Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel la préfète des Vosges lui a refusé le séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office et l'a interdite de retour sur le territoire national pendant un an.
Par un jugement n° 2300225 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 septembre 2023, Mme C..., représentée par Me Gehin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le refus de séjour : a été pris en violation du droit d'être entendue, de la procédure contradictoire préalable et du droit à être assistée de son avocat ; est entaché d'erreur de droit en ce que l'autorité préfectorale n'a pas statué sur l'application de l'article L. 423-23 qui fondait sa demande et dont elle remplit toutes les conditions ; méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 435-1 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire : a été prise en violation du droit d'être entendue, de la procédure contradictoire préalable et du droit à être assistée de son avocat ; est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ; méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 435-1 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- l'appel est tardif, n'ayant pas été formé dans les trente jours de la notification de la décision d'aide juridictionnelle du 7 août 2023 ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle par décision du 7 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., née le 17 mars 1982, ressortissante arménienne est entrée en France le 14 mars 2017 avec son mari et ses enfants mineurs, pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par une décision du 10 août 2017 de la cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 6 février 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnante d'étranger malade compte tenu de l'état de santé de son mari. Par un arrêté du 15 novembre 2018, Mme C... a fait l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 10 mars 2021, la requérante a fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français. Par un courrier du 7 novembre 2022, Mme C... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour qui lui a été refusée par un arrêté du 15 novembre 2022 portant également obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme C... relève appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne les moyens communs aux différentes décisions attaquées :
2. Il y a lieu d'écarter les moyens soulevés par Mme C... tirés de l'absence de motivation de l'arrêté attaqué, de la méconnaissance de la procédure contradictoire, du droit d'être entendu au sens de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du droit d'être assisté par un avocat par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les premiers juges.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale se serait refusée à examiner l'ensemble de la situation personnelle et familiale de la requérante avant de prendre les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le refus de séjour :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
5. Mme C... soutient qu'elle a transféré en France le centre de ses intérêts privés, en faisant valoir notamment sa durée de présence et ses liens personnels et familiaux. Elle fait valoir qu'elle est entrée en France en 2017, qu'elle a divorcé et vit dorénavant avec un ressortissant turc qui séjourne régulièrement en France. Elle est bénévole au secours catholique et dispose d'une promesse d'embauche pour un poste d'agent d'entretien. Elle a un enfant mineur scolarisé au collège et un enfant majeur qui a fait une demande de délivrance d'un titre de séjour. Toutefois, l'intéressée ne doit son temps de présence en France qu'à la circonstance qu'elle n'a pas exécuté de précédentes mesures d'éloignement. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... s'est déclarée en concubinage avec M. B... en septembre 2022 et qu'ils vivent ensemble depuis mars 2022. En admettant établie la communauté de vie, celle-ci ne datait que de huit mois à la date de la décision contestée. Si la requérante soutient qu'ils se sont mariés le 7 mars 2023 à la mairie de Saint-Dié-des-Vosges, cette allégation est matériellement inexacte ainsi qu'en justifie l'administration en défense. Il n'est pas établi que les enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine dans lequel vit leur père. Dans ces conditions, en dépit de leurs efforts d'intégration, c'est sans méconnaître les normes ci-dessus reproduites et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la préfète des Vosges a refusé le séjour à Mme C....
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination :
6. Il y a lieu d'écarter les moyens invoqués à l'encontre de ces décisions par les mêmes motifs que ceux retenus à juste titre par les premiers juges.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir invoquée par l'administration en défense, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Gehin et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète des Vosges.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC02939
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