Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPPMA) " La Gaule Moirantine ", a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler, d'une part, l'article 2 de l'arrêté n° 2019-12-16-001 du 27 décembre 2019 par lequel le préfet du Jura a classé la retenue du lac de Vouglans en seconde catégorie piscicole et, d'autre part, la partie de l'arrêté n° 2019-29-12-001 du 3 janvier 2020 par laquelle le préfet du Jura a réglementé l'exercice de la pêche en eau douce sur la retenue du lac de Vouglans.
Par un jugement n° 2000358, 2000359 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2022, l'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPPMA) " La Gaule Moirantine ", représentée par Me Barberousse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 10 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'article 2 de l'arrêté n° 2019-12-16-001 du 27 décembre 2019 par lequel le préfet du Jura a classé la retenue du lac de Vouglans en seconde catégorie piscicole ;
3°) d'annuler l'arrêté n° 2019-29-12-001 du 3 janvier 2020 par laquelle le préfet du Jura a réglementé l'exercice de la pêche en eau douce en tant qu'il concerne la retenue du lac de Vouglans ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant de l'arrêté du 27 décembre 2019 le préfet du Jura a commis une erreur de droit en classant en seconde catégorie de la retenue du lac de Vouglans en méconnaissance des dispositions du b) du 10° de l'article L. 436-5 du code de l'environnement ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le besoin de protection du peuplement de corégones justifie le classement de la retenue du lac de Vouglans en première catégorie piscicole ;
- l'arrêté du 3 janvier 2020 est illégal par exception d'illégalité de l'arrêté du 27 décembre 2019 ;
- cet arrêté est également entaché d'illégalité dans la mesure où l'autorité préfectorale n'encadre pas suffisamment la période de pêche et la taille des prises en méconnaissance de l'article R. 436-36 du code de l'environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens invoqués par l'AAPPMA " La Gaule Moirantine " ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La retenue du lac de Vouglans, située dans le Jura, a été créée en 1968 sur la rivière de l'Ain et appartient au domaine public de l'Etat. L'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPPMA) " La Gaule Moirantine " est locataire de baux de pêche de l'Etat sur cette rivière et titulaire de deux lots sur le lac de Vouglans, correspondant à un linéaire de 26,6 km sur les 35 km que compte le lac. Par un arrêté du 27 décembre 2019, le préfet du Jura a classé la retenue du lac de Vouglans en seconde catégorie piscicole. Puis, par un arrêté du 3 janvier 2020, le préfet du Jura a réglementé l'exercice de la pêche en eau douce dans le département du Jura pour l'année 2020. L'AAPPMA " La Gaule Moirantine " relève appel du jugement du 10 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 27 décembre 2019 ainsi qu'à l'annulation de la partie de l'arrêté du 3 janvier 2020 en tant qu'il porte règlementation de la pêche sur le lac de Vouglans.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'article 2 de l'arrêté du 27 décembre 2019 :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 436-5 du code de l'environnement : " Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions dans lesquelles sont fixés, éventuellement par bassin : (...) / 10° Le classement des cours d'eau, canaux et plans d'eau en deux catégories : / a) La première catégorie comprend ceux qui sont principalement peuplés de truites ainsi que ceux où il paraît désirable d'assurer une protection spéciale des poissons de cette espèce ; / b) La seconde catégorie comprend tous les autres cours d'eau, canaux et plans d'eau soumis aux dispositions du présent titre ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 436-6 du code de l'environnement : " I.- l'exception de la pêche de l'ombre commun qui est autorisée du troisième samedi de mai au troisième dimanche de septembre inclus, la pêche dans les eaux de 1ère catégorie est autorisée du deuxième samedi de mars au troisième dimanche de septembre inclus. / Dans ces eaux, tout brochet capturé du deuxième samedi de mars au vendredi précédant le dernier samedi d'avril doit être immédiatement remis à l'eau (...) ". L'article R. 436-7 du code de l'environnement dispose : " Dans les eaux de 2e catégorie, la pêche est autorisée toute l'année, à l'exception de : / 1° La pêche du brochet, qui est autorisée du 1er janvier au dernier dimanche de janvier et du dernier samedi d'avril au 31 décembre, inclus (...) ". Selon l'article R. 436-21 du même code : " (...) Dans les eaux classées en 1ère catégorie, le nombre de captures de brochets autorisé par pêcheur de loisir et par jour est fixé à 2. / Dans les eaux classées en 2e catégorie, le nombre de captures autorisé de sandres, brochets et black-bass, par pêcheur de loisir et par jour, est fixé à trois, dont deux brochets maximum. / Lorsque les caractéristiques locales du milieu aquatique justifient des