmètre de la servitude en litige. Toutefois, il est constant que ces zones forestières sont toutes situées sur des parcelles appartenant à la commune de Bussang. Or, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'état parcellaire annexé à l'arrêté attaqué, que seules les parcelles privées sont concernées par l'établissement de la servitude, les parcelles communales et, partant, les zones forestières qu'elles contiennent, n'étant quant à elles pas incluses dans son périmètre. Dans ces conditions, le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur le motif précité pour annuler l'arrêté litigieux.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme C... en première instance et devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté :

5. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. Julien Le Goff, secrétaire général, qui bénéficiait, par arrêté du 21 août 2018 du préfet des Vosges régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 24 août 2018, d'une délégation à l'effet de signer toutes décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de la réquisition du comptable et des forces armées. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

6. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué indique, dans son article 3, que l'emprise des servitudes instituées figurent sur un plan parcellaire joint en annexe. A supposer même que, comme le soutiennent M. et Mme C..., cette annexe ne leur aurait pas été notifiée, cette absence est sans aucune incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Au surplus, les intéressés n'établissent pas avoir accompli les diligences nécessaires pour en obtenir communication, et ne versent par ailleurs aucun élément de nature à faire présumer que l'envoi était incomplet à cet égard. Par suite, le moyen soulevé en ce sens doit, en tout état de cause, être écarté.

7. En troisième lieu, l'article R. 131-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que : " Un avis portant à la connaissance du public les informations et conditions prévues à l'article R. 131-4 est rendu public par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet, dans les conditions prévues à l'article R. 112-16. Cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. / L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire et doit être certifié par lui. / Le même avis est, en outre, inséré en caractères apparents dans l'un des journaux diffusés dans le département, dans les conditions prévues à l'article R. 112-14 ".

8. M. et Mme C... ne peuvent utilement soutenir que l'administration ne justifie pas de la double publicité prévue à l'article R11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ces dispositions régissant les conditions de publicité des déclarations d'utilité publique, et non des enquêtes parcellaires. En tout état de cause, le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques établit, par les pièces produites, que l'avis d'enquête parcellaire a en l'espèce fait l'objet, en application des dispositions de l'article R. 131-5 du code l'expropriation pour cause d'utilité publique relatives aux enquêtes parcellaires, d'une publication faisant connaître l'ouverture de l'enquête dans les éditions de Vosges matin les 31 août et 21 septembre 2018. En outre, il ressort des pièces du dossier que cet avis d'enquête a été affiché dans la commune de Bussang du 8 septembre au 2 octobre 2018 inclus. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante publicité de l'avis d'enquête doit être écarté.

9. En quatrième lieu, M. et Mme C... soutiennent que le plan parcellaire est imprécis et entaché de plusieurs erreurs matérielles. A l'appui de leur moyen, ils font d'abord valoir que ce plan ne donnerait aucune indication précise sur le tracé des pistes, des remontées mécaniques et des autres installations. Toutefois, une telle affirmation est démentie par les pièces du dossier, le plan et sa légende permettant d'identifier avec précision ces divers éléments. De même, contrairement à ce qu'ils soutiennent, ce plan, qui possède une échelle et qui doit être lu avec l'état parcellaire très précis qui l'accompagne, comprend un tracé qui délimite avec une précision suffisante le périmètre de la servitude instituée par l'arrêté en litige. En tout état de cause, le préfet fait valoir dans ses écritures qu'en cas de contestation sur la délimitation exacte de la servitude, il convient de se référer au plan en impression originale, c'est-à-dire à l'échelle, qui est disponible à la commune. En outre, et à cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état parcellaire et le plan annexé à l'arrêté seraient contradictoires. Par ailleurs, si M. et Mme C... soutiennent que le plan matérialise des pistes de ski qui n'existent pas, ainsi que cela ressortirait d'une vue aérienne du domaine, et notamment sur les parcelles cadastrées section B n°119 et n°796, la légende précise cependant qu'il s'agit en l'espèce de pistes de ski en projet. De même, la circonstance qu'un étang ne serait pas positionné de façon tout à fait exacte sur le plan parcellaire, ce qui n'est au demeurant pas démontré par les pièces produites, et qu'il serait à tort qualifié de " retenue collinaire ", ne suffit pas à démontrer que le plan ne permettrait pas de déterminer l'emprise exacte de la servitude. Si M. et Mme C... font encore valoir que la légende du plan parcellaire omet de préciser que les parcelles cadastrées section B nos 787, 790, 791, 792 et 795 sont pour partie ou en totalité des parkings de la station de ski, cette seule omission ne suffit pas à entacher l'arrêté en litige d'illégalité. Enfin, s'il est constant que figure sur le plan parcellaire un téléski qui a été démonté et n'est donc plus en service, il ressort du rapport du commissaire enquêteur que la matérialisation graphique des équipements même démontés vise à mieux visualiser l'espace nécessaire au fonctionnement de la station de ski et à garantir la cohérence de l'aménagement et du développement du domaine. Ainsi, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que le plan annexé à la décision contestée serait entaché d'imprécisions et d'inexactitudes de nature à entacher d'illégalité l'arrêté attaqué.

