Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... arim C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 27 juin 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.
Par un jugement n° 2302826 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 décembre 2023, 9 février 2024, 18 et 19 juin 2024, M. C..., représenté par Me Lebon-Mamoudy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 novembre 2023 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 juin 2023 pris à son encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- ses revenus sont suffisants pour subvenir à ses besoins ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 juin 2024 et le 1er juillet 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle s'en remet à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que les moyens tirés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 7a) de l'accord-franco-algérien du 27 décembre 1968, de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 31 juillet 1990, est entré régulièrement sur le territoire français le 1er septembre 2016 muni d'un passeport revêtu d'un visa portant la mention " étudiant ". L'intéressé a d'abord été admis au séjour en qualité d'étudiant jusqu'au 4 janvier 2018, puis a bénéficié de la délivrance d'une carte de résident portant la mention " visiteur-profession libérale " régulièrement renouvelée jusqu'au 1er juillet 2023. Par un arrêté du 27 juin 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son certificat de résidence ainsi que de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans au titre des stipulations de l'article 7a) et 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. C... relève appel du jugement du 30 novembre 2023 par lequel tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait omis de procéder à un examen de la situation de M. C... et n'aurait pas pris en compte les éléments relatifs à sa situation personnelle avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : / a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur (...) ". Enfin, aux termes de l'article 7 bis de cet accord : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des avis d'imposition sur les revenus de M. C... au titre des années 2020, 2021 et 2022 que l'intéressé n'est pas imposable. Par ailleurs, M. C... a déclaré auprès de l'URSSAF un chiffre d'affaires ne s'élevant qu'à 9 403 euros au titre de l'année 2022 et un chiffre d'affaires d'un montant 2 600 euros au titre du deuxième trimestre de l'année 2023. En outre, l'intéressé a perçu en janvier 2023 une somme de 232, 66 euros versée par la caisse d'allocations familiale pour un montant d'activité pris en compte de 810 euros. Dans ces conditions et alors que les revenus de M. C... au titre de son emploi d'agent de sécurité à temps partiel qui nécessitait une autorisation de travail, ne peuvent ainsi être pris en compte, le requérant ne justifie pas qu'il disposait à la date de la décision en litige de moyens d'existence suffisants au sens des stipulations précitées du a) de l'article 7 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, à la date de la décision contestée, le préfet a pu légalement refuser de lui délivrer une carte de résident de dix ans sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis du même accord.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si M. C... réside régulièrement en France depuis le 1er septembre 2016, il ne justifie pas disposer par les éléments versés à l'instance de liens personnels et familiaux d'une particulière intensité en France. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
8. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
9. Si M. C... réside en France depuis près de sept ans à la date de la décision en litige et exerce notamment une activité libérale de " livraison repas à vélo ", il n'établit pas disposer par les éléments versés à l'instance de liens personnels et familiaux d'une particulière intensité en France ni d'une intégration dans la société française qui justifieraient son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre de son pouvoir de régularisation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Pour les motifs exposés ci-dessus et en l'absence d'autre élément invoqué par le requérant, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Lebon-Mamoudy et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. MichelLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
2
N° 23NC03812