mesures particulières de protection du patrimoine piscicole, le préfet peut, par arrêté motivé, diminuer le nombre de captures autorisées fixé ci-dessus dans les cours d'eau et les plans d'eau qu'il désigne ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des données du prélèvement effectué en 2014 par l'office national des eaux et des milieux aquatiques (ONEMA), que la retenue du lac de Vouglans est principalement peuplée de quatre espèces dont le brochet et le sandre, qui font partie de la famille des carnassiers. Cette étude relève également que le nombre de brochets recensés est faible. Si les temps d'interdiction de pêche sont plus longs pour les eaux classées en première catégorie, le classement en seconde catégorie implique une interdiction de pêche du brochet qui, bien que plus courte, correspond cependant à sa période de reproduction. En dehors de fortes perturbations météorologiques, la période de fraie de cette espèce coïncide avec la période d'interdiction de pêche fixée par l'arrêté préfectoral contesté. Tandis que les dispositions de l'article R. 436-6 du code de l'environnement propres au classement en première catégorie autorise la pêche du deuxième samedi de mars au troisième dimanche de septembre inclus, c'est-à-dire pendant la période de reproduction du brochet. L'interdiction de pêche pendant la période de reproduction, propre au classement en seconde catégorie, est ainsi une mesure davantage protectrice pour l'espèce. Par suite, le préfet du Jura n'a pas commis d'erreur de droit, ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 436-5 du code de l'environnement en classant la retenue du lac de Vouglans en seconde catégorie piscicole.
5. En outre, s'agissant du nombre de captures autorisées, les dispositions des articles R. 436-6 du code de l'environnement, R. 436-7 du code de l'environnement et R. 436-21 du même code impliquent une meilleure protection des carnassiers dans leur ensemble dans les eaux de seconde catégorie, la première ne régissant que le nombre de captures des brochets et non des autres espèces de cette famille, et en particulier le sandre. De plus, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la note du 4 février 2022 de l'Office français de la biodiversité (OFB), que le classement en seconde catégorie est davantage protecteur pour les carnassiers, dans la mesure où " les dispositions entrainées par ce classement interdisent les pêches aux leurres et aux poissons morts ou vifs, destinées à la capture spécifique des carnassiers (R.436-33 CE) du mois de février à la date d'ouverture de la pêche des carnassiers fixée le dernier samedi de mai dans le département du Jura, période pendant laquelle les deux espèces se reproduisent et sont beaucoup plus actives ". Le classement en seconde catégorie a ainsi vocation à protéger ces espèces. Dans ces conditions, en fondant son arrêté sur le motif tiré de ce que le classement en première catégorie du lac ne permet pas la gestion des carnassiers dans les meilleures conditions, le préfet du Jura n'a pas davantage méconnu les dispositions de l'article R. 436-7 du code de l'environnement.
6. En deuxième lieu, l'association requérante soutient que le classement de la retenue du lac de Vouglans en seconde catégorie augmenterait la pression sur la population de sandre et engendrerait ainsi la diminution de l'espèce, en autorisant la pêche aux asticots, larves de diptères et au ver de terre. Or, il ressort des pièces du dossier et notamment de la note élaborée par l'OFB que " la pêche au vers n'est pas interdite en première catégorie, c'est uniquement la pêche à l'asticot qui est interdite (R.436-34 I 2° CE). Cette interdiction n'avait d'ailleurs pas lieu sur la retenue de Vouglans, l'utilisation de l'asticot y était autorisée par le préfet du Jura sans amorçage en application des dispositions du II de l'article R. 436-34 du code de l'environnement. Ces modes de pêche ne sont pas destinés à la capture des carnassiers ", dont fait partie le sandre. Par suite, le moyen tiré de l'augmentation de la pression et de la diminution de l'espèce sandre liées aux modes de pêche autorisés en classement de seconde catégorie doit être écarté.
7. En troisième lieu, l'association requérante, n'établit pas que les temps de pêche qui résultent du passage en seconde catégorie auront pour effet d'assurer une moindre protection du brochet. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la note du 4 février 2022 produite par l'OFB et de la fiche faisant état du peuplement piscicole pour l'année 2014 de l'ONEMA, que l'impact sur le brochet n'est pas lié au classement piscicole mais à l'activité hydroélectrique limitant les frayères c'est-à-dire les zones de végétation utilisées pour la ponte des œufs. La raréfaction du brochet est ainsi imputable au faible nombre de zones de reproduction liée à la gestion de la retenue et non au classement en seconde catégorie. Par suite, le préfet du Jura n'a pas commis d'erreur de droit en procédant au classement en seconde catégorie de la retenue du lac de Vouglans.
