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21/11/2024 | FRANCE | N°23NC02175

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 21 novembre 2024, 23NC02175


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300361 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devan

t la cour :



Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023 au greffe de la cour administrative de Douai et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300361 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023 au greffe de la cour administrative de Douai et transmise, par une ordonnance de la présidente de cette cour du 29 juin 2023, à la cour administrative d'appel de Nancy, et un mémoire, enregistré le 19 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Monconduit, demande :

1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", subsidiairement de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Termeau, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les observations de Me Monconduit, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sri-lankais né en 1975, a déclaré être entré en France le 14 août 2014 en compagnie de son épouse et de leur fille née en 2006. Il y a sollicité l'octroi du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 août 2015 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 25 mars 2016. L'intéressé a alors fait l'objet d'une mesure d'éloignement en avril 2016 à laquelle il n'a pas déféré. Le 18 juillet 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 5 septembre 2019 du préfet de l'Aube, assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour sur le territoire français. Le 5 octobre 2022, M. A... a réitéré sa demande. Par un arrêté du 11 janvier 2023, la préfète de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 26 mai 2023, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité des décisions contestées :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. En l'espèce, à la date d'édiction de la décision attaquée, le requérant totalisait une durée de séjour sur le territoire national de près de 9 ans. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est titulaire d'un contrat de travail, à durée d'abord déterminée puis indéterminée, dans la même entreprise depuis 2020, en qualité de brodeur. Son employeur, qui a complété une demande d'autorisation de travail, fait état de ses difficultés de recrutement et de la circonstance qu'il a spécifiquement formé M. A.... Si l'intéressé n'occupe plus son emploi depuis avril 2022, c'est en raison de la suspension de ce contrat faute de régularisation, et non du fait d'absences injustifiées. Son employeur indique d'ailleurs souhaiter reprendre l'exécution de son contrat de travail au plus vite. Par ailleurs, le requérant justifie, au regard des nombreuses attestations produites et de son engagement bénévole dans plusieurs associations, de la qualité de son intégration sur le territoire ainsi que de celle de son épouse. Enfin, il est constant que sa fille, âgée de 8 ans à son entrée en France, a essentiellement connu le système scolaire français pendant toute sa scolarité en école primaire et au collège. Les différents éléments produits au dossier attestent du sérieux dans la poursuite de ses études et de ses bons résultats scolaires, qui seraient fortement compromis en cas de retour dans son pays d'origine où elle n'a que très peu vécu. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, le requérant est fondé à soutenir que les décisions attaquées ont porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, caractérisant une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ont méconnu l'intérêt supérieur de sa fille, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il s'ensuit que les décisions portant refus de titre de séjour sont illégales, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté litigieux du 11 janvier 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Au regard des motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Aube de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 2300361 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 26 mai 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 11 janvier 2023 par lequel la préfète de l'Aube a refusé à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC02175 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02175
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELARL ACTIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;23nc02175 ?
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