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21/11/2024 | FRANCE | N°21NC02158

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 21 novembre 2024, 21NC02158


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société RM Immo a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la décharge de l'obligation de payer la somme de 478 553 euros résultant de deux avis à tiers détenteur du 14 décembre 2018 relatifs à la taxe locale d'équipement et aux taxes annexes dues à raison de quatre permis de construire, la restitution d'une somme de 426 480 euros versée au titre de la taxe locale d'équipement et des taxes annexes relatives à trois permis de construire, la condamnati

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société RM Immo a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la décharge de l'obligation de payer la somme de 478 553 euros résultant de deux avis à tiers détenteur du 14 décembre 2018 relatifs à la taxe locale d'équipement et aux taxes annexes dues à raison de quatre permis de construire, la restitution d'une somme de 426 480 euros versée au titre de la taxe locale d'équipement et des taxes annexes relatives à trois permis de construire, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 263,11 euros en remboursement des frais bancaires résultant de saisies opérées sur ses comptes ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier.

Par un jugement n° 1900694 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2021, la société RM Immo, représentée par Me Jacquemet-Pommeron, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er juillet 2021 ;

2°) d'ordonner l'émission de titres d'annulation des créances mises à sa charge au titre des permis de construire n° 454 08 K1209 150, 449 08 N0006, 454 12 K0119 67 et 454 08 K1255, 454 07 K 1058, 051 474 11 J0007-1 et 454 12 K0086 ;

3°) d'ordonner le remboursement de la somme de 426 480 euros ;

4°) d'annuler les avis à tiers détenteur du 14 décembre 2018 ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 263,11 euros en remboursement des frais bancaires résultant de saisies opérées sur ses comptes ;

6°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la prescription était acquise s'agissant des créances mises à sa charge au titre des permis de construire n° 454 08 K 1209 150, 449 08 N0006, 454 12 K0119 67 et 454 08 K1255 ;

- le permis de construire n° 454 12 K0119 67 étant caduc, la demande de paiement est sans objet en application des dispositions de l'article L. 331-30 du Code de l'urbanisme ;

- le permis de construire n° 454 08 K1255 ayant été transféré, la direction des finances publiques doit s'adresser au nouveau titulaire du permis en application des dispositions de l'article L. 331-26 du Code de l'urbanisme ;

- les avis à tiers détenteur notifiés le 14 décembre 2018 sont irréguliers à défaut de mention des prénom, nom, qualité et service de leur auteur ;

- ils méconnaissent les délais imposés par les dispositions des articles L. 257-0 A et L. 257-0 B du livre des procédures fiscales (LPF) ;

- ils ne mentionnent pas les délais ouverts au tiers saisi pour procéder au versement des sommes saisies en méconnaissance de l'article L 262 du LPF ;

- la prescription est acquise dès lors que ces avis à tiers détenteur sont nuls ;

- s'agissant des créances mises à sa charge au titre des permis de construire n° 454 07 K 1058, 051 474 11 J0007-1, 454 12 K0086 et 454 08 K1255 qui ont été transférés, elle doit pouvoir bénéficier du délai de 5 ans pour contester la régularité des règlements effectués de bonne foi ;

- les lenteurs de l'administration sont en lien direct avec son préjudice financier et moral ;

- elle est bien fondée à solliciter le remboursement des frais bancaires engagés du fait des saisies réalisées sur les comptes.

Par une ordonnance n° 21NC03312 du 23 décembre 2021, la présidente de la cour a renvoyé la requête de la société RM Immo au Conseil d'Etat, sauf en tant qu'elle porte sur les redevances d'archéologie préventive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la réclamation préalable du 28 décembre 2018 était tardive ;

- le contentieux indemnitaire n'est pas lié ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le livre des procédures fiscales ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthou,

- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société RM Immo exerce une activité de marchand de biens immobiliers. Elle a obtenu sept permis de construire délivrés entre 2008 et 2016, dont quatre ont fait l'objet d'un transfert auprès d'autres sociétés et un pour lequel le refus de transfert a été prononcé en raison de l'absence de demande de prorogation dans les délais. Par des courriers du 29 décembre 2017 et du 28 décembre 2018, la société requérante a demandé la décharge de la somme de 478 553 euros résultant de deux avis à tiers détenteur du 14 décembre 2018, relatifs à des taxes locales d'équipement et des taxes annexes mises à sa charge à raison de quatre de ces permis de construire, ainsi que le remboursement de la somme de 426 480 euros qu'elle estime avoir payée à tort au titre de ces mêmes taxes relatives à trois de ces permis de construire. Ses demandes ayant été rejetées, elle a introduit une requête le 27 mars 2019 devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en sollicitant la décharge de l'obligation de payer la somme de 478 553 euros, la restitution de la somme de 426 480 euros et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 263,11 euros en réparation de ses préjudices. Par un jugement n° 1900694 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par la présente requête, la société RM Immo demande à la cour d'annuler ce jugement et de faire droit à ses demandes.

Sur l'étendue du présent litige :

2. Par une ordonnance n° 21NC03312 du 23 décembre 2021, la présidente de la cour a renvoyé au conseil d'Etat la requête de la société RM Immo sauf en ce qui concerne les conclusions relatives aux redevances d'archéologie préventive. Par une décision n° 459757 du 20 février 2023, le Conseil d'Etat a refusé l'admission du pourvoi.

