Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de A... d'annuler la décision implicite de refus né du silence gardé par l'administration sur sa demande de titre de séjour ainsi que l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Par un jugement n° 2200823 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de A... a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 avril 2023, M. C... B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2022 du tribunal administratif de A... ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 28 novembre 2020 et l'arrêté du 12 janvier 2022 par lequel le préfet de la Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " avec autorisation de travailler, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 150 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros concernant la procédure de première instance et celle de 1 800 euros concernant la procédure d'appel à verser à son avocate, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et des articles 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le tribunal n'a pas répondu aux moyens dirigés contre la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour ni à ceux tirés de la méconnaissance de l'autorité de chose jugée par le juge judiciaire, du principe de séparation entre les ordres de juridiction et du principe de sécurité juridique ;
Sur la légalité de la décision implicite portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation, s'agissant notamment de la critique des actes d'état civil ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur de fait dès lors que le requérant remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L.313-11 2° bis devenu l'article L.423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision explicite portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé ;
- le préfet s'est cru à tort en compétence liée ;
- elle s'appuie sur un rapport d'expertise documentaire ne présentant pas les garanties d'une expertise judiciaire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L.423-22 et L.811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions de l'article 47 du code civil ; le préfet ne renverse pas la présomption d'authenticité des actes d'état-civil produits ;
- elle méconnaît les orientations du point 2.1.3 de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen sérieux de la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet s'est cru à tort en compétence liée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, le préfet de la Meurthe-et Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Vu la note en délibéré enregistrée pour M. C... le 25 octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., se déclarant ressortissant malien né le 27 juillet 2002, indique être entré irrégulièrement sur le territoire français au mois de novembre 2017. Par un jugement du 20 avril 2018 rectifié le 4 juin 2018, le juge des enfants de A... a confié l'intéressé aux services de l'aide sociale à l'enfance de Meurthe-et-Moselle et a maintenu ce placement jusqu'à sa majorité. Par un courrier du 21 juillet 2020, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". À défaut de réponse dans un délai de 4 mois une décision implicite de rejet est née le 28 novembre 2020. Par un arrêté du 12 janvier 2022, le préfet de la Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Mali comme pays de destination duquel il pourrait être éloigné. M. C... relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de A... a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet et de l'arrêté précités.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément répondu à l'ensemble des moyens soulevés par le requérant. Alors qu'ils n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés devant eux, ils ont notamment énoncé précisément les motifs les ayant conduits à écarter les moyens dirigés contre la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour, ainsi que ceux tirés de la méconnaissance de l'autorité de chose jugée par le juge judiciaire, du principe de séparation entre les ordres de juridiction et du principe de sécurité juridique. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus implicite :
3. Si le silence gardé par l'administration sur un recours gracieux ou hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde et que, dès lors, celle-ci ne peut être utilement contestée au motif que l'administration aurait méconnu ces dispositions en ne communiquant pas au requérant les motifs de sa décision implicite dans le délai d'un mois qu'elles lui impartissent.
4. Il résulte de ce qui précède que le tribunal a, à bon droit, regardé la demande d'annulation de la décision implicite du 28 novembre 2020 dont il était saisi comme dirigée contre la décision explicite du 12 janvier 2022 qui s'y est substituée.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, si le préfet de la Meurthe-et-Moselle a pu valablement s'approprier dans son arrêté les termes des rapports d'examen technique documentaire de la police aux frontières du 27 octobre 2020 et 6 décembre 2021, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée qu'il aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. C... ou qu'il se serait estimé en situation de compétence liée pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité.
6. En deuxième lieu, si le rapport d'expertise documentaire établi par les services de la police aux frontières ne constitue pas une expertise judiciaire et n'a pas été établi contradictoirement, il a été communiqué en tout état de cause au requérant au cours de l'instruction de la première instance et de celle d'appel et constitue un élément d'appréciation parmi ceux versés au dossier de la requête par les parties. Il n'y a par suite pas lieu de l'écarter des débats.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L.423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L.421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".
8. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
9. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance (...) d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) ".
10. D'une part, il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir qu'il est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante de l'acte, il appartient au juge de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
11. D'autre part, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. En particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur.
12. Pour établir son identité et sa minorité à la date de son entrée en France, M. C... a produit un jugement supplétif d'acte de naissance n°3392 du 17 août 2017 délivré par le tribunal de grande instance de Kayes (Mali), un acte de naissance n°081 du 30 août 2017, une carte d'identité du même jour, un certificat de nationalité non numéroté du 23 juillet 2019 délivré par le consul général de la République du Mali à Lyon et une carte d'identité consulaire n° 1795611 du 23 juillet 2019. Les rapports d'examen technique documentaire établis le 27 octobre 2020 et le 6 décembre 2021 par la direction zonale de la police aux frontières zone-est ont relevé que certains de ces documents comportaient plusieurs anomalies de nature à établir leur caractère frauduleux. Le préfet a valablement pu s'approprier l'appréciation de ce service dont la mission consiste précisément à donner un avis sur le caractère authentique ou frauduleux des documents d'état-civil qui lui sont présentés.
