Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 avril 2023 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2300867 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Gervais, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 juillet 2023 ;
2°) à titre principal d'annuler l'arrêté du 21 avril 2023 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, subsidiairement, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, subsidiairement, sous la même condition de délai, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Il soutient que :
sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les articles L. 435-1, L. 435-2 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant bangladais, né en 1993, est entré en France irrégulièrement, selon ses déclarations, en 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 avril 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 février 2019. Le 11 avril 2021, l'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 21 avril 2023, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 4 juillet 2023, dont M. A... fait appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des articles L. 435-2 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas sollicité un titre de séjour sur ces fondements et que le préfet de la Marne ne s'est pas prononcé d'office sur ces articles qui ne constituent pas des cas de délivrance de plein droit d'un titre de séjour.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
4. M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié et fait valoir qu'il travaille sur le territoire français depuis 2021. Toutefois, si l'intéressé justifie avoir disposé de contrats de travail, et en dernier lieu, depuis le 2 novembre 2021, d'un contrat de travail à durée indéterminée en tant qu'agent polyvalent dans une pizzéria, ces éléments démontrent seulement une insertion professionnelle, au demeurant sans autorisation de travail, très récente à la date de la décision en litige et ne suffisent pas à justifier que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels. Il s'ensuit qu'en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... se prévaut d'une présence en France de plus de cinq ans, elle n'est due qu'au temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile et à son maintien irrégulier sur le territoire en dépit d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 22 juillet 2019 par le préfet de Seine-Saint-Denis. Il n'apporte, en outre, aucun élément pour établir la réalité des liens intenses et stables qu'il allègue avoir tissés en France. Son insertion professionnelle est relativement récente à la date de la décision contestée. Enfin, il n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, et alors même qu'il maîtriserait la langue française, le préfet de la Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 précité, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels le titre de séjour a été refusé. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Dès lors que M. A... n'invoque pas d'argument différent à son soutien, le moyen invoqué à l'encontre de la mesure d'éloignement tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans aucun délai de départ volontaire. Si l'intéressé se prévaut de la durée de résidence sur le territoire français d'un peu plus de cinq ans, il n'a pas établi y avoir transféré le centre de ses intérêts ainsi qu'il a été exposé au point 6. En outre, une telle circonstance ne constitue pas une circonstance humanitaire pouvant justifier que le préfet ne prononce pas d'interdiction de retour à son encontre. Enfin, eu égard à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, à la durée de sa présence en France au regard de celle qu'il a passée au Bangladesh et à l'inexécution d'une précédente obligation de quitter le territoire, en décidant de prendre à l'encontre de M. A... une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, alors même que l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Marne n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie de l'arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 23NC02823 2