Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 pour un montant total de 130 800 euros.
Par un jugement n° 2007603 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016 pour un montant total de 237 089 euros.
Par un jugement n° 2007604 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 22NC01036 le 27 avril 2022, l'EURL B..., représentée par Me Wartel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2007603 du 22 mars 2022 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration a considéré comme injustifiés les montants portés au crédit du compte courant 455, pour l'année 2015, qui procèdent d'un reclassement et ont une contrepartie au débit du même compte ; ces écritures d'opérations diverses ne matérialisent aucun apport ni prélèvement en compte courant et correspondent seulement à des opérations diverses de compte à compte en fin d'exercice ;
- au titre de 2016, en l'absence de flux financier, l'administration ne peut pas s'interroger sur la justification des écritures au crédit du compte pour des montants de 85 414 et 81 050 euros alors que ces mêmes montants sont annulés par des écritures correspondantes au débit du même compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL B... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 22NC01062 le 29 avril 2022,
M. et Mme B..., représentés par Me Wartel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2007604 du 22 mars 2022 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- aucun revenu distribué ne peut être constaté au titre de l'année 2015 dès lors que c'est à tort que l'administration a considéré comme injustifiés les montants portés au crédit du compte courant 455 qui procèdent d'un reclassement et ont une contrepartie au débit du même compte ; ces écritures d'opérations diverses ne matérialisent aucun apport ni prélèvement en compte courant et correspondent seulement à des opérations diverses de compte à compte en fin d'exercice ;
- aucun revenu distribué ne peut être constaté au titre de 2016 dès lors qu'en l'absence de flux financier, l'administration ne peut pas s'interroger sur la justification des écritures au crédit du compte pour des montants de 85 414 et 81 050 euros alors que ces mêmes montants sont annulés par des écritures correspondantes au débit du même compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2022, le ministre de l'économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Laurence Stenger, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cyrielle Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL B..., créée le 13 novembre 2006 et dont M. A... B... est le gérant et l'associé unique, exerce une activité de nettoyage des bâtiments. L'EURL B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2015 et 2016. À l'issue des opérations de contrôle, par une proposition de rectification du 6 septembre 2018, établie selon la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, l'administration l'a informée qu'elle envisageait de l'assujettir notamment à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés d'un montant, en droits et pénalités, de 33 375 euros au titre de l'année 2015 et de 97 425 euros au titre de l'année 2016, en raison de la réintégration, dans ses résultats imposables, de sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de la société qu'elle a regardées comme générant des passifs injustifiés. Contestées, ces impositions ont été maintenues par une réponse aux observations du contribuable du 17 janvier 2019. Elles ont été mises en recouvrement le 15 octobre 2019. La réclamation préalable présentée par la société le 20 novembre 2019 a fait l'objet d'une décision de rejet du service le 21 septembre 2020. L'administration fiscale a par ailleurs estimé que M. B... devait être regardé comme bénéficiaire de revenus distribués au sens des dispositions du 2° de l'article 109 du code général des impôts, à hauteur des sommes réintégrées dans les bénéfices de l'EURL B.... Par une proposition de rectification du 6 septembre 2018, notifiée selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a porté à la connaissance des époux B... qu'il envisageait de rehausser en conséquence leurs revenus de capitaux mobiliers imposables des années 2015 et 2016. M. et Mme B... ont fait part de leurs observations, auxquelles l'administration fiscale a répondu en maintenant les redressements, le 17 janvier 2019. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis de majorations pour manquement délibéré, ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2019. La réclamation préalable des époux B... a été rejetée par l'administration le 21 septembre 2020. Par les requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, l'EURL B..., d'une part, et M. et Mme B..., d'autre part, relèvent respectivement appel, chacun en ce qui le concerne, des jugements ci-dessus visés par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.