3. Le présent arrêt statue en conséquence sur les seules conclusions relatives aux redevances d'archéologie préventive mises à la charge de la société RM Immo et qui ne concernent que le permis de construire n° 454 12 K 0086 délivré le 22 novembre 2012 portant sur un immeuble situé rue du Barbâtre à Reims, pour un montant de 1 430 euros, et le permis de construire n° 454 07 K 1058 délivré le 29 janvier 2008 portant sur immeuble rue Ponsardin à Reims, pour un montant de 3 331 euros, ainsi que sur les conclusions indemnitaires afférentes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions tendant au remboursement des redevances acquittées :

4. En premier lieu, la société appelante soutient que, s'agissant de créances mises à sa charge au titre des permis de construire n° 454 07 K 1058, 454 12 K0086 qui ont été transférés, elle doit pouvoir bénéficier du délai de 5 ans prévu par les dispositions de l'article L. 331-29 du code de l'urbanisme pour contester la régularité des règlements effectués de bonne foi. Toutefois ces dispositions portent sur l'action en recouvrement et ne sont ainsi pas applicables au présent litige.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 524-15 du code du patrimoine applicable à la date du permis de construire délivré pour l'immeuble rue Ponsardin, fait générateur de la redevance : " Les litiges relatifs à la redevance d'archéologie préventive sont de la compétence des juridictions administratives. Les réclamations relatives à l'assiette de la redevance sont adressées au service liquidateur, celles relatives au recouvrement et aux poursuites sont adressées au comptable compétent désigné par l'autorité administrative. Elles sont présentées et instruites selon les règles des titres III et IV du livre des procédures fiscales ". Aux termes l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales alors applicable : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. ".

6. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire a été émis le 11 mars 2008 pour la redevance d'archéologie préventive relative au permis de construire l'immeuble du 72 rue Ponsardin à Reims. Le permis de construire initial, délivré le 29 janvier 2008, a été transféré le 13 novembre 2011 et le permis modificatif du 22 août 2012 transféré le 13 mars 2013. Par suite et en admettant que ces transferts doivent être regardés comme les évènements qui motivent la réclamation du 29 décembre 2017, celle-ci a été formulée après l'expiration du délai de réclamation fixé à l'article R. 196-1 précité.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 524-15 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable à la date du fait générateur de la redevance concernant l'immeuble rue du Barbâtre : " Les réclamations concernant la redevance d'archéologie préventive sont présentées, instruites et jugées dans les conditions prévues aux articles L. 331-30 à L. 331-32 du code de l'urbanisme ". Aux termes de son article L. 524-8 : " (...) En cas de transfert total de l'autorisation de construire ou d'aménager, le redevable de la redevance est le nouveau titulaire du droit à construire ou d'aménager. Un titre d'annulation est émis au profit du redevable initial. Un titre de perception est émis à l'encontre du nouveau titulaire du droit à construire ou d'aménager. (...) ". Aux termes de l'article L. 331-31 du code de l'urbanisme alors applicable : " En matière d'assiette, les réclamations concernant la taxe d'aménagement sont recevables jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'émission du premier titre de perception ou du titre unique. ".

8. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire pour l'immeuble situé rue du Barbâtre à Reims a été émis le 6 mars 2014. Le permis de construire du 22 novembre 2012 avait préalablement été transféré le 28 mars 2013. Il résulte ainsi des dispositions précitées que, même en admettant que le transfert d'un permis de construire rouvre le délai de réclamation contre le titre de recette émis à l'encontre du bénéficiaire initial, la réclamation du 28 décembre 2018 a été formulée après l'expiration du délai de réclamation fixé à l'article L. 331-31 du code de l'urbanisme précité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société RM Immo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté comme tardives ses conclusions à fin de remboursement des redevances d'archéologie préventive.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions indemnitaires :

10. Dans ses courriers du 28 décembre 2018 et du 8 février 2019 adressés à l'administration fiscale, la société RM Immo se borne à relever de prétendues fautes de l'administration sans formuler de demande indemnitaire. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables, le contentieux n'étant pas lié, ses conclusions tendant au versement d'une somme de 10 000 euros à ce titre.

Sur les conclusions en injonction :

11. Le présent jugement, qui rejette les conclusions principales de la société RM Immo, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions en injonction de cette société ne peuvent par suite qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société RM Immo au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la société RM Immo tendant au remboursement des redevances d'archéologie préventive mises à sa charge au titre du permis de construire n° 454 12 K 0086 délivré le 22 novembre 2012 portant sur un immeuble situé rue du Barbâtre à Reims, pour un montant de 1 430 euros, et au titre du permis de construire n° 454 07 K 1058 délivré le 29 janvier 2008 portant sur un immeuble rue Ponsardin à Reims, pour un montant de 3 331 euros, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros, à l'édiction d'une injonction et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société RM Immo et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. BERTHOULe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC02158 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02158
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. David BERTHOU
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : CABINET JACQUEMET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;21nc02158 ?
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