Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... F... D... et Mme G... E... B... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 1er février 2023 par lesquels la préfète de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2300973, 2300974 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2023 sous le n° 23NC03114, M. D..., représenté par Me Richard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il le concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, le tout dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec remise d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de huit jours, également sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen sérieux de sa demande de délivrance d'un titre de séjour " entrepreneur " ;
- en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire, le préfet a entaché la décision en litige d'erreur de droit ;
- la décision en litige est intervenue en violation du droit d'être entendu qu'il tire du principe général des droits de la défense ;
- elle est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 421-5, L. 435-1, L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 7-a) de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige est illégale, par voie d'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par un principe général du droit de l'Union européenne et par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle est entachée de défaut d'examen ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants ;
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Termeau de la Selarl Actis Avocats, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable pour cause de tardiveté ;
- la demande de première instance est irrecevable pour cause de tardiveté ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
II.) Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2023 sous le n° 23NC03115, Mme D..., représentée par Me Richard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il la concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, le tout dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec remise d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de huit jours, également sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle développe les mêmes moyens et fait valoir les mêmes arguments que son mari dans la requête n° 23NC03114 et ajoute que la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 7-b) de l'accord franco-algérien.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2023, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable pour cause de tardiveté ;
- la demande de première instance est irrecevable pour cause de tardiveté ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les observations de Me Kao, avocat de la préfète de l'Aube.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants algériens nés respectivement en 1978 et en 1984, sont entrés régulièrement en France le 25 avril 2017, munis d'un visa de court séjour. La mesure d'éloignement adoptée le 16 novembre 2018 par le préfet de Seine-et-Marne à l'encontre C... D... à l'issue d'un contrôle d'identité a été annulée par un arrêt de la cour de céans du 29 décembre 2020. Le 24 novembre 2022, le couple a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien. Par des arrêtés du 1er février 2023, la préfète de l'Aube a refusé de faire droit à leur demande, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de deux ans. Par leurs requêtes, qui sont relatives à la situation d'un couple de ressortissants étrangers qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 1er février 2023.
Sur la légalité des refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Il ressort des termes mêmes des décisions en litige que la préfète a examiné la demande de régularisation présentée par M. et Mme D... au regard de chacune des stipulations de l'accord franco-algérien susceptibles de la fonder et indiqué, à chaque fois, les motifs pour lesquels elle estimait qu'ils ne remplissaient pas les conditions de délivrance des certificats de résidence algériens prévus par ces stipulations. Ainsi, pour refuser à M. D... un titre de séjour en qualité de " commerçant ", elle a retenu qu'il ne remplissait pas la condition d'être entré sur le territoire français muni d'un visa de long séjour prévu à l'article 9 de l'accord franco-algérien. Pour refuser à M. et Mme D... la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", la préfète de l'Aube a tenu compte de la durée de leur séjour en France, des conditions irrégulières de ce séjour, de la présence de leurs enfants, de l'absence de résidence stable et de ressources suffisantes et enfin de ce que la famille n'était pas dépourvue d'attaches en Algérie. Enfin, la préfète, qui a examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, a précisé qu'au regard des conditions de leur séjour en France et de l'ensemble des éléments relatifs à leur situation professionnelle, personnelle et familiale, les intéressés ne pouvaient être regardés comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels. Les décisions en litige comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La circonstance que certains motifs opposés par la préfète de l'Aube seraient entachés d'erreur de fait est sans incidence sur l'existence d'une motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 aux termes desquelles " les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence " n'ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les ressortissants algériens de l'obligation d'obtenir un visa de long séjour préalablement à l'entrée en France en vue de l'exercice d'une activité professionnelle.
5. Compte tenu du motif retenu pour refuser la délivrance à M. D... du certificat de résidence prévu par les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien, à savoir l'absence de présentation d'un visa de long séjour, le requérant ne saurait reprocher à la préfète de l'Aube de ne pas avoir examiné la viabilité économique de son entreprise. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dans l'examen de sa demande ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, la préfète de l'Aube a examiné la possibilité d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient de régulariser leur situation en leur délivrant le titre qu'ils demandaient ou un autre titre, ainsi qu'il lui est loisible de le faire. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, les décisions de refus de régularisation, qui sont motivées tant par leur situation professionnelle que personnelle et familiale sur le territoire français, ne sont pas entachées de défaut d'examen de leur situation. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas plus que d'autres dispositions législatives ou réglementaires, que les décisions de refus de titre de séjour ne pourraient être adoptées qu'après que les demandeurs auraient été mis en mesure d'être entendus. Par ailleurs, les intéressés ne contestent pas avoir pu présenter toute observation utile à l'appui de leur demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture. Enfin, les requérants ne sauraient se prévaloir d'un principe général des droits de la défense imposant de pouvoir présenter des observations orales avant l'intervention d'une décision prise en réponse à une demande qu'ils ont formulée.
8. En cinquième lieu, les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France pour y exercer une activité professionnelle autre que salariée, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés. Il s'ensuit que ne leur sont pas applicables les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fixent les conditions de délivrance des cartes de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " aux étrangers exerçant en France une activité non salariée. Ne leur sont pas non plus applicables les dispositions de l'article L. 421-1 du même code. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.
