Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et Mme A... B... ont, chacun, demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 le concernant par lequel la préfète de l'Aube a refusé de les admettre chacun au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.
Par un jugement n° 2300944 et n° 2300945 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I.- Par une requête, enregistrée le 2 août 2023, sous le n° 23NC02575, M. B..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire et, subsidiairement, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
sur la décision de refus de titre de séjour :
- la décision de refus de titre de séjour n'est pas motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle ne comporte pas de motifs de fait et de droit ;
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II.- Par une requête, enregistrée le 2 août 2023, sous le n° 23NC02576, Mme B..., représentée par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire et, subsidiairement, de réexaminer sa situation en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sur la décision de refus de titre de séjour :
- la décision de refus de titre de séjour n'est pas motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle ne comporte pas de motifs de fait et de droit ;
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. et Mme B... ont chacun été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 janvier 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants kosovars, nés respectivement en 1984 et 1988, sont entrés irrégulièrement en France, selon leurs déclarations, le 22 novembre 2012. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 novembre 2013, confirmées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 23 septembre 2014. A l'issue de la procédure d'asile, par des arrêtés du 4 novembre 2014, le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêt du 10 mai 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2015 rejetant leurs recours en annulation exercés contre ces arrêtés. Le 11 juillet 2022, M. et Mme B... ont sollicité un titre de séjour. Par des arrêtés du 17 février 2023, la préfète de l'Aube a rejeté leur demande de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office. M. et Mme B... font appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Les requêtes présentées par M. et Mme B... concernent les deux membres d'un même couple. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance, complétées en appel, et notamment des documents médicaux, des autorisations provisoires de séjour de M. B..., renouvelées tous les trois mois, entre janvier 2013 et juillet 2014, des justificatifs de remboursement de soins, des quittances de loyer de décembre 2014 à avril 2019, des factures d'électricité depuis 2015 et des bulletins de salaire, que les requérants ont résidé habituellement sur le territoire français entre 2013 et 2015. Pour les années suivantes, ils ont également produit de nombreuses pièces, et notamment, outre les quittances de loyer précitées, des certificats de scolarité, des fiches de paie et des factures de nature à établir leur maintien en France. Ainsi, contrairement à ce que soutient la préfète, les requérants justifient d'une présence continue de plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Il s'ensuit que les intéressés sont fondés à soutenir qu'en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de l'Aube a entaché les décisions de refus de titre de séjour du 17 février 2023 d'un vice de procédure, qui a été de nature à priver M. et Mme B... d'une garantie.
5. Par suite, les décisions portant refus de titre de séjour du 17 février 2023, ainsi que, par voie de conséquence, celles prises le même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés de la préfète de l'Aube du 17 février 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu et dès lors qu'aucun autre moyen susceptible d'être accueilli n'est de nature à exercer une influence sur le sens de l'injonction, le présent arrêt implique seulement d'enjoindre à la préfète de l'Aube de procéder à un nouvel examen des demandes de M. et Mme B..., après avoir saisi la commission du titre de séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de procéder à ce réexamen, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans cette attente de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
8. M. et Mme B... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocate des intéressés renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gaffuri, avocate de M. et Mme B..., de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300944-2300945 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 juillet 2023 et les arrêtés de la préfète de l'Aube du 17 février 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Aube de procéder, après saisine de la commission du titre de séjour, au réexamen des demandes de M. et Mme B..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de leur délivrer immédiatement, à chacun, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gaffuri, conseil de M. et Mme B... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie de l'arrêt sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- Mme Roussaux, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N°s 23NC02575,23NC02576 2