Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société F2M a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le préfet du Doubs a implicitement rejeté sa demande du 17 janvier 2018 tendant à la mise en œuvre de ses pouvoirs de police à l'encontre du bar " La Fontaine " et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Doubs de prendre toute mesure nécessaire aux fins de faire cesser l'atteinte à la tranquillité publique.
Par un jugement n° 1900434 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 avril 2021, 25 et 26 janvier 2024, la société F2M, représentée par Me Landbeck, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1900434 du 25 février 2021 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le préfet du Doubs a implicitement rejeté sa demande du 17 janvier 2018 tendant à la mise en œuvre de ses pouvoirs de police à l'encontre du bar " La Fontaine " ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de prendre toute mesure nécessaire aux fins de faire cesser l'atteinte à la tranquillité publique ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier et se sont mépris sur le sens de la demande du 17 janvier 2018 : sa demande ne visait pas une quelconque mesure mais était plus large et sollicitait du préfet de bien vouloir procéder à un rappel à la loi à l'égard du bar " La Fontaine " tant au niveau des horaires que des modalités d'application de l'ouverture de ce bar ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant que le préfet avait pris des mesures appropriées : s'il a radié l'établissement " La Fontaine " de la charte de la vie nocturne, cette radiation est postérieure à la décision de refus implicite litigieuse et cette radiation ne fait, au contraire, que révéler l'existence des nuisances et de la carence du préfet ;
- le préfet a méconnu ses pouvoirs de police qu'il détient de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales :
. d'une part, les nuisances sont établies :
. d'autre part, la carence du maire de Besançon est établie ; alors que le préfet connaissait les difficultés liées à l'établissement " La Fontaine ", il n'a pas mis en demeure le maire de réagir comme le prévoit l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ;
- le préfet, qui dispose d'un pouvoir autonome, sans être lié par une quelconque carence de l'autorité municipale, n'a pas fait usage des pouvoirs qu'il détient en vertu des articles L. 3332-15 et R. 1334-31 du code de la santé publique, de l'article L. 333-1 du code de la sécurité intérieure, de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2016 portant réglementation de la police des débits de boissons et de celui du 19 avril 2005 réglementant les bruits de voisinage.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le jugement du tribunal administratif de Besançon n'est pas entaché d'irrégularité et il est suffisamment motivé ;
- si la requérante fait valoir que c'est à tort que les premiers juges se seraient fondés sur des circonstances postérieures à la décision en litige pour juger que l'autorité administrative n'était pas restée inactive, ce n'est qu'à titre surabondant que le tribunal a relevé que le bar " La Fontaine " avait perdu, postérieurement à la décision attaquée, l'autorisation d'ouverture tardive dont il bénéficiait en vertu d'un arrêté du 17 décembre 2018 ;
- la requérante n'établit pas l'existence d'atteintes répétées à la tranquillité publique, en particulier de nuisances sonores ;
- le préfet n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 2212-2 (2°) et L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales ;
- le préfet n'a pas fait preuve de carence en ne faisant pas usage des dispositions de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ; dans un rapport du 25 avril 2018 la direction départementale de la sécurité publique du Doubs a conclu à l'absence d'infraction et de troubles à l'ordre public commis par l'établissement ;
- le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne procédant pas à la fermeture administrative du bar " La Fontaine " au regard des dispositions de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique et L. 333-1 du code de la sécurité intérieure.
Un mémoire de production de pièces a été produit par la requérante le 26 septembre 2024 mais n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux , première conseillère,
- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,
- et les observations de M. A..., gérant de l'hôtel " Vauban " exploité par la société F2M.
Une note en délibéré de la société F2M a été enregistrée le 14 octobre 2024 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 janvier 2018, la société F2M, qui exploite l'hôtel " Vauban " à Besançon, a demandé au préfet du Doubs de mettre en œuvre ses pouvoirs de police à l'encontre du bar " La Fontaine ", situé en face de l'hôtel, afin d'assurer la tranquillité publique. Cette demande a été implicitement rejetée par le préfet du Doubs. La société F2M a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler cette décision implicite de rejet et d'enjoindre au préfet du Doubs de prendre toute mesure nécessaire aux fins de faire cesser l'atteinte à la tranquillité publique. La société F2M relève appel du jugement n° 1900434 du 25 février 2021 du tribunal administratif de Besançon qui a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement litigieux attaqué :
2. En premier lieu, si la société F2M soutient que les premiers juges se sont mépris sur le sens de sa demande adressée le 17 janvier 2018 au préfet, la seule circonstance que le jugement n'évoque pas expressément le rappel à la loi qui était demandé dans son courrier, et alors que les premiers juges ne sont jamais tenus de répondre à tous les arguments au soutien d'un moyen, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement litigieux pour un motif d'insuffisance de motivation
3. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La société F2M ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur de droit qu'auraient commis les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement litigieux :
4. En premier lieu, d'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat (...) ". Aux termes de l'article L. 2214-4 du même code : " Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2º de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que, dans les communes où la police est étatisée, le maire est compétent pour réprimer les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les troubles de voisinage, le représentant de l'Etat dans le département étant pour sa part compétent pour réprimer les autres atteintes à la tranquillité publique au sens des dispositions du 2° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.
6. La légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle est prise.
7. Par un arrêt du même jour rendu sous le n° 21NC01159 la cour a jugé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier, à la date du refus du maire de Besançon d'intervenir, une carence de ce dernier dans l'exercice de ses pouvoirs de police visant à faire cesser les troubles à l'ordre public générés par le bar " La Fontaine " dont se plaint la société requérante. Dans ces conditions, en l'absence de carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, le préfet du Doubs n'avait pas à faire usage de son pouvoir de substitution qu'il détient de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Doubs, en refusant de prendre une mesure de police, aurait méconnu cet article.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " (...) En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 333-1 du code de la sécurité intérieure : " Les établissements diffusant de la musique, dont l'activité cause un trouble à l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics, peuvent faire l'objet d'un arrêté de fermeture administrative d'une durée n'excédant pas trois mois par le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, par le préfet de police.(...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du courrier du 17 janvier 2018 de la requérante, le préfet a demandé le 31 janvier 2018 aux services de police d'effectuer des contrôles de l'établissement. Le contrôle réalisé sur place le 19 avril 2018 n'a relevé aucune infraction, nuisance ou trouble à l'ordre public. Dans ces conditions, en l'état des pièces du dossier, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus implicite du préfet du Doubs de mettre en œuvre ses pouvoirs de police qu'il détient des articles cités au point précédent du présent arrêt, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle il a été pris, serait entaché d'illégalité.
10. Il résulte de ce qui précède que la société F2M n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société F2M est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société F2M et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressé au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- Mme Roussaux, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
Signé : S. Roussaux La présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 21NC01171