13. Si l'absence de sécurité documentaire du papier utilisé et de l'impression ne suffisent pas à établir le caractère falsifié des actes d'état civil, en revanche la mention approximative de la date de naissance sur le jugement supplétif alors que celle-ci est indiquée avec précision sur l'acte de naissance, l'absence de cachet humide et de signature faisant état de la date de transcription du jugement supplétif et de l'identité et de la qualité de la personne en charge de cette transcription constituent des irrégularités de nature à remettre en cause l'authenticité de ce document. S'agissant de l'extrait d'acte de naissance, le défaut de renseignement du numéro NINA (numéro d'identification nationale) au sens des articles 5 et 7 de la loi malienne n°06-040 du 11 aout 2006, le défaut de la transcription de l'extrait du jugement supplétif au verso de l'acte de naissance dans la rubrique nommée " MENTIONS " réservée à cet effet conformément à l'article 16 de l'arrêté interministériel malien N°2016-0255//MAT-MJDH-SG du 26 février 2016, le numéro de série imprimé à l'origine en typographie puis falsifié par ajout manuscrit au stylo rouge, le numéro erroné de déclaration du jugement supplétif sur l'acte de naissance et enfin l'absence du numéro de registre dans lequel l'acte de naissance est enregistré ne permettent pas davantage de considérer ce document comme probant.
14. Par ailleurs, les autres documents produits par M. C... ont tous été délivrés sur le fondement du jugement supplétif et de l'acte de naissance dont la force probante n'est pas établie, de sorte qu'ils ne permettent pas davantage d'établir son état civil, alors en tout état de cause que le certificat de nationalité et la carte d'identité consulaire ne constituent pas des actes d'état civil de nature à justifier de la réalité de la date de naissance de l'intéressé. En outre, si le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas sollicité les autorités consulaires maliennes pour une vérification de l'état civil de M. C..., il ne ressort d'aucune disposition législative ou règlementaire que le préfet serait tenu de saisir les autorités étrangères d'une demande de vérification de l'authenticité des documents d'état civil qui sont présentés devant lui. Dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 47 du code civil en estimant que les actes d'état civil fournis par le requérant étaient dépourvus de valeur probante.
15. Le requérant ne justifiant pas, dans ces conditions, avoir été confié au service de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, le préfet a pu, sur ce seul motif, refuser le titre de séjour sollicité. Si M. C... se prévaut de son investissement dans ses études, de l'obtention d'un CAP et d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article L. 423-22 précité doit être écarté.
16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
17. M.C..., présent sur le territoire français depuis novembre 2017, a bénéficié de plusieurs contrats de jeune majeur dont le dernier était valable jusqu'au 28 février 2022, a obtenu un diplôme d'études en langue française de niveau A1, un certificat de formation générale et un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en réparation des carrosseries. Il se prévaut également de son mariage traditionnel avec une ressortissante française et de la circonstance que cette dernière est enceinte. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'hormis une attestation de sa compagne, le requérant ne produit aucun élément de nature à établir l'ancienneté et l'intensité de leur relation à la date de la décision attaquée, ni la réalité de sa paternité à venir. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait développé des attaches personnelles d'une ancienneté ou d'une intensité particulière depuis son entrée sur le territoire français. Son apprentissage et sa scolarité ne suffisent pas à justifier de son intégration en France alors qu'il a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, où demeurent ses parents, son frère et sa sœur. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. C... en France, le préfet de la Meurthe-et-Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de son pouvoir de régularisation.
18. En cinquième lieu, aux termes de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ".
19. D'une part, si M. C... fait état de sa vulnérabilité en raison de son isolement et de son jeune âge, il ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 recommandant la bienveillance dans l'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, ces dernières se bornant à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.
20. D'autre part, pour les motifs précédemment énoncés, les circonstances invoquées relatives à ses perspectives d'insertion professionnelle et sa situation familiale ne peuvent être regardées comme constituant des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français
21. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour obliger le requérant à quitter le territoire français, ni qu'il aurait omis de procéder à un examen particulier de sa situation avant de prendre une mesure d'éloignement à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 qui, en tout état de cause, a été intégralement transposée en droit interne et ne peut en conséquence être utilement invoquée, doit être écarté.
22. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 17 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de A... a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi, que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative, 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de M.C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. BAUERLe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 23NC01102 2