La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2024 | FRANCE | N°23NC02998

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 15 novembre 2024, 23NC02998


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.



Par un jugement n° 2301137 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 26 septembre 2023, Mme B..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire national dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Par un jugement n° 2301137 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision attaquée ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé et sous besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de séjour : méconnaît les articles L. 423-23, L. 422-1 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire : est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation.

Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle par décision du 25 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante kosovienne, née le 17 janvier 2000, est entrée en France de manière irrégulière le 21 novembre 2014, à l'âge de 14 ans, accompagnée de ses parents et de ses frères. Le 23 septembre 2020, elle a sollicité pour la première fois son admission au séjour en tant qu'étudiante. Sa demande de séjour a fait l'objet, le 11 février 2021, d'un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Le 24 novembre 2011, Mme B... a alors sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 422-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 août 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 25 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., entrée sur le territoire français en 2014 à l'âge de 14 ans, a été inscrite au collège Lezay Marnesia entre 2014 à 2015, puis au lycée La Hotoie, à Amiens, de 2016 à 2019, avant de s'inscrire en 1ère année de licence en droit en Picardie au titre de l'année universitaire 2019-2020. Elle a redoublé cette 1ère année de licence l'année 2020-2021, avant de s'inscrire une nouvelle fois dans le même cursus au même niveau à l'université de Strasbourg pour l'année 2021-2022. La requérante justifie s'être ensuite réorientée avec succès en BTS comptabilité-gestion en 2022-2023. Mme B... justifie, par ses bulletins scolaires, avoir suivi une scolarité sérieuse et investie au collège et avoir été admise en deuxième année de son BTS avec d'excellents résultats, diplôme dont elle était sur le point de passer l'examen lorsque la décision attaquée a été prise. L'intéressée justifie, à côté de ses études, de la réalisation de stages, d'un emploi salarié à durée déterminée ainsi que d'actions de bénévolats ainsi que de la présence régulière en France d'un de ses frères majeurs. Dans ces conditions, au regard de la durée, des conditions du séjour et de l'intégration professionnelle de Mme B... en France, le préfet a entaché, en l'espèce, sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 4 aout 2022.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que la préfète du Bas-Rhin délivre à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, de l'enjoindre d'y procéder selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chebbale, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chebbale de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2301137 du 25 mai 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 4 août 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Chebbale la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Chebbale renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Chebbale et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC02998

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02998
Date de la décision : 15/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-15;23nc02998 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award