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24/10/2024 | FRANCE | N°22NC00365

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 24 octobre 2024, 22NC00365


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Bischwihr a délivré à M. D... un permis de construire pour l'extension d'un bâtiment agricole et d'un appentis en vue du stationnement de matériel sur une parcelle cadastrée section 22, n° 51 sise rue de Kaysersberg à Bischwihr.



Par un jugement avant-dire droit n° 2000169 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif

de Strasbourg a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire en litige jusqu'à l'expir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Bischwihr a délivré à M. D... un permis de construire pour l'extension d'un bâtiment agricole et d'un appentis en vue du stationnement de matériel sur une parcelle cadastrée section 22, n° 51 sise rue de Kaysersberg à Bischwihr.

Par un jugement avant-dire droit n° 2000169 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire en litige jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, afin de laisser la possibilité à la commune de Bischwihr et M. D... de notifier au tribunal un permis de construire modificatif régularisant le vice qui affectait le permis initial, tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué.

M. D... a obtenu ce permis modificatif le 29 novembre 2021, qui a été transmis au tribunal le 2 décembre 2021.

Par un jugement au fond n° 2000169 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le permis modificatif accordé le 2 décembre 2021 avait régularisé le vice qui affectait le permis initial et, qu'en l'absence d'autre illégalité susceptible d'être relevée, la demande de M. A... devait être rejetée.

Procédures devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 14 février 2022, sous le n° 22NC00365, M. A..., représenté par Me Marcantoni, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement avant-dire droit du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2021 en ce qu'il a écarté les autres moyens de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2019;

2°) d'annuler le permis de construire délivré le 5 juillet 2019 à M. D... par le maire de la commune de Bischwihr ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bischwihr une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le dossier de permis de construire est insuffisant au regard des dispositions des articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;

- le projet porte une atteinte significative à l'exécution du futur plan local d'urbanisme en cours d'élaboration en ses articles 2Ac, 6Ac et 11Ac et aurait ainsi dû donner lieu à sursis à exécution en application des dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2022, la commune de Bischwihr, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 14 juin 2022, sous le n° 22NC01520, M. A..., représenté par Me Marcantoni, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000169 du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler le permis de construire modifié délivré le 5 juillet 2019 à M. D... par le maire de la commune de Bischwihr ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bischwihr une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le permis modificatif ne suffit pas à régulariser le vice tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- les dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme ont été méconnues.

Vu les lettres du 17 juillet 2024 par lesquelles M. A... a été invité à régulariser ses deux requêtes en produisant les pièces attestant de leurs notifications à l'auteur de la décision contestée et à son bénéficiaire en application des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthou,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de M. A... et de Me Koromyslov représentant la commune de Bischwihr ;

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Bischwihr a été enregistrée le 9 octobre 2024 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande du 10 janvier 2019, complétée le 14 mars 2019, le 11 avril 2019, le 20 mai 2019 et le 4 juin 2019, M. D... a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de l'extension d'un bâtiment agricole et d'un appentis sur une parcelle cadastrée section 22, n° 51 sise rue de Kaysersberg à Bischwihr. Par un arrêté du 5 juillet 2019, le maire de la commune de Bischwihr a accordé le permis de construire sollicité. M. A..., propriétaire d'une maison d'habitation sise 9, rue des blés à Bischwihr, voisin immédiat du projet, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de son recours gracieux du 5 septembre 2019. Par un jugement avant-dire droit du 9 novembre 2021, le tribunal, en application de

l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté du 5 juillet 2019 durant un délai de deux mois pour permettre la régularisation du vice tiré de l'incompétence de l'auteur du permis litigieux. La commune a produit un arrêté modificatif en date du 29 novembre 2021. Par un jugement du 14 avril 2022 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le recours tendant à l'annulation du permis de construire. M. A... demande à la cour l'annulation de ces deux jugements et des deux arrêtés des 5 juillet 2019 et du 29 novembre 2021 valant permis de construire.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 22NC00365 et 22NC01520 ont trait au même projet de construction et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé des jugements :

3. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. " et aux termes de son article L. 111-4 : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : / (...) 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes dépourvues de tout plan d'urbanisme ou de carte communale, comme en l'espèce, la règle de constructibilité limitée n'autorise, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, que les constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole. Ce lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée. Il s'ensuit que la seule qualité d'exploitant agricole du pétitionnaire ne suffit pas à caractériser un tel lien.

4. Pour justifier de la nécessité du projet litigieux, la commune de Bischwihr se borne à renvoyer à la notice descriptive PC4 du dossier de permis de construire mentionnant que l'agrandissement du bâtiment existant, dont la surface serait ainsi triplée, constitue une nécessité pour le stationnement des machines agricoles appartenant à l'exploitant, et à renvoyer à l'avis favorable du 8 mars 2019 très peu étayé de la chambre d'agriculture Alsace. Ni la commune ni M. D..., qui n'a pas produit d'observation en défense, n'apportent d'élément circonstancié quant à la nécessité d'un nouveau hangar pour entreposer les machines nécessaires à l'activité agricole du pétitionnaire. Ils ne justifient notamment pas de la mention, figurant dans la notice, qu'un projet de lotissement sur les terrains accueillant actuellement lesdits matériels rendrait nécessaire la construction litigieuse. Ainsi, alors même que M. D... est exploitant agricole en polyculture élevage depuis le 31 décembre 1986 et qu'il n'exerce aucune autre activité, le maire n'a pu légalement, en l'absence de justificatifs sur ce point, considérer que le projet devait être regardé comme nécessaire à l'exploitation au sens des dispositions du 2° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal, dans son jugement avant-dire droit, a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'urbanisme.

5. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible, en l'état de l'instruction, de fonder l'annulation de l'arrêté en litige.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant est fondé à demander l'annulation du jugement avant-dire droit du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2021 et, par voie de conséquence, du jugement au fond du 14 avril 2022.

Sur les frais liés aux instances :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Bischwihr demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Bischwihr une somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement avant-dire droit du 9 novembre 2021 et le jugement du 14 avril 2022 du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.

Article 2 : Les arrêtés du 5 juillet 2019 et du 2 décembre 2021 du maire de la commune de Bischwihr sont annulés.

Article 3 : La commune de Bischwihr versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à M. B... D... et à la commune de Bischwihr.

Copie en sera adressée, pour information, au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Colmar.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024

Le rapporteur,

Signé : D. BERTHOULa présidente,

Signé : S. BAUER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

1

N° 22NC00365, 22NC01520 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00365
Date de la décision : 24/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. David BERTHOU
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-24;22nc00365 ?
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