Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Par un jugement n° 2300597 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 juillet 2023, le 11 septembre 2023 et le 3 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Hakkar, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige méconnaît les stipulations du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, celles des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la menace à l'ordre public n'est pas établie dès lors qu'il conteste les violences commises à l'égard de son ancienne compagne et de son enfant ;
- il contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 août et 22 septembre 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, est entré en France, selon ses déclarations, en 2019. Il a sollicité, par un courrier du 14 septembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa qualité de parent d'un enfant de nationalité française, né le 29 mai 2021. Après consultation de la commission du titre de séjour, qui a émis un avis défavorable, par un arrêté du 20 janvier 2023, le préfet du Doubs a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement n° 2300597 du 15 juin 2023, dont M. A... fait appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une ordonnance du juge des enfants du 25 août 2022, la fille de M. A... a été placée provisoirement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance des Alpes-Maritimes, mesure qui a été prolongée par un jugement d'assistance éducative du 9 septembre 2022. Dans le cadre de cette mesure, le juge des enfants a dispensé chacun des parents de toute contribution à l'entretien et à l'éducation de la fillette et organisé au profit du requérant un droit de visite médiatisé à raison d'une fois par mois. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un rapport du 13 septembre 2023 du service " enfance famille " du département du Doubs, que M. A... a régulièrement rendu visite à sa fille, en dépit de son éloignement. La persistance des liens et l'intérêt qu'il a manifesté à l'égard de son enfant ont été confirmés par une attestation de la directrice de la pouponnière où était placée la fillette. Ainsi, l'intéressé, qui a respecté les termes fixés par la décision du juge des enfants et a exercé effectivement son droit de visite à l'égard de sa fille, doit être regardé comme contribuant à l'entretien et à l'éducation de cette dernière. La satisfaction de cette seule condition suffit à la délivrance d'un certificat de résidence en vertu des stipulations du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité.
4. Toutefois, ces dernières ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un procès-verbal d'audition du 4 mai 2023, que l'ancienne compagne de M. A... a porté plainte contre lui en raison notamment de violences physiques qu'il a commises à son encontre. Le requérant a reconnu ces faits qu'il justifie par la nécessité de se défendre contre l'agression de sa compagne avec une arme blanche. Néanmoins, ni l'attestation produite pour les besoins de la cause par le requérant pour corroborer ce prétendu état de légitime défense, ni le retrait par son ancienne compagne, par un courrier du 18 novembre 2022, de sa plainte ne sont de nature à ôter à ces faits leur caractère délictueux. M. A... ne peut pas, en outre, utilement se prévaloir de la présomption d'innocence dès lors que la décision contestée n'a pas le caractère d'une sanction mais celui d'une mesure de police administrative. L'absence de condamnation pénale à la date de la décision en litige ne s'oppose pas à l'appréciation par le préfet de l'existence d'une menace à l'ordre public, étant observé que l'intéressé a été convoqué devant le tribunal correctionnel pour ces faits. Il ressort également des pièces du dossier que le requérant a reconnu des faits de violence à l'égard de sa fille, marquée par des ecchymoses sur les joues, pour lesquels il a été contraint de suivre un stage de responsabilité parentale en 2023. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de ces faits et à leur gravité, le préfet du Doubs a pu considérer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que le comportement de M. A... constituait une menace pour l'ordre public et décider, en conséquence, de refuser de lui délivrer un certificat de résidence. Il résulte de l'instruction que le préfet du Doubs aurait pris la même décision de refus de délivrance du certificat de résidence s'il s'était fondé sur ce seul motif tiré de la menace à l'ordre public.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Si M. A... se prévaut de sa qualité de parent d'une enfant de nationalité française, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur.
Copie de l'arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- M. Lusset, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 23NC02239 2