9. En sixième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
10. En septième lieu, et pour les mêmes motifs, M. et Mme D... ne sauraient utilement soutenir que les décisions de refus de titre de séjour en litige méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En huitième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Par ailleurs, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. M. et Mme D... résidaient depuis cinq ans et demi sur le territoire français, avec leurs six enfants mineurs, dont quatre entrés en France avec eux et deux qui y sont nés. Ils n'y possèdent aucune autre attache familiale, et n'établissent pas y avoir noué des relations amicales. Par ailleurs, à l'exception de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de l'activité d'import-export achat et vente de véhicules déclarée par M. D... en octobre 2022 et d'un contrat de garde d'enfants signé au demeurant postérieurement aux décisions en litige par Mme D..., les requérants ne justifient d'aucune intégration professionnelle en France. La circonstance que leurs enfants sont scolarisés ne suffit pas à leur ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas établi que les requérants auraient définitivement ancré en France l'essentiel de leur vie privée et familiale. Par suite, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour poursuivre sa vie familiale, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige méconnaissent ces stipulations, ni celles de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien.
13. En neuvième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " ; b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ".
14. M. et Mme D... se prévalent de ces stipulations sans établir qu'ils rempliraient les conditions pour se voir délivrer les certificats de résidence qu'elles prévoient. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
15. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
16. D'une part, les décisions en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer M. et Mme D... de leurs six enfants mineurs. D'autre part, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les cinq aînés, qui étaient respectivement, en classes de 4ème, de 6ème, de CM1, de CP et de moyenne section de maternelle, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur refusant un titre de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 3 -1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
17. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français seraient illégales compte tenu de l'illégalité des refus de titre de séjour.
18. En second lieu, d'une part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Les requérants ne sauraient ainsi utilement soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire méconnaîtraient ces dispositions.
19. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile ou de sa demande de titre de séjour.
20. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
21. M. et Mme D..., qui ne pouvaient raisonnablement ignorer qu'en cas de rejet de leur demande de titre de séjour, ils étaient susceptibles de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ont pu présenter, dans le cadre de l'instruction de leur demande, des observations écrites. Par ailleurs, ils n'établissent pas, ni même n'allèguent avoir sollicité un entretien avec les services de la préfecture. En outre, ils ne précisent pas qu'ils disposaient d'autres informations pertinentes tenant à leur situation personnelle que l'administration n'aurait pas déjà eues et qu'ils auraient été empêchés de porter à la connaissance de la préfète de l'Aube avant que ne soient prises les mesures d'éloignement qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle aux décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
22. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination seraient illégales compte tenu de l'illégalité des refus de titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français.
23. En deuxième lieu, il ressort des décisions en litige qu'elles mentionnent que M. et Mme D... ne démontrent pas être dépourvus d'attaches en Algérie ni n'établissent que leur vie ou leur liberté y sont menacées ou qu'ils y sont exposés à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions en litige manque en fait et doit être écarté.
24. En troisième lieu, la motivation des décisions fixant le pays de destination atteste que la préfète de l'Aube a procédé, compte tenu des éléments dont elle disposait, à l'examen de la situation C... et Mme D... dans leur pays d'origine. Les requérants ne sauraient utilement se prévaloir, pour contester les décisions fixant le pays à destination duquel ils peuvent être éloignés d'office, des liens qu'ils auraient tissés sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.
25. En dernier lieu, les six enfants mineurs C... et Mme D..., qui sont au demeurant tous de nationalité algérienne, ont vocation à suivre leurs parents en Algérie. Les requérants, qui n'allèguent pas que leurs enfants courraient des risques de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans leur pays de nationalité, ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant l'Algérie comme pays de destination méconnaîtraient l'intérêt supérieur de leurs enfants.
Sur la légalité des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
26. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant interdiction de retour sur le territoire français seraient illégales compte tenu de l'illégalité des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français.
27. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes des décisions en litige, adoptées sur le fondement de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elles précisent notamment que rien ne s'oppose à la scolarisation de leurs enfants mineurs en Algérie, que les intéressés ne démontrent pas avoir tissé de liens anciens, stables et intenses sur le territoire français, et qu'ils n'ont ni ressources ni résidence stables. Elles comportent ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
28. En troisième lieu, il ressort de la décision prise à l'encontre C... D... qu'il a été procédé à l'examen de sa situation personnelle sur le territoire français. Si la décision mentionne, à tort, qu'il s'est soustrait à la mesure d'éloignement du 16 novembre 2018, alors que cette décision a été annulée par cette cour, cette circonstance n'est pas de nature à considérer que la préfète de l'Aube n'a pas procédé à l'examen de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
29. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation C... et Mme D... sur le territoire français, telle que décrite au point 12 ci-dessus, permettrait de considérer qu'en leur faisant interdiction de retour pendant une durée de deux ans, la préfète de l'Aube aurait fait une inexacte application des dispositions applicables.
30. En dernier lieu, pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
31. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 1er février 2023. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes C... et Mme D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... D..., à Mme G... E... B... épouse D..., à Me Richard et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC03114, 23NC03115