Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... épouse B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés des 15 novembre et 6 décembre 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2208077, 2208593 du 30 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2023 sous le n° 23NC02227, Mme B..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2023 pour ce qui la concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
II. Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2023 sous le n° 23NC02228, M. B..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2023 pour ce qui le concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article 37 de la loi n°91-647 du juillet 1991.
Il se prévaut des mêmes moyens que ceux articulés par son épouse.
La préfète du Bas-Rhin n'a pas produit dans ces deux instances.
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 15 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes enregistrées sous les n° 23NC02227 et 23NC02228 sont relatives à la situation d'un couple au regard de son droit au séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. Mme et M. B..., ressortissants algériens nés respectivement en 1967 et 1985, sont entrés en France en décembre 2019 et y ont sollicité l'octroi du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 mars 2021 puis par la Cour nationale du droit d'asile par décisions des 8 avril et 30 mai 2022. Par des arrêtés respectifs des 15 novembre et 6 décembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a fait obligation aux intéressés de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 30 janvier 2023, dont M. et Mme B... relèvent appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, il ressort des termes des décisions contestées que pour obliger les requérants à quitter le territoire français, la préfète du Bas-Rhin, après avoir visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 542-1 et le 4° de l'article L. 611-1, a rappelé les conditions d'entrée sur le territoire des intéressés, le rejet définitif de leurs demandes d'asile, et la circonstance que leur cellule familiale avec leurs enfants mineurs pourra se reconstituer en Algérie où ils ne démontrent pas être dépourvus de toute attache. Ces décisions sont, par suite, suffisamment motivées et révèlent que la préfète a procédé à un examen particulier de la situation des requérants.
4. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces dispositions ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... ne résidaient en France, à la date des décisions attaquées, que depuis trois ans, après avoir vécu le reste de leur vie dans leur pays d'origine. Ils ne justifient pas de la réalité de leurs attaches avec la grand-mère et les tantes A... B... de nationalité française et ne font pas état d'autres liens d'une particulière intensité sur le territoire français, alors qu'ils n'établissent ni même n'allèguent en être dépourvus en Algérie. S'ils se prévalent de la présence en France de leurs deux filles mineures, la cellule familiale pourra se reconstituer dans leur pays d'origine alors en outre que ces enfants étaient scolarisées dans des classes de maternelle aux dates des décisions attaquées. Les engagements bénévoles du couple ne suffisent pas davantage à justifier de leur intégration en France. Enfin, si Mme B... soutient être suivie médicalement en France à raison d'une fracture de la jambe droite survenue en juin 2022, il n'est pas établi ni même soutenu que les soins restant nécessaires ne seraient pas disponibles en Algérie, aucune demande de titre de séjour pour raisons médicales n'ayant au demeurant été formulée. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français auraient porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Ainsi qu'il a été exposé au point 5, les décisions attaquées n'ont ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants A... et Mme B... de leurs parents. En outre, rien ne s'oppose à ce que ces enfants, compte tenu notamment de leur jeune âge, poursuivent leur scolarité en Algérie. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit ainsi être écarté.
8. En dernier lieu, pour les motifs précédemment évoqués, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur leurs situations personnelles.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
10. Les requérants indiquent avoir fui l'Algérie pour échapper aux pressions de la famille traditionnaliste A... B... qui voulait exciser leurs filles et pour fuir les discriminations subies de la part des autorités algériennes au motif de l'activisme A... B... au sein d'une association de défense d'anciens militaires radiés de l'armée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les demandes d'asile des intéressés ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile et les requérants ne produisent aucun élément justifiant du caractère réel et actuel de leurs craintes, notamment quant aux risques d'excision, alors au surplus qu'il n'est pas démontré ni même allégué qu'ils ne pourraient bénéficier de la protection des autorités algériennes en ce qui concerne les risques allégués d'excision. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés attaqués. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme E... D... épouse B..., à Me Chebbale et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
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