Sur les bénéfices imposables de l'EURL B... :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office :/ (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure ". Selon l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
3. L'EURL B... n'a pas déposé dans les délais impartis par les dispositions précitées sa déclaration de résultats au titre de chacun des exercices clos en 2015 et 2016, en dépit de mises en demeure d'avoir à le faire qui lui ont été notifiées le 22 février 2018. Par suite, c'est régulièrement que son bénéfice relatif à ces exercices a été taxé d'office en application des dispositions précitées. Il incombe, en conséquence, à la société requérante de rapporter la preuve du caractère exagéré des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés établies par l'administration en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les apports au compte-courant ouvert au nom de M. B... :
4. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 54 du même code : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ".
Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de prendre en compte, pour la détermination de l'actif net à la clôture de l'exercice, toutes les dettes qui sont mises à la charge de la société envers des tiers si ces dettes sont, à la date de la clôture de l'exercice, certaines dans leur principe et dans leur montant. Il appartient au contribuable de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.
5. L'EURL B... soutient en appel que les écritures comptables en litige sont sans incidence sur ses résultats imposables, au titre des deux années concernées, dès lors qu'elles affectent aussi bien le crédit du compte courant d'associé n°455 que le débit du même compte pour des montants identiques. Elle ajoute que ces écritures correspondent à des opérations diverses de compte à compte en fin d'exercice qui n'ont donné lieu à aucun flux financier. Elle en déduit que c'est donc à tort que l'administration fiscale a regardé les sommes en cause comme générant un passif injustifié au titre des années 2015 et 2016.
6. Toutefois, les sommes en litige, portées au crédit du compte courant de M. B..., gérant et associé unique de la société requérante, matérialisent l'existence de dettes à l'égard de ce dernier au titre des deux années vérifiées. Par conséquent, elles doivent être justifiées en tant que telles, quelle que soit leur origine. Aussi, et contrairement à ce que soutient l'EURL B..., la seule circonstance que des sommes équivalentes à celles inscrites aux crédits du compte courant d'associé n° 455 ont été débitées de ce même compte ne suffit pas à justifier, à elle seule, l'origine de ces crédits, en l'absence d'éléments précis justifiant les opérations diverses évoquées par l'EURL B.... Par suite, c'est à bon droit que le service a réintégré dans les résultats imposables de la société B... les sommes litigieuses, au titre des années 2015 et 2016, en les regardant comme des dettes injustifiées et par suite comme des sommes non déductibles des valeurs d'actif pour l'application des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts.
Sur les revenus de capitaux mobiliers de M. et Mme B... :
7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
8. En appel, M. et Mme B... se bornent à contester les impositions qui leur ont été assignées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2 du 1 de l'article 109 du code général des impôts, à raison des revenus réputés distribués correspondant aux rectifications ci-dessus analysées, par les mêmes moyens que ceux soulevés par l'EURL B.... Il y a lieu, par suite, d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4, 5 et 6 ci-dessus. Par ailleurs, si en première instance, les requérants soutenaient que la somme en litige trouvait sa contrepartie à hauteur de 100 054 euros, dans deux écritures enregistrées au débit du compte 455100, pour des montants respectifs de 81 050 euros et 19 004 euros, ils ne justifient toujours pas, à hauteur d'appel, de l'origine des sommes inscrites au crédit de ce même compte. De même, s'ils soutenaient également qu'à hauteur de 95 000 euros, le crédit en litige correspondait à la rémunération de M. B..., et qu'aucune écriture comptable d'un montant de 81 050 euros n'apparaissait dans ses comptes, les requérants ne produisent aucun élément justifiant la réalité des apports correspondant aux écritures créditrices en litige. Enfin, et comme l'ont estimé les premiers juges, M. et Mme B... ne peuvent utilement se prévaloir de maladresses dans l'enregistrement des écritures comptables de l'EURL B.... C'est par suite à bon droit que l'administration a imposé entre leurs mains les sommes en litige, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 109 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL B..., M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués le tribunal administratif de Strasbourg a respectivement rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées présentées respectivement par l'EURL B... et M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL B..., à M. et Mme A... B... et au ministre du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
22NC01036, 22NC01062 2