8. En dernier lieu, l'association requérante fait valoir que le besoin de protection du peuplement de corégones implique le classement de la retenue du lac de Vouglans en première catégorie piscicole. Toutefois, la condition posée par l'article L. 436-5 du code de l'environnement, pour le classement en première catégorie piscicole est le besoin de protection spéciale des truites. Or, le peuplement important de corégone ne permet pas de classer le lac en première catégorie dès lors que l'espèce truite est absente de la retenue du lac de Vouglans. Dans ces conditions, le préfet du Jura n'a pas commis d'erreur d'appréciation en procédant au classement en seconde catégorie de la retenue du lac de Vouglans.
9. Il résulte de ce qui précède que l'AAPPMA " La Gaule Moirantine " n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 27 décembre 2019.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 janvier 2020 :
10. En premier lieu, l'association n'ayant pas démontré l'illégalité de l'arrêté du 27 décembre 2019, le moyen invoqué par la voie de l'exception à l'encontre de l'arrêté du 3 janvier 2020, tiré de l'illégalité de l'arrêté du 27 décembre 2019, ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, l'article R. 436-18 du code de l'environnement prévoit notamment que le brochet et le sandre ne peuvent être pêchés et doivent être remis à l'eau immédiatement après leur capture si leur longueur est inférieure à 0,50 m pour le brochet et 0,40 m pour le sandre dans les eaux de seconde catégorie. En vertu de l'article R. 436-19 du même code, le préfet peut cependant, par un arrêté motivé, porter la taille minimale du sandre à 0,50 m dans les eaux de seconde catégorie et la taille minimale du brochet à 0,60 m dans les eaux des premières et deuxièmes catégories. Enfin, en application de l'article R. 436-36 de ce code, le préfet du Jura peut établir par arrêté une réglementation spéciale sur le lac de Vouglans, qui figure sur la liste ministérielle, susceptible de déroger aux prescriptions fixées notamment par l'article R. 436-18.
12. Dans l'arrêté attaqué, le préfet du Jura a étendu la période d'interdiction de pêcher pour toute la durée du mois de mai s'agissant du brochet et de février à mai inclus s'agissant du sandre au motif que ces périodes correspondent à celles de reproduction de ces espèces. Il a également porté de 0,50 m à 0,60 m la taille minimale de capture du brochet et de 0,40 m à 0,50 m la taille minimale de capture du sandre afin de restaurer une pyramide optimale de la capacité reproductrice de l'espèce en évitant de prélever les spécimens adultes les plus féconds.
13. D'une part, si l'AAPPMA " La Gaule Moirantine " soutient que le préfet aurait dû, en vertu des dispositions de l'article R. 436-6 du code de l'environnement, interdire ou au moins limiter l'utilisation, pendant certaines périodes, de la pêche à l'asticot, elle n'apporte pas les précisions utiles sur l'intérêt de cette mesure au regard de la situation des espèces présentes dans le lac de Vouglans. Au demeurant, les dispositions de cet article ne régissent pas les règles relatives aux types d'appâts utilisés par les pêcheurs. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait cette disposition ne peut qu'être écarté.
14. D'autre part, si l'association requérante soutient que le préfet n'a pas assorti son arrêté de garanties suffisantes en terme de période d'ouverture, de taille légale de capture et de nombre de prises et d'institution de réserves temporaires, elle n'a toutefois produit aucun élément sérieux de nature à établir que les mesures qui sont prévues tant par le code de l'environnement que par l'arrêté lui-même seraient en l'espèce insuffisantes pour protéger les espèces présentes et que le préfet aurait dû renforcer davantage ces interdictions.
15. Il résulte de ce qui précède que l'AAPPMA " La Gaule Moirantine " n'est pas fondée à demander l'annulation de la partie de l'arrêté du 3 janvier 2020 réglementant la pêche sur la retenue du lac de Vouglans.
16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par l'association requérante doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande l'AAPPMA " La Gaule Moirantine " au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'AAPPMA " La Gaule Moirantine " est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique (AAPPMA) " La Gaule Moirantine " et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Wallerich, président de chambre,
- Mme Laurie Guidi, présidente-assesseure,
- M. Alexis Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : M. WallerichL'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau,
Signé : L. Guidi
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
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N° 22NC00067