Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 22 mars 2022 par laquelle la préfète de la Meuse a refusé d'enregistrer sa demande d'admission au séjour.
Par une ordonnance n° 2202240 du 27 avril 2023, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2023, M. B... C..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 27 avril 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 22 mars 2022 par laquelle la préfète de la Meuse a refusé d'enregistrer sa demande d'admission au séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande de titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros hors taxes en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement contesté est irrégulier dès lors la décision contestée n'a pas été retirée par l'arrêté préfectoral du 12 octobre 2022, qui ne comporte pas de décision de refus de titre de séjour ;
- le tribunal ne lui a pas accordé un délai suffisant pour répondre au mémoire du préfet enregistré le 19 avril 2023, méconnaissant ainsi les garanties du procès équitable et le principe de contradictoire ;
- le jugement est entaché d'erreur substantielle et de dénaturation ;
- le jugement est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux, et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il est insuffisamment motivé ;
- la décision du 22 mars 2022 est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru tenu par le délai prévu par les dispositions des articles L. 431-2 et D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation de la circonstance nouvelle intervenue postérieurement au délai de trois mois courant à compter de l'enregistrement de la demande d'asile ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été informé des conditions d'enregistrement d'une demande de titre de séjour et du délai légal pour la présenter.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2023, le préfet de la Meuse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Il n'y a plus lieu à statuer dès lors que l'arrêté du 12 octobre 2022 a été pris après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations ;
- le requérant a été informé lors du dépôt de sa demande d'asile qu'il disposait d'un délai de trois mois après l'enregistrement de sa demande pour déposer un titre pour raison de santé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une ordonnance de la présidente de la cour du 30 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthou été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant angolais, né le 28 août 1986, entré en France le 26 janvier 2019 selon ses déclarations, a sollicité le 12 février 2019 la reconnaissance du statut de réfugié. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande le 14 avril 2021, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 novembre 2021. M. B... C... a alors sollicité par un courrier du 25 janvier 2022 un titre de séjour en raison de son état de santé, dont l'enregistrement a été refusé par la préfète de la Meuse par une décision du 22 mars 2022. Il conteste l'ordonnance n° 2202240 du 27 avril 2023 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur sa demande dirigée contre cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 611-1 de ce code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".
3. L'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de la Meuse en première instance est motivée par l'édiction d'un arrêté du 12 octobre 2022 refusant l'admission au séjour de M. B... C... et l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Cet arrêté a toutefois été pris en raison du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile et ne porte pas sur la demande de titre de séjour formulée par M. B... C... sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en déduisant de cet arrêté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande présentée par l'intéressé contre le refus d'enregistrement de sa demande de titre formulée sur le fondement de l'article L. 425-9, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Nancy a entaché son ordonnance d'irrégularité. Cette dernière doit, par suite, être annulée.
4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B... C....
Sur les conclusions à fins d'annulation :
5. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de son article D. 431-7 : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois. ".
6. Dans le cas où un étranger ayant demandé l'asile a été dûment informé, en application des dispositions de l'article L. 431-2 citées au point 5, des conditions dans lesquelles il peut solliciter son admission au séjour sur un autre fondement et où il formule une demande de titre de séjour après l'expiration du délai qui lui a été indiqué pour le faire, l'autorité administrative peut rejeter cette demande au motif de sa tardiveté à moins que l'étranger ait fait valoir, dans sa demande à l'administration, une circonstance de fait ou une considération de droit nouvelle, c'est-à-dire un motif de délivrance d'un titre de séjour apparu postérieurement à l'expiration de ce délai. Si tel est le cas, aucun nouveau délai ne lui est opposable pour formuler sa demande de titre. L'étranger ne peut se prévaloir pour la première fois devant le juge d'une telle circonstance.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 25 janvier 2022, M. B... C... a formé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A l'appui de sa demande, il a adressé à l'administration un certificat médical daté du 23 novembre 2021 établi par un médecin psychiatre de l'Etablissement public de Santé Alsace Nord évoquant un suivi régulier de l'intéressé en consultation psychiatrique depuis le 15 mars 2019, mentionnant que l'état de santé de l'intéressé s'est très récemment dégradé de façon particulièrement alarmante et concluant que " le pronostic vital semble menacé ". Ces éléments caractérisent une circonstance de fait nouvelle postérieure à l'expiration du délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en refusant d'enregistrer la demande de titre de M. B... C... au motif de l'expiration dudit délai, la préfète de la Meuse a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... C... est fondé à demander l'annulation de la décision du 22 mars 2022 par laquelle la préfète de la Meuse a refusé d'enregistrer sa demande d'admission au séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Eu égard au motif retenu pour annuler la décision litigieuse, il y lieu d'enjoindre au préfet de la Meuse d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. B... C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
10. M. B... C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Elsaesser, avocate du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Elsaesser la somme de 1 000 euros hors taxes.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2202240 du 27 avril 2023 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Nancy est annulée.
Article 2 : La décision du 22 mars 2022 par laquelle la préfète de la Meuse a refusé d'enregistrer la demande d'admission au séjour de M. B... C... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Meuse d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. B... C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Elsaesser, avocate de M. B... C..., une somme de 1 000 euros hors taxes en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... C..., à Me Elsaesser et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC02510 2