Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 mai 2023 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2303629 du 30 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2023, M. A..., représenté par Me Boia de la Selarl Le Cab Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- elles sont illégales compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 7 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant angolais né en 1985, est entré en France le 22 novembre 2019 selon ses déclarations. A l'issue du rejet de sa demande d'asile, il a fait l'objet d'un arrêté du 3 juin 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français. Le 24 juin 2022, il a sollicité le réexamen de sa demande d'asile et, le 16 août 2022, son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 5 mai 2023, le préfet de la Moselle a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 30 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionné à l'article R. 425-11, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 16 janvier 2023, sur lequel s'est fondé le préfet de la Moselle pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A..., que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Compte tenu du sens de cet avis, il appartient à M. A... de produire des éléments pour remettre en cause cette présomption et, le cas échéant, au préfet de les contester, la conviction du juge se déterminant au vu de ces échanges contradictoires. Il ressort des certificats médicaux qu'il produit que M. A... présente une bascule pelvienne et un décalage des membres inférieurs, générant une douleur décrite comme quasiment permanente pour laquelle lui est prescrit un traitement par Garapentine et Codéine. Il bénéficie par ailleurs d'un suivi psychologique et psychiatrique depuis décembre 2021 au sein de la cellule d'urgence médico-psychologique, ainsi que d'un traitement par anxiolytique et neuroleptique pour des troubles en lien avec les événements qui l'ont conduit à l'exil et avec sa situation sociale et administrative en France. Le requérant se prévaut de l'attestation d'un médecin d'une clinique privée de Luanda dont il ressort que plusieurs éléments de son traitement ne seraient pas commercialisés dans les pharmacies du pays, et qui fait état d'insuffisance d'équipements médicaux, de médecins spécialistes en neuropsychiatrie. Il soutient aussi, sans au demeurant l'établir, que l'intégralité de son traitement représenterait 84 % du salaire minimum mensuel dans son pays. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir que M. A... ne pourrait pas bénéficier du traitement et du suivi appropriés à ses deux pathologies, ou à tout le moins équivalents, en Angola. Quant au rapport établi par l'OSAR en mars 2013, il présente des données sur la situation du système de santé et de la prise en charge psychiatrique dans ce pays relatives à l'année 2011 et ne permet pas non plus de combattre l'avis du collège des médecins de l'OFII quant à la possibilité pour M. A... de bénéficier d'une prise en charge effective de son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour serait entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
7. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne fixe pas le pays de destination.
8. En dernier lieu, M. A... soutient que sa vie sera en danger en cas de retour en Angola. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la mesure d'éloignement prise à son encontre serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. D'une part, si M. A... a indiqué, dans un courrier qu'il a adressé au président de la République que ses enfants et leur mère auraient fui au Congo Brazzaville et qu'il sera arrêté directement à l'aéroport en cas de retour en Angola, il ne produit aucune pièce pour établir qu'il serait exposé à des risques réels et actuels de subir des traitements contraires à ceux proscrits par l'article 3 de la convention précitée. L'OFPRA et la CNDA ont d'ailleurs rejeté sa demande d'asile ainsi que sa demande de réexamen. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé ni à une réduction significative de son espérance de vie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés au point précédent, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Boia et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 23NC02605