10. En cinquième lieu, M. et Mme C... soutiennent que la parcelle cadastrée section B n° 124 est occupée par une ferme, laquelle figure bien sur le plan contrairement à leurs allégations, se trouve totalement enclavée par la servitude comme le chemin communal, qui serait le seul accès à la ferme, ainsi que la parcelle cadastrée section B n° 123 située au droit de cette ferme. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'arrêté attaqué n'établit aucune servitude sur les parcelles communales, et donc sur le chemin communal ou la parcelle n° 123. En outre, et en tout état de cause, l'arrêté n'a ni pour objet, ni pour effet, en lui-même, de faire obstacle à l'accès à la parcelle n° 124 et à la ferme en question, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il s'agit d'un bâtiment de stockage. Par suite, et alors que M. et Mme C... ne peuvent utilement faire valoir que durant l'hiver 2021 des tas de neige bloquaient l'accès au chemin communal, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir qu'il existerait du fait de la servitude, à terme un risque d'impossibilité d'accès à leur propriété.

11. En sixième lieu, si M. et Mme C... soutiennent que la servitude empêchera également l'accès à la ferme " chez Gaby ", située sur la parcelle cadastrée section B n° 126, il ressort du plan annexé à l'arrêté que cette ferme n'est pas incluse dans le périmètre de la servitude. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'arrêté n'a ni pour objet, ni pour effet, en lui-même, de faire obstacle à l'accès à la parcelle n° 126.

12. En septième lieu, si M. et Mme C... soutiennent que, contrairement à ce qu'indique l'enquête parcellaire, plus de 50 % des parcelles concernées par la servitude seraient situées en zone humide d'après le plan local d'urbanisme applicable, cette circonstance, à la supposer même établie, et alors que les parcelles en cause sont classées en zones NL et NLs, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qui n'a ni pour objet ni pour effet de modifier la destination des parcelles.

13. En huitième lieu, il ressort des conclusions du commissaire enquêteur que " le périmètre défini pour l'instauration de servitudes est mesuré et cohérent ", que toutes " les parcelles recensées correspondent aux emprises indispensables à l'activité du domaine skiable ", et que " les emprises des servitudes ont été réduites au strict nécessaire afin de permettre une exploitation optimale du domaine skiable avec un impact minimum et en respectant la faune et la flore ". En se bornant à soutenir, sans apporter d'éléments probants à cet égard, que la servitude en litige ne devrait pas affecter les parcelles cadastrées sections B nos 791, 793 et 796 mais uniquement la parcelle n° 119 qui correspond à l'emprise de la piste " Dosse ", dès lors que la parcelle n° 796 n'est pas exploitée faute d'enneigement et d'une pente suffisamment marquée, et que les parcelles nos 796 et 119 sont bordées par une haie d'arbres de toutes essences et de hautes tiges qui constitue le refuge de nombreuses espèces d'oiseaux, M. et Mme C... ne contredisent pas utilement les conclusions de ce rapport d'enquête. Il s'ensuit que le moyen correspondant doit être écarté.

14. En neuvième lieu, en se bornant à faire valoir que la station de ski ferme en règle générale à la mi-mars, M. et Mme C... n'établissent pas que la durée d'application de la servitude, fixée par l'article 7 de l'arrêté attaqué du 1er décembre de chaque année au 1er mai de l'année suivante, serait disproportionnée.

15. En dixième lieu, si M. et Mme C... soutiennent que la création de la servitude a été initiée dans l'unique but de régulariser la construction illégale d'un tremplin de saut à ski, ils n'assortissent cette allégation d'aucun élément probant. En tout état de cause, à supposer même qu'une autorisation d'urbanisme pour ce tremplin était requise et ferait défaut, l'arrêté litigieux n'aurait nullement pour effet de régulariser la construction de ce tremplin. Le détournement de pouvoir invoqué par les intéressés n'est, dès lors, pas établi.

16. En onzième lieu, la circonstance alléguée selon laquelle des travaux ont été approuvés voire mis en place par des arrêtés municipaux, alors même que l'enquête parcellaire n'avait pas encore commencé, est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.

17. En douzième lieu, selon l'article L. 342-24 du code du tourisme : " La servitude instituée en vertu des articles L. 342-20 à L. 342-23 ouvre droit à indemnité s'il en résulte pour le propriétaire du terrain ou l'exploitant un préjudice direct, matériel et certain. (...). ".

18. En l'espèce, l'article 6 de l'arrêté attaqué prévoit que " Le bénéficiaire de la servitude est tenu, du fait de l'établissement de la servitude : (...) / Indemnisation des dommages directs matériels et certains qui surviendraient en lien avec les travaux, dans les conditions prévues par l'article L.342.24 du Code du Tourisme. ". M. et Mme C... ne sont ainsi pas fondés à soutenir que la possibilité d'une indemnisation n'aurait pas été prévue.

19. En treizième et dernier lieu, M. et Mme C... évoquent l'existence d'un tumulus sur la parcelle cadastrée section B n° 125, et font valoir que la direction régionale des affaires culturelles aurait donc dû être consultée préalablement à l'adoption de l'arrêté attaqué. Toutefois, outre qu'ils ne se prévalent d'aucun texte disposant que le recueil d'un tel avis préalable serait requis en pareille hypothèse, l'arrêté contesté, qui n'a pas pour objet ou pour effet d'autoriser la commune à procéder à des travaux ou des aménagements, n'a de ce fait aucune incidence sur la protection ou la conservation de ce tumulus. Par suite, le moyen correspondant doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 11 janvier 2019. Par suite, le jugement du 30 octobre 2020 doit être annulé et la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Nancy rejetée.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1900841 du 30 octobre 2020 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de M. et Mme C... et les conclusions d'appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Copie en sera adressée à la préfète des Vosges et à la commune de Bussang.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- M. Barteaux, président assesseur,

- M. Lusset, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. Lusset

La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

N. Basso

N° 20NC03818 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03818
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arnaud LUSSET
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : SCP SYNERGIE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;20nc03818 ?
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