Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 février 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.
Par un jugement n° 2305110 du 17 octobre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a intégralement fait droit à la demande de Mme C....
Procédure devant la cour :
I) Par une requête enregistrée le 17 novembre 2023, sous le numéro 23NC03380, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que Mme E... C... justifiait de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les éléments d'intégration qu'elle présente, notamment l'obtention d'un diplôme DELF A 1 et d'un CAP équipier polyvalent du commerce, spécialité vendeuse en chocolaterie ainsi qu'une promesse d'embauche, ne sont pas suffisants, par eux-mêmes, pour justifier une admission exceptionnelle au séjour ; son ancienneté sur le territoire français n'a été rendue possible qu'au bénéfice des autorisations de séjours provisoires délivrées à sa mère compte tenu de l'état de santé de son frère B... ; elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent son père, un oncle et une tante ; elle serait isolée en France puisque sa mère et son frère majeur, B..., ont été également destinataires de mesures d'éloignement dont la légalité a été validée par le tribunal administratif de Strasbourg.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, Mme C..., représentée par Me Andreini, conclut au rejet de la requête, demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet du Haut-Rhin ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 21 mars 2024.
II) Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 17 novembre 2023 et le 5 mars 2024, sous le numéro 23NC03381, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2305110 du 17 octobre 2023.
Le préfet soulève les mêmes moyens que ceux présentés à l'appui de sa requête susvisée n° 23NC03380 et demande à ce que soit écarté l'ensemble des moyens et prétentions de Mme A... C... tout en indiquant dans ses dernières écritures qu'il est envisagé de procéder à la fabrication prochaine d'un titre de séjour en faveur de l'intéressée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, Mme C..., représentée par Me Andreini, conclut au rejet de la requête, demande le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet du Haut-Rhin ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 21 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante kosovare, née le 2 avril 2002, déclare être entrée en France le 18 novembre 2019, alors qu'elle était âgée de 17 ans, accompagnée de sa mère et de ses deux frères mineurs. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 16 novembre 2020. Sa mère a obtenu plusieurs autorisations provisoires de séjour d'août 2020 à août 2022 compte tenu de l'état de santé de son fils B... avant qu'elle fasse l'objet d'un refus de séjour, suite à un avis du 2 août 2022 de l'office français de l'immigration et de l'intégration indiquant que son fils pouvait se faire soigner au Kosovo. Mme C... a sollicité un titre de séjour le 17 octobre 2022 sur le fondement des articles L. 422-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 février 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, le préfet du Haut-Rhin relève appel et demande le sursis à exécution du jugement du 17 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté pour erreur manifeste d'appréciation.
Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 mars 2024. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'intéressée tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la légalité de la décision du 10 février 2023 portant refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 431-5, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a quitté son pays d'origine alors qu'elle était encore mineure, âgée de 17 ans, et qu'à la date de la décision en litige elle séjournait en France depuis quatre ans. Mme C... a été scolarisée dès la rentrée de septembre 2020, au lycée Martin Schongauer en classe de seconde professionnelle " Métiers relation client " dans une classe UPE2A, au terme de laquelle les professeurs ont souligné son sérieux et ses bons résultats. En 2021, elle a obtenu le diplôme DELF A1 avec un résultat de 95/100. En 2023, elle a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) équipier polyvalent du commerce, spécialité vendeuse en chocolaterie, à l'occasion duquel le sérieux de sa démarche d'apprentissage a été souligné par ses professeurs. Lors de sa scolarité, elle a effectué un contrat d'apprentissage auprès d'une entreprise spécialisée dans la chocolaterie dont le responsable atteste de l'intégration de Mme C... au sein de l'équipe et du sérieux de son travail. Il est également constant qu'à la date de la décision, l'intéressée bénéficiait d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée dans le domaine de compétence de ses diplômes au sein même de l'entreprise dans laquelle elle avait réalisé son stage. Dans ces conditions, au regard de la durée, des conditions du séjour et de l'intégration professionnelle de Mme C... en France, le préfet a procédé à un examen manifestement erroné de sa situation en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Par suite, le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 10 février 2023 refusant de délivrer à Mme C... un titre de séjour et par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué :
7. Le présent arrêt s'étant prononcé sur l'appel du préfet du Haut-Rhin formé contre le jugement précité, qu'il a d'ailleurs rejeté, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête ci-dessus visée sous le numéro 23NC03381.
Sur les conclusions présentées par Mme C... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Andreini, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andreini d'une somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête d'appel du préfet du Haut-Rhin ci-dessus visée sous le numéro 23NC03380 est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet du Haut-Rhin à fin de sursis à exécution ci-dessus visée sous le numéro 23NC03381.
Article 4 : L'Etat versera à Me Andreini, avocate de Mme C..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Andreini renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Andreini et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
23NC03380, 23NC03381 2