Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Les constructeurs du bois a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Capavenir Vosges a rejeté sa demande de permis de construire un immeuble sur le territoire de cette commune 12 rue de Lorraine à Thaon-les-Vosges.
Par un jugement n° 2003254 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2022, la société Les constructeurs du bois, représentée par Me Fouray, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Thaon-les-Vosges la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours gracieux, formé le 2 septembre 2020 par M. Duchaine, a prorogé le délai de recours contentieux, rendant sa requête non tardive ;
- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le motif tenant à l'incompatibilité entre son projet et les documents d'urbanisme invoqués n'est pas établi, entachant la décision d'erreur de fait et de droit ;
- le refus de permis est entaché d'un détournement de pouvoir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
-le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthou,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Luisin représentant la société Les constructeurs du bois.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 juillet 2020, le maire de la commune de Capavenir Vosges, renommée Thaon-les-Vosges au 1er janvier 2022, a refusé le permis de construire un immeuble comprenant des logements et une maison médicale sur le territoire de cette commune au 12 rue de Lorraine à Thaon-les-Vosges sollicité par la société Les constructeurs du bois. Il a implicitement rejeté le recours gracieux formé par cette société le 9 septembre 2020. Par jugement du 28 juin 2022 dont il est demandé l'annulation, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de la société Les constructeurs du bois dirigée contre ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 123-9 du code de commerce : " La personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre. / En outre, la personne assujettie à un dépôt d'actes ou de pièces en annexe au registre ne peut les opposer aux tiers ou aux administrations, que si la formalité correspondante a été effectuée. Toutefois, les tiers ou les administrations peuvent se prévaloir de ces actes ou pièces. / Les dispositions des alinéas précédents sont applicables aux faits ou actes sujets à mention ou à dépôt même s'ils ont fait l'objet d'une autre publicité légale. Ne peuvent toutefois s'en prévaloir les tiers et administrations qui avaient personnellement connaissance de ces faits et actes. " Aux termes de l'article L. 210-9 de ce code : " Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination des personnes chargées de gérer, d'administrer ou de diriger la société, lorsque cette nomination a été régulièrement publiée. / La société ne peut se prévaloir, à l'égard des tiers, des nominations et cessations de fonction des personnes visées ci-dessus, tant qu'elles n'ont pas été régulièrement publiées. ". Il résulte de ces dispositions que, dès sa désignation, un mandataire social est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société, indépendamment de la publication de sa désignation au registre du commerce et des sociétés.
3. Il ressort des pièces du dossier d'appel que l'assemblée générale extraordinaire de la société à responsabilité limitée Les constructeurs du bois du 12 août 2020 a décidé la transformation de cette société en société anonyme et a modifié les statuts de la société. Ce même 12 août 2020, le conseil d'administration de la société anonyme a nommé M. Duchaine président du conseil d'administration et directeur général de la société. Si les procès-verbaux de l'assemblée générale et de la réunion du conseil d'administration du 12 août 2020 n'ont été reçus au greffe du tribunal de commerce d'Epinal que le 25 septembre 2020 et enregistrés le 2 octobre 2020, soit postérieurement au recours gracieux daté du 2 septembre 2020, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. Duchaine, qui avait été régulièrement désigné président directeur général, avait ainsi qualité pour former un tel recours gracieux au nom de la société anonyme Les constructeurs du bois. Dans ces conditions, la demande de première instance enregistrée le 17 décembre 2020 dirigée contre l'arrêté du 22 juillet 2020 et contre la décision implicite de rejet du recours gracieux n'était pas tardive. Par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son jugement du 28 juin 2022 doit, dès lors, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Les constructeurs du bois devant le tribunal administratif de Nancy.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du directeur général :
5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux point 2 et 3, M. Duchaine avait qualité pour représenter la société Les constructeurs du bois en justice à la date d'introduction de la demande de première instance le 17 décembre 2020. La fin de non-recevoir opposée par la commune tirée de l'absence de qualité pour agir doit donc être écartée.
Sur la légalité de la décision attaquée :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Il ressort des pièces du dossier que, si l'arrêté attaqué du 22 juillet 2020 mentionne la qualité de son auteur, le maire de la commune de Capavenir Vosges, il ne comporte pas l'indication du nom et du prénom de celui-ci. Ni la signature manuscrite, qui est illisible, ni aucune autre mention de ce document ne permet d'identifier la personne qui en est l'auteur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être accueilli.
7. En deuxième lieu, pour motiver le refus de permis de construire sollicité par la société Les constructeurs du bois, l'arrêté attaqué relève que le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territorial (SCOT) préconise la création de cheminements doux entre les différents équipements publics et que le plan d'aménagement et de développement durables (PADD) du plan local d'urbanisme (PLU) prévoit la création d'un corridor de déplacement urbain et indique que le projet entrave la réalisation de cette traversée douce entre la place Jules Ferry et le centre-ville. Alors que la société requérante soutient qu'il est procédé par simple affirmation sans lien avec les caractéristiques de son projet et qu'en l'absence de la moindre indication sur ce point, aucune incompatibilité n'est à relever, la commune, qui n'a pas produit de mémoire en défense en appel, n'a apporté aucun début d'explication dans ses écritures de première instance et n'a pas non plus déféré à la mesure d'instruction de la cour lui demandant de produire le PADD en vigueur à la date de l'arrêté contesté. Il n'est ainsi pas établi que le projet litigieux serait incompatible avec le SCOT ou qu'il entraverait un projet figurant au PLU. Le motif du refus de permis de construire contesté est donc entaché d'une erreur de fait.
8. En troisième lieu, la requérante produit un message publié sur les réseaux sociaux le 23 février 2020 par le futur maire de la commune, alors candidat aux élections municipales, remettant en cause l'opportunité du projet de création d'une maison de santé par la société Les constructeurs du bois. Il y indique que la santé publique mérite l'intervention de la force publique, qu'il souhaite que la commune souhaite procéder à l'achat du terrain pour y promouvoir une maison communale de santé adossée à un projet de logements et de locaux commerciaux, et que la maison communale de santé sera pilotée dans le cadre de la constitution d'une communauté territoriale de professionnels de santé. Eu égard à ce message et au motif mentionné dans la décision de refus de permis de construire, celle-ci a été prise pour un motif étranger au droit de l'urbanisme et est ainsi, entaché d'un détournement de pouvoir.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les constructeurs du bois est fondée à demander l'annulation des décisions contestées.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA les Constructeurs du bois, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée en première instance par la commune de Thaon-les-Vosges au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Thaon-les-Vosges la somme de 1 500 euros demandée au titre des frais exposés par la société Les constructeurs du bois et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2003254 du tribunal administratif de Nancy du 28 juin 2022 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 22 juillet 2020 et la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté le 9 septembre 2020 sont annulés.
Article 3 : La commune de Thaon-les-Vosges versera à la société Les constructeurs du bois la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées en première instance par la commune
de Thaon-les-Vosges sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les constructeurs du bois et à la commune de Thaon-les-Vosges.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète des Vosges en